Cédric Hossen, comme d’autres se sont lancés dans l’aventure de l’enseignement à l’étranger. Dans cette nouvelle rubrique, ils partagent avec nous leur expérience et le bilan qu’ils en font.
Cédric Hossen exerce comme formateur à l’INSPE de l’Académie de La Réunion depuis 10 ans, principalement dans le cadre du Master MEEF 1er degré après avoir enseigné comme professeur des écoles dans ce même département.
Il a créé et administre le site « enseigner à l’étranger (enseigner-etranger.com) depuis 2012, de retour d’un PVT au Canada suivi d’une expérience d’enseignement à l’École internationale de Dallas (MLF). L’idée initiale étant de simplifier l’accès aux offres d’emploi à l’étranger pour tous types de publics (titulaires ou non) en les regroupant en un lieu unique. Ce site est né d’une initiative personnelle, mais il s’est donné une mission de service public en facilitant la diffusion de ces offres d’emploi gratuitement, pour les établissements comme pour les candidats au départ. Depuis sa création, plus de 10 000 appels à candidatures ont été postés sur cette plateforme par les établissements du réseau des établissements français à l’étranger.
Une expatriation — heureusement — déstabilisante
Les enseignants qui font vivre l’École m’ont donné envie d’y rester. En quelques mots, cela pourrait expliquer mon choix de devenir professeur des écoles. Sans prétendre qu’il s’agissait d’une évidence, j’ai très tôt entendu raisonner en moi le désir d’enseigner et de maintenir mon histoire dans la mobilité. Maintenir parce que né en Polynésie et arrivé en métropole dans ma petite enfance, j’ai connu une scolarité partagée entre la Normandie, la Charente-Maritime, le Var, la région parisienne et puis La Réunion où j’ai effectué l’ensemble de mon cursus universitaire. C’est dans cette Académie que je serai reçu au concours de recrutement des professeurs des écoles en 2001 avant de m’envoler 8 ans plus tard vers Montréal pour une première expérience à l’étranger. La période qui précède mon départ pour la Belle Province coïncide avec la mise en place d’un programme d’échange poste pour poste entre la France et le Québec. Les enseignants québécois que je rencontre à La Réunion me font vivre un véritable coup de foudre pédagogique sur des questions peu approfondies dans ma formation initiale, comme la relation éducative par exemple. Il me faut absolument en vivre plus. La désillusion est immense à mon arrivée parce que je ne suis jamais parvenu à intégrer une école locale. Par le biais d’un permis vacances-travail, je donne des cours de français à des néo-arrivants, j’effectue des remplacements dans les deux établissements français de la ville et ma déception est amoindrie quand je prends conscience que les pratiques et programmes proposés dans ces écoles ne sont aucunement une réplique de ce qui se fait en France. Je l’ignorais alors, il existe une véritable adaptation du curriculum et une nécessaire contextualisation des pratiques. Mes représentations erronées m’amenaient à penser que le public accueilli était 100% français et que les contenus enseignés étaient strictement identiques. Pour ne pas rester sur un goût d’inachevé, j’ai poursuivi cette aventure nord-américaine à l’École internationale de Dallas comme professeur des écoles en CP durant deux années riches d’expériences.
Le goût du service et du partage : la naissance du site enseigner-etranger.com
De retour dans mon Académie d’origine, j’ai pris la décision de créer le site d’offres d’emploi « enseigner à l’étranger ». Nombre de mes collègues me questionnaient sur mon expérience, sur la construction de ce projet, les procédures de recrutement, l’appréhension suscité par le contrat local, la qualité de vie au travail, le rapport à la hiérarchie et les relations avec les familles, le déroulement administratif de ma carrière pendant ces deux années. En définitive, l’interrogation qui revenait le plus fréquemment concernait le manque de visibilité des campagnes de recrutement des établissements. Si ce n’est de leur suggérer de consulter les rubriques « recrutement » des sites de ces mêmes établissements, ce que j’avais moi-même dû laborieusement faire pour être recruté, je restais inefficace sur cette question. Le plus naïvement du monde, il m’est venu l’idée de regrouper ces offres, d’abord sur une page Facebook, puis sur un site internet, enseigner-etranger.com. Le projet n’a pas varié depuis sa création, il s’agit de faciliter la mise en relation entre ces mondes. D’aucuns diront qu’il ne s’agit que de peu de chose et je suis entièrement d’accord même si j’y consacre une grande partie de mes nuits, de mes week-ends et de mes vacances. L’affluence du site grandit chaque jours et 11 ans plus tard, environ 1500 appels à candidatures y sont relayés annuellement. Le site est entièrement gratuit, je tiens à cette démarche de service public. A ce jour, j’en assume les coûts de fonctionnement, qui n’ont rien d’exorbitant parce que j’ai voulu cet outil très simple d’utilisation.
La philosophie au cœur des pratiques pédagogiques
La philosophie m’a accompagné dans ma pratique de classe lorsqu’il a fallu, en contexte texan notamment, incarner les valeurs de l’École française, une École qui depuis la philosophie des lumières encourage l’esprit critique. Devant l’Assemblée législative en 1792, Condorcet déclarait : « Nous n’avons pas voulu qu’un seul homme dans l’Empire pût dire désormais : la loi m’assurait une entière égalité de droits, mais on me refuse les moyens de les connaître. » Le socle de notre École qui invite les individus à penser par eux-mêmes, c’est l’instruction mais l’École contemporaine est soumise à des mutations accélérées où l’éducation planétaire tend à s’imposer comme la norme, que ce soit dans le système éducatif français ou dans le réseau des établissements de l’enseignement français à l’étranger. Selon Legendre (1993), le projet d’éducation planétaire vise à favoriser « la compréhension des multiples dimensions du monde actuel et futur, et la participation efficace aux enjeux inhérents ». L’universalité des valeurs humaines constitue le socle de ce projet dans lequel je me reconnais, le projet d’une École qui aspire au dialogue interculturel tout en construisant un idéal de citoyenneté partagée à l’échelle mondiale.
Propos recueillis par Hans Limon