Les enseignants du lycée Salavador Allende d’Hérouville Saint Clair se mobilisent pour neuf de leurs élèves allophones à qui l’on vient de notifier la sortie du dispositif SAS allophone. « Cette décision est d’une grande violence pour ces jeunes – mineurs pour la plupart – qui n’ont plus le droit de revenir au lycée, à qui on dit d’aller à la Mission locale. Ils ne sont même pas accompagnés dans cette démarche alors que leur maîtrise de la langue reste encore très approximative » nous dit Marie-Christine Lot, professeure du lycée.
« Ils s’appellent Gledis, Ali, Tsenzhin Lhakyi, Redi, Rakhib, Anfac, Raam, Sohil et Arshid et ils ont fui l’Afghanistan, la Syrie, le Tibet, la Somalie ou le Cambodge. Ils ont entre 16 et 18 ans. Ils sont arrivés en famille ou mineurs isolés. Ils étaient scolarisés dans notre établissement, le lycée Salvador Allende d’Hérouville saint Clair, sur une structure allophone-SAS depuis le 1er septembre et fin janvier. Ils étaient assidus, impliqués dans de multiples projets (projet « Regards » avec la Région Normandie, ateliers de conversation avec les autres élèves du lycée …). Le 12 mai dernier, leur famille ou leurs éducateurs ont reçu par mail une notification de sortie du dispositif allophone- SAS » écrit le collectif des personnels et enseignants du lycée. « Nous savons que le dispositif allophone-SAS n’a pas vocation à garder les élèves toute une année scolaire. L’institution leur offre officiellement 8 semaines. 8 semaines pour apprendre le français et construire un projet d’orientation. D’ailleurs plusieurs élèves ont quitté la structure en cours d’année pour partir vers des formations professionnelles. Mais dans le cas présent, pourquoi choisir de faire sortir du système scolaire fin mai neuf élèves, les neuf élèves repérés en Commission comme les plus fragiles ? Quelle suite d’études leur propose-t-on ? L’institution les invite à se tourner vers la Mission locale, dédiée aux élèves décrocheurs. Or, ils sont tout sauf décrocheurs. Nous, enseignants et personnels, avons exprimé notre incompréhension auprès de notre cheffe d’établissement. Elle-même a demandé aux Services Départementaux de l’Éducation Nationale chargés de l’Organisation Scolaire et de la Scolarité une prolongation de la scolarisation de ces neuf élèves jusqu’à la fin de l’année scolaire pour les accompagner et pour sécuriser un peu plus leur parcours.
Mais la décision était prise. Obligation de sortie. Une décision d’autant plus incompréhensible que les services académiques ont bien précisé qu’aucun autre élève ne serait affecté sur le dispositif SAS du lycée avant la fin de l’année. Notre institution n’a pas autorisé ces jeunes à rester dans notre établissement scolaire les quelques semaines qui restent jusqu’à la fin de cette année scolaire.
Neuf élèves de 16 à 18 ans sont ainsi sortis de notre établissement scolaire ce vendredi 26 mai, à quelques semaines de la fin d’année. Des élèves assidus, à une période de l’année où cette qualité n’est pas si fréquente. Des élèves en voie d’intégration. Cette décision les prive du contact avec la langue française, des liens sociaux qu’ils ont pu construire avec les autres élèves du groupe et/ou du lycée. Ils sont rayés des listes, et nous ne sommes pas certains qu’ils aient la possibilité de saisir leurs vœux d’orientation sur Affelnet pour la poursuite de leur formation.
Comment pouvons-nous accepter que ce soit les élèves les plus fragiles, dans les situations les plus précaires, qui soient ainsi projetés hors du système scolaire ? Est-ce là la scolarisation que nous offrons aux mineurs étrangers dans notre académie ? Quelle image du vivre-ensemble pour les autres élèves de l’établissement ? Où sont les valeurs de la République que notre institution enseigne et qu’elle se doit d’incarner ?
Nous condamnons la violence de notre institution à l’égard des plus fragiles : c’est notre devoir d’enseignants attachés aux valeurs de la République, attachés à notre établissement qui a toujours eu pour objectif d’accueillir et intégrer des publics variés. C’est notre devoir de citoyens et citoyennes, notre devoir d’hommes et de femmes ».