A la fin de l’année, beaucoup de sorties culturelles sont organisées par les professeurs. Mathilde Perrette et Julien Lacroix , deux professeurs de l’école REP Pierre Girard dans le 19e arrondissement ont organisé une sortie pour leurs élèves en CP-CE1 et en CM2 à la Philharmonie pour faire découvrir Basquiat à leurs élèves. Pour Julien Lacroix, la fin de l’année scolaire est « assez exaltante et intense émotionnellement, tous les projets de l’année doivent aboutir.»
Sortir de l’École et apprendre
A peine sortis de l’école, Mathilde Perrette demande aux élèves de CP et CE1, l’air perdu, de se situer « Mais où est le parc de la Villette, par où on va ? » « à droite ? à gauche ? ». Grâce au talent des élèves et à leur sens de l’orientation, la classe trouve son chemin. Puis, chemin faisant Mathilde rend les élèves attentifs aux nouveaux graffitis près de la petite ceinture, à 2 rues de l’école. Elle leur demande s’ils arrivent à déchiffrer ou à trouver la signature de l’artiste Da Cruz, prélude à l’exposition. Chemin faisant, tout est prétexte à la lecture pour les élèves de CP, invités par Mathilde à déchiffrer nombre de panneaux. Les élèves sont contents de sortir de l’école, même si l’un glisse qu’il préférerait aller à la piscine. La température est en effet très élevée !
Sortie multi-niveaux, bienveillance et inclusion
Dans le musée, les élèves sont répartis par petits groupes de 4-5 élèves issus des différents niveaux CP-CE1 et CM2 accompagné d’un adulte, professeur ou parent. Les élèves se mélangent avec naturel et interagissent avec facilité, ils s’écoutent et se parlent. Julien Lacroix l’explique ainsi: «Les fratries distribuées sur plusieurs niveaux font qu’il existe des liens entre les élèves de CM2 et de CP/CE1. Néanmoins, nos deux classes n’avaient encore jamais travaillé ensemble.»
Un des axes du projet d’école dans lequel est engagée toute l’équipe pédagogique est de favoriser le bien-être et l’estime de soi des élèves. Mathilde Perrette précise « Au sein de toutes les classes de l’école, nous essayons de mettre au maximum l’accent sur la bienveillance, en commençant par celle des professeurs envers les élèves. Des conseils d’élèves et des temps de partage entre élèves sont régulièrement organisés dans les différentes classes de l’école. Le fait que cette bienveillance soit visible est une vraie victoire pour nous.»
Julien Lacroix enchérit «au sein des classes de CM2, il existe en effet beaucoup de bienveillance […]il n’y a pas d’élève en forte opposition et la présence de deux ou trois enfants relevant de la M.D.P.H. a certainement concouru à développer chez nos élèves douceur et empathie.»
Julien Lacroix souligne que « les CM2 étaient investis d’une mission éducative (s’occuper des plus jeunes) et toutes et tous ont joué le jeu : élèves calmes et investis qui d’eux-mêmes ont filtré les informations biographiques non-adaptées aux plus jeunes : par exemple les CM2 n’ont pas fait mention de l’overdose de Basquiat auprès des CP/CE1 mais ont évoqué les tensions raciales américaines et le rapport compliqué à la police.»
Sortie et coopérations
Durant la visite, dans chaque petit groupe, les élèves de CP-CE1 et de CM2 mettent en commun leurs connaissances et savent les restituer et les partager devant les œuvres. Ils en choisissent quelques-unes, et présentent leur vision. En amont de la sortie, les élèves ont découvert l’artiste et son œuvre en classe. Ainsi, devant un tableau, un élève raconte « là, c’est parce qu’il était à l’hôpital et sa mère lui a apporté un livre ». Les élèves de CP/CE1 ont repéré assez facilement des références à la vie et à l’enfance de Jean-Michel Basquiat, comme par exemple son accident de voiture évoqué dans plusieurs toiles. Plus loin « il y a une couronne car c’est le roi des arts », pour un autre «La couronne d’épines représente la souffrance vécue par les Afro-américains» ou encore «dans ses tableaux on peut voir des écritures qui rappellent la musique».
Les élèves de Mathilde Perrette « ont été marqués par le côté « bazar » de l’œuvre de Basquiat : des couleurs qui débordent, des tâches, des éléments collés les uns sur les autres, des chiffres écrits à l’envers. Certains ont adoré quand d’autres ont été dérangés par cette absence apparente de ‘soin’».
La préparation collective a suscité une attente chez les élèves et fait naître un questionnement. Les élèves avaient notamment en tête les 3 questions suivantes :
– La première chose que j’ai remarquée
– Une chose que j’ai aimée :
– Une chose qui m’a étonné(e):
Pour Mathilde Perrette, «la collaboration entre petits et grands a été un plus : les CM2, responsabilisés, se sont sérieusement impliqués. Les CP/CE1 ont sans doute davantage communiqué avec leurs aînés qu’ils ne l’auraient fait seulement accompagnés d’enseignants. Julien résume: «On devrait toujours faire confiance à l’ouverture d’esprit des enfants».
L’exposition de l’œuvre hétéroclite (photos, vidéos, peinture) de Basquiat est baignée dans la musique. Caroline, la professeure de musique de la Ville de Paris de l’école est d’ailleurs associée à ce projet et est présente : c’est aussi un voyage dans le jazz et le hip hop que les élèves apprécient. « Basquiat exprime ses dessins avec la musique » dit l’un. Les élèves dansent, et marchent au rythme de la musique, participant vraisemblablement à la «totale implication dans la visite» qui a agréablement surprise Mathilde Perrette. La musique permet aussi de rendre l’exposition accessible et plaisante aux élèves et elle les rassemble. Cette sortie scolaire a été un travail entre collègues, entre élèves de différents niveaux autour d’une œuvre riche et variée, à laquelle s’ajoute, comme Julien Lacroix précise «la participation active des mamans qui a également permis le succès de cette visite.» Toute sortie scolaire réussie ne repose-t-elle pas sur la coopération à tous étages?
Djéhanne Gani