En cette fin d’année scolaire, Yanick Trigance, Conseiller régional Ile-de-France, dresse le bilan de l’action de Pap Ndiaye. Selon l’élu, elle se résume à deux renoncements du Ministre. L’un en ce qui concerne la mixité sociale à l’école, le second sur la revalorisation promise aux enseignants.
En ce mois de juin, l’année scolaire qui entre dans sa phase finale restera marquée du sceau d’un double renoncement de la part de l’actuel ministre de l’Education Nationale.
Renoncement à faire de la mixité sociale et scolaire un outil efficace pour une école de l’altérité et du vivre-ensemble, renoncement à mettre les enseignants au cœur de notre système éducatif faute d’une revalorisation digne de ce nom.
Qu’il s’agisse de l’enseignement public ou privé, les décisions prises par le ministre en matière de mixité sociale et scolaire constituent une immense déception face à l’importance des attentes, du sujet et surtout des enjeux.
Alors même que l’enseignement privé sous contrat est financé à hauteur de 73% sur des derniers publics – Etat et collectivités -, que le nombre d’élèves issus des familles défavorisées-12% d’élèves boursiers dans le privé contre 29% dans le public – ne cesse de diminuer dans le privé quand dans le même temps celui des élèves issus de familles très favorisées ne cesse d’augmenter – 40% en 2023 dans le privé contre 32% dans le public -, le ministre a été incapable d’instaurer des mesures permettant de scolariser ensemble, le temps de la scolarité obligatoire, des élèves issus de milieux différents.
La France reste ainsi le seul pays à financer un système d’enseignement privé qui concurrence directement le service public d’enseignement sans remplir aucune des obligations de l’Ecole publique.
Pire encore, le financement des écoles maternelles privées décidée en 2019 avec l’obligation scolaire pour les enfants de 3 ans a été suivi du financement des établissements catholiques dans le cadre des contrats locaux d’accompagnement dans les académies d’Aix, de Lille et Nantes en éducation prioritaire.
Le protocole d’accord signé le 17 mai dernier entre le Ministre Pap N’Diaye et Philippe Delorme pour l’enseignement catholique reste de portée très symbolique et peu contraignante alors que des mesures auraient pu être proposées comme vient de le confirmer le récent rapport de la Cour des Comptes sur l’enseignement privé sous contrat : renforcement du contrôle administratif, financier et pédagogique, instauration de critères pour moduler les moyens financés accordés, mise en place de contrats d’objectifs et de moyens entre les établissements privés, l’Etat et les collectivités…
En renonçant à traiter au fond cette question de la mixité sociale et scolaire, le Ministre entretient de fait une rupture d’égalité entre les élèves, rupture contraire aux principes élémentaires d’une école qui veut se dire toujours républicaine.
Au cours de cette année scolaire finissant, le second renoncement marquant du Ministre restera sans conteste celui du processus de « revalorisation » des enseignants.
Chacun le sait : les enseignants français sont ceux qui font le plus d’heures (900 heures contre 700 heures en moyenne en Europe), devant des classes aux effectifs les plus chargés d’Europe et pour un salaire inférieur de 20 % à celui des enseignants du 1er degré dans l’OCDE.
Délaissés, dévalorisés, déconsidérés, nos enseignants attendaient à juste titre une revalorisation conséquente, sur la base d’une promesse présidentielle d’augmentation immédiate de 10% pour tous les enseignants et sans missions supplémentaires.
Las ! Après s’être transformée en hausse « moyenne » de 10% par rapport à 2020, incluant de surcroît d’anciennes primes mais également le gel du point d’indice, l’augmentation finale appelée « socle » sera de 5.5% en septembre 2023 quand 70% des enseignants auront une augmentation limitée à 95 euros, soit une hausse inférieure à 4% qui ne compensera pas les pertes de pouvoir d’achat subies depuis le début de l’année 2023.
A ce « socle » vient s’ajouter le fameux « pacte », ensemble de nouvelles missions qui, sous forme de « briques », aggravent les charges de travail, les inégalités femmes/hommes, le clivage premier /second degré, ignorant par ailleurs la prise en compte de tâches supplémentaires que font les enseignants -professeurs principaux, accueil des enfants en situation de handicap… – , laissant ainsi sous – entendre que les enseignants disposeraient de suffisamment de temps libre pour s’adonner au « travailler plus pour gagner plus » du quinquennat Sarkozyste.
Comment ne pas faire le lien entre ce nouvel affront fait aux enseignants et la faillite du « choc » d’attractivité » qui voit cette année encore le nombre de candidats aux concours de recrutements chuter de 30% pour le premier degré et de 18% pour le second degré par rapport à 2021 ?
Le refus du ministre de mettre au vote les textes sur ce « pacte » enseignants lors du dernier Comité Social d’Administration du ministère de l’Education nationale vient parachever le mépris pour les représentants des personnels qui, à juste titre, demandent le basculement de l’enveloppe du « pacte » dans celle prévue pour le « socle ».
Le récent baromètre de l’UNSA réalisé auprès des personnels de l’éducation confirme l’absence de prise en compte par le gouvernement de cette dimension salariale : 65% des enseignants placent en effet le pouvoir d’achat en tête des priorités, marquant ainsi leur défiance et leur absence de confiance dans des dirigeants dont la politique éducative est rejetée par 9 personnels éducatifs sur 10.
Au sortir de cette année scolaire 2022-20023, la question de la mixité sociale et celle de la revalorisation des enseignants illustrent sans conteste deux renoncements qui fragilisent durablement notre Ecole publique.
Après la saison 1 « Macron /Blanquer », la saison 2 « Macron/Ndiaye » confirme l’absence d’engagement et d’ambition politiques à faire de l’Ecole de la République la pierre angulaire d’une société émancipatrice, fraternelle pour notre jeunesse et reconnaissante envers nos enseignants.
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France