Pour procurer le plaisir de lire, peut-être faut-il donner le temps d’écrire ? C’est la leçon que délivre Alexia Bonnet, professeure de français au collège Jean-Jacques Rousseau à Labastide Saint-Pierre. La lecture est ici menée en 5ème sur une œuvre d’Alexandrine Civard-Racinais. L’écriture prend la forme d’un « lapbook », en l’occurrence une feuille de papier divisée en rectangles correspondant à diverses entrées (personnage, objet, jugement, lecture expressive, écritures créatives …). Le travail d’appropriation s’avère transférable et inspirant tant il est susceptible de développer bien des compétences chez les élèves …
Qu’est-ce qui fonde un tel projet de lecture-écriture ?
Le projet intègre à la fois la lecture, l’écriture et l’oral afin de permettre aux élèves de restituer leur compréhension et leur interprétation personnelle des Robinsons de l’île Tromelin d’Alexandrine Civard-Racinais. Le travail articule plusieurs questions. : Comment faciliter la compréhension et l’interprétation des œuvres intégrales au collège ? Comment travailler les compétences « Lire, Dire et Écrire » tout en développant l’autonomie des élèves ? Comment articuler le travail des compétences linguistiques à celui des compétences langagières pour ne pas mener un enseignement hors-sol ?
Vous invitez les élèves à réaliser un « lapbook » : de quoi s’agit-il ?
Le lapbook peut être défini comme un dossier thématique que l’élève élabore sur un sujet : sur une grande feuille qu’il peut replier pour constituer son support, il met en espace ses connaissances sous forme de textes, de dessins, de schémas… Il existe divers formats et les exemples partagés par les collègues ne manquent pas ! Pour élaborer ce projet, j’ai retenu le format d’une feuille A2 et j’ai veillé à ce que la dimension esthétique ne prime pas sur le contenu.
Dans quel cadre menez-vous ce travail ?
Le travail est mené en 5ème. Dans le cadre de l’étude des questionnements « Se chercher, se construire » : « Le voyage et l’aventure : pourquoi aller vers l’inconnu ? » et « Vivre en société, participer à la société : Avec autrui : familles, amis, réseau ». Il m’a paru intéressant de proposer aux élèves la lecture d’une œuvre fondée sur des faits réels.
Quelles sont les consignes données aux élèves ?
Le projet du lapbook a été réalisé au fur et à mesure de la séquence. Pour ce travail, j’ai guidé les élèves en leur distribuant une consigne détaillée. Puis, j’ai donné à chacun une grande feuille divisée en neuf rectangles de taille égale. Chaque rectangle correspond à une entrée : la fiche de présentation détaillée d’un personnage, l’avis de lecteur/lectrice, un objet emblématique du livre, les personnages principaux et leurs liens, le titre du livre / nom de l’autrice / illustration, les informations importantes pour comprendre l’histoire (dates, lieux, événements…), une lecture expressive, la lettre de Tsimiavo à Tolotra suite à son départ, l’acrostiche du mot TROMELIN en lien avec l’histoire racontée. Chaque élément a dû être justifié.
Quelles ont été les étapes de travail ?
Pour mener ce travail, j’ai donné trois grands rendez-vous : un marché de connaissances à mi-séquence lors duquel les élèves ont présenté un livre lu en lecture cursive sur le thème du voyage, un temps de présentation du lapbook presque terminé une semaine avant l’échéance finale et la remise du lapbook en fin de séquence. Les activités d’écriture proposées dans la production finale ont été articulées aux séances de lecture et de langue. La lecture littéraire de passages emblématiques de l’œuvre, l’étude d’un documentaire sur les Naufragés de l’île Tromelin, la comparaison d’un extrait du livre avec une planche de la bande dessinée de Savoia ou encore la lecture d’une interview de l’autrice ont été autant d’entrées proposées pour générer le questionnement des élèves sur ce qui pouvait relever d’éléments réels ou fictifs, pour interroger l’intérêt d’écrire et de lire un tel récit et pour définir les enjeux de l’œuvre. Une semaine avant la remise du lapbook, les élèves ont été invités à présenter rapidement leur travail et à observer celui des autres. Ils ont pris en notes ce qui leur a semblé être intéressant pour enrichir leur lapbook.
Quel bilan tirez-vous de ce travail créatif ?
Cette séquence qui vise le développement des compétences orales, en lecture et qui cherche à favoriser l’autonomie des élèves fait la part belle à l’écriture, que ce soit sous la forme d’écrits de travail ou d’écrits rédactionnels sur lesquels les élèves reviennent pour faire des commentaires métagraphiques, pour échanger avec d’autres camarades ou pour les enrichir. Par des activités d’écriture fréquentes, variées et fondées sur l’envie de partager ce que peut être sa propre réception d’un texte, cette proposition de lapbook a permis d’engager chacun dans une appropriation personnelle du livre lu. Ainsi, pour développer les compétences des élèves et comme nous y invitent François Le Goff et Véronique Larrivé dans leur ouvrage, prenons Le temps de l’écriture.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut