C’est par la découverte des métiers qu’on luttera contre les inégalités semble penser la rue de Grenelle. Dans le propos introductif de la note de service « Organisation de la découverte des métiers au collège de la classe de cinquième à la classe de troisième pour l’année scolaire 2023-2024 », le ministère voit dans ce nouveau dispositif « un enjeu majeur de justice sociale, mais aussi de dynamisme des secteurs d’activité qui offriront des opportunités à l’avenir ». On peut lire en filigrane de cette note un projet pour l’école assez différent de celui porté par ceux qui y voit le lieu premier de formation d’un citoyen libre, éclairé et émancipé.
« La découverte des métiers vise à développer les connaissances et les compétences qui sont nécessaires aux élèves pour construire progressivement un projet d’orientation scolaire et professionnel » est-il écrit dans la note de service sur l’organisation de la découverte des métiers au collège de la classe de 5ème à la classe de 3ème. « Apprendre à se connaître, découvrir de nouveaux centres d’intérêt et se projeter dans le monde économique et professionnel relèvent pleinement des missions de l’école républicaine et de ses partenaires, en premier lieu les régions… Alors que les choix d’orientation sont encore trop souvent déterminés par l’environnement social ou familial des élèves, il s’agit de donner à ceux-ci le même niveau de connaissances sur les métiers, leurs évolutions et les formations qui y préparent. C’est un enjeu majeur de justice sociale, mais aussi de dynamisme des secteurs d’activité qui offriront des opportunités à l’avenir ».
La découverte du marché du travail dès la cinquième
La note de service fixe les modalités de mise en œuvre de la découverte des métiers pour les élèves des classes de 5e, 4e et 3e (cycle 4) « afin de leur offrir un rendez-vous régulier avec le monde professionnel figurant à leur emploi du temps » dans le cadre du parcours Avenir.
« L’ensemble de cette démarche permet ainsi aux élèves de développer leurs compétences en matière d’orientation, d’ouvrir leurs horizons et d’élever leur ambition scolaire et professionnelle, afin de favoriser des choix plus variés et éclairés. Concrètement, les élèves devront, à l’issue du cycle 4 et après la mise en œuvre complète de la démarche de découverte des métiers, connaître un panel élargi de métiers (de l’ordre de 40 à 50, contre 10 à 15 aujourd’hui) » écrit le ministère. À cette fin, seront donc organisés en 2023-2024 – le ministère ne s’engage que sur un an dans cette note – des activités qui tourneront autour de trois axes.
La connaissance des secteurs d’activité dont « l’enjeu est de permettre aux élèves de découvrir la diversité des métiers associés à un secteur d’activité ainsi que les perspectives d’insertion et d’évolution professionnelles » est le premier axe. Les élèves seront ainsi familiarisés aux activités quotidiennes liées à un profil d’emploi, à son environnement de travail, aux conditions de travail et de rémunération, aux compétences attendues et aux possibilités d’évolution. Pour rappel, on parle d’enfants à peine entrés dans l’adolescence, d’enfants âgés de 12 ans pour les plus jeunes.
Des « expériences d’immersion » sont aussi prévues. Des « expériences déterminantes, en ce qu’elles servent à incarner l’exercice d’un métier et positionnent l’élève comme acteur plutôt que simple spectateur » indique le ministère. Alors que jusqu’à présent les stages avaient lieu exclusivement en troisième, les expériences d’immersion peuvent avoir lieu « dès la 4e, y compris sous forme de stages courts ».
Dernier axe, « la découverte des formations post-collège ». Il s’agit là de proposer aux élèves de visiter des établissements de formation (lycées, CFA, etc.) et de rencontrer des lycéens et apprentis qui « rendent concrètes les présentations des filières de formation après le collège » dès la quatrième (les élèves doivent avoir visiter un lycée professionnel, un lycée agricole ou maritime ou un centre de formation pour apprentis). Ces visites « permettent à l’ensemble des élèves de se projeter plus facilement et de lutter contre l’autocensure pour l’accès à certaines formations, qu’elles soient générales, technologiques ou professionnelles, scolaires ou en apprentissage ».
Et pour ne pas oublier la réalité du marché du travail – pour rappel les enfants n’ont que 13-14 ans en quatrième – « une attention particulière est donnée aux secteurs porteurs d’insertion, aux métiers en tension et aux métiers d’avenir. La découverte des métiers aborde les enjeux de transition écologique, de réindustrialisation comme ceux des souverainetés industrielle, numérique et alimentaire. La découverte des métiers permet de connaitre localement le tissu économique et l’offre de formation ».
Le ministère demande tout de même d’ouvrir certains horizons en intégrant « des expériences ou des rencontres avec des acteurs économiques présents en dehors du bassin de vie et du département de l’établissement ». « Renforcer l’ambition des élèves implique qu’ils découvrent des lycées plus éloignés (notamment ceux comportant des internats) ou des offres économiques, qu’elles soient agricoles, industrielles ou tertiaires, auxquels leurs environnements géographique, familial ou social ne les exposent pas naturellement ».
Un référent par collège
Un référent par établissement est nommé, il est – bien entendu – rémunéré grâce à une brique du pacte. « Le chef d’établissement identifie un référent découverte des métiers qui assure la coordination des actions, ainsi que des rencontres avec des professionnels et des déplacements des élèves. Ce référent, qui peut être un professeur, un professeur documentaliste ou un conseiller principal d’éducation, bénéficie d’une lettre de mission et s’engage dans le cadre du pacte enseignant. Au regard des besoins, un référent découverte des métiers par niveau pourra être identifié » précise la note de service. Le référent « veille à la cohérence de l’ensemble des activités programmées et de leurs liens avec les programmes disciplinaires. Il mobilise les ressources du tissu économique local et plus éloigné. Il est l’interlocuteur des partenaires extérieurs, les associe aux objectifs du projet de l’établissement et prépare leur intervention en lien avec les professeurs principaux des classes concernées, le psychologue de l’éducation nationale et le professeur documentaliste ».
À la lecture de cette note, on peut s’interroger sur l’objectif premier de l’école. Apprendre pour devenir un citoyen éclairé et émancipé semble passer au second plan sous l’ère Macron. L’école sert avant tout à préparer les individus à être employables sur le marché du travail.
Lilia Ben Hamouda