« Faire classe dehors ! Le mot sonne aujourd’hui comme un impératif » , écrivent Julien Fuchs (Université de Bretagne Occidentale) et Gilles Brougère (Université Sorbonne Paris Nord) qui coordonnent un numéro de la revue Les sciences de l’éducation – Pour l’Ere nouvelle (n°54-3) consacré aux classes de découverte. L’ouvrage fait découvrir l’identité complexe de ces « classes » qui n’en sont pas. Cela passe par un rapport complexe au tourisme : on apprend en classe de découverte comme apprennent les touristes, dans des activités non scolaires. Mais le tourisme joue aussi de mauvais tours à ces classes. Rapport complexe aussi de ces classes à la forme scolaire : ce sont des classes ou pas ? C’est dire que les modalités d’apprentissage et les pratiques sont au coeur de ce numéro. Car plus que jamais, l’urgence environnementale rend les classes de découverte encore plus indispensables.
Un déclin confirmé
« La classe de découverte apparait comme un riche objet de recherche interrogeant la diversité des modes d’apprentissage, laissant entrevoir que l’école n’est pas la seule situation éducative possible« , écrivent J Fuchs et G Brougère.
Mais avant d’arriver aux pratiques éducatives des classes de découverte, la revue pose le décor de leur déclin. Si au milieu des années 80 la moitié des élèves part au moins une fois en classe de découverte, 10 ans plus tard ce n’est plus qu’un sur 10. A cela s’ajoute la diminution constante de la durée des séjours. Au départ il doit durer au minimum un mois. La circulaire de 2005 ramène cela à au minimum 4 nuitées.
La durée est le socle des apprentissages dans ces classes. Car, comme l’écrivent les coordonnateurs du numéro, « partir pour apprendre c’est aussi apprendre à partir« . Ce sont « des classes de découverte… de soi-même, des autres et de l’environnement« .
Des espaces éducatifs
On y apprend autrement et autre chose. La classe de découverte est bien un dispositif scolaire, pensé en amont, s’inscrivant dans un projet scolaire. « Pour autant elle interroge fondamentalement l’idée même de classe ». Elle deviennent des « espaces éducatifs » où se transforment les relations maître -élève et les relations entre élèves. Pour les coordonnateurs c’est un espace « qui submerge la classe« . Et c’est ce que montrent en détail les articles du numéro.
Un premier article s’appuie sur les cahiers d’une classe de ski suivie par des banlieusardes dans les années 1950. Les élèves découvrent un nouvel environnement dans un émerveillement qui mobilise pour de nombreux apprentissages. Notons que le tourisme de masse, avec l’arrivée des vacances d’hiver (1972), accélèrera le déclin de ces classes de ski.
Un deuxième article nous emmène en classes de mer auprès des éducateurs de ces classes. Ils pratiquent une pédagogie du détour avec une construction en retour si la dure du séjour le permet. « L’absence de formalisation stricte des contenus éducatifs favorise des formes d’appropriation dépendantes de ressources construites dans les trajectoires des éducateurs« , relève Etienne Guillaud.
Apprendre par le plaisir ?
Gilles Bourgère et Emmanuelle Peyvel (UBO) reviennent sur l’expérience des classes de mer dans leur rapport au tourisme. Les activités menées dans ces classes de mer se rapprochent d’activités touristiques même si la classe reste présente. On est dans un dispositif hybride. »La transformation de la classe n’est pas la disparition de l’apprentissage« , écrivent -ils. « Elle laisse la place à d’autres apprentissages dont les enfants ont conscience et qui s’inscrivent dans une logique touristique… Elles ont du sens en elles-mêmes et ne sont pas réalisées pour apprendre mais pour le plaisir qu’elles procurent. Nous découvrons des situations d’apprentissage informel au sein même de la classe« .
Finalement, le numéro interroge en miroir la forme scolaire. Si on peut apprendre sans s’en rendre compte en réalisant des activités par plaisir, ces apprentissages ont-ils une utilité scolaire ? Ces classes, copiées sur les pratiques touristiques des privilégiés, sont-elles formatrices pour tous ? Le débat a été lancé récemment à propos des classes dehors par Julien Vitores (Toulouse 2). Pour lui, ces classes nature sont très intéressantes mais porteuses d’inégalités sociales. Voilà un nouveau débat pour les classes de découverte.
François Jarraud
Les classes de découverte : recherches actuelles, Les sciences de l’éducation. Pour l’Ere nouvelle. Vol 54 n°3.