Mercredi matin, l’ensemble des organisations syndicales a quitté le CSA MEN – Comité Social d’Administration du ministère de l’Éducation Nationale. Elles signifiaient ainsi leur opposition au pacte mais aussi à la tentative de passage en force du ministère. « Lorsqu’on a refusé de s’assoir, ils ont compris que quelque chose n’allait pas » raconte Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU. « Ils ne s’y attendaient pas. C’est très rare que l’on fasse ce genre de chose. C’est un geste à la hauteur de leur déni démocratique ».
Mercredi 31 mai, les organisations syndicales appelaient à se rassembler devant les rectorats et le ministère pour s’opposer au passage en force du pacte. Ils étaient une petite centaine devant le ministère, militants surtout mais aussi quelques « simples » enseignants. Le matin même, l’intersyndicale claquait la porte du CSA MEN (Comité Social d’Administration du ministère de l’Éducation Nationale). Dans une déclaration unitaire, elle dénonçait « le choix fait par le ministère de refuser de mettre au vote les textes Pacte – introduction d’une part fonctionnelle de l’ISOE/ISAE » en dépit leur demande unanime. « Le Pacte va venir impacter directement les écoles et les établissements scolaires, et va inévitablement toucher à leurs fonctionnements et à l’organisation des services » ont déclaré les syndicats avant de quitter le CSA. « Le Pacte est un dispositif qui ne répond en rien aux attentes des collègues. Loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, il va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels alors que la majorité est déjà en état d’épuisement avancé. Dans le contexte de négociation des nouveaux plans d’action Égalité professionnelle dans notre ministère, où la demande sociale est forte, le Pacte porte le risque avéré d’aggraver les inégalités femmes/hommes. Le Pacte va aussi considérablement dégrader le fonctionnement des écoles et des EPLE et fragiliser les collectifs de travail par une mise en concurrence des personnels. Nous contestons le choix du déploiement des réformes à coup de Pactes au risque de traitements inéquitables des élèves dans le service public d’éducation. Cette stratégie est démultipliée pour la voie professionnelle. Il s’agit d’un passage en force de la part du gouvernement, de la même manière que pour la réforme des retraites dont nous demandons toujours le retrait ».
Un déni démocratique – encore un
Dans un laconique communiqué, le ministère « regrette » que « les organisations syndicales, qui ont pourtant reconnu les avancées de la revalorisation inconditionnelle » aient « décidé de ne pas examiner ces textes ».Pour le ministère, « cette décision ralentit la mise en œuvre de ces avancées » et rappelle « que plus de cent heures de concertation ont eu lieu avec les organisations syndicales depuis l’automne ». Sur ce communiqué – qui ne dit rien du départ de l’ensemble des organisations syndicales, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU ironise. « On dirait qu’ils ne sont pas très contents. Comme pour les retraites, ils évoquent une centaine d’heures de concertation. Mais peut-on parler de concertation quand nous avons, dès le début marquer notre opposition et qu’ils nous ont inlassablement répondu que c’était le projet du Président et que donc rien ne bougerait ? ».
« Les raisons qui nous ont poussé à ne pas siéger, en plus du fond, c’est le véritable déni de démocratie organisé par le ministère de l’Éducation nationale. Il refuse de mettre au vote les textes du pacte alors que ces derniers vont bouleverser la vie des écoles et des établissements » explique la secrétaire générale du SNES-FSU. « C’est le signe d’une faiblesse et d’une volonté de provoquer. Politiquement, refuser l’expression des représentants des personnels, dans le contexte actuel, c’est nourrir l’idée que l’on est face à un gouvernement qui refuse que les représentants s’expriment y compris sur les réformes contestées. Sans doute voulait-il cacher l’unanimité des représentants des syndicats contre le pacte ». « Cacher les oppositions, ce n’est pas la définition de la démocratie » conclut la responsable syndicale.
« On avait alerté. Le ministère s’est entêté dans son refus à soumettre les textes au vote. Notre départ est une réponse proportionnée » complète Maud Valegeas, co-secrétaire fédérale de Sud éducation. Clément Poullet, secrétaire générale de la FNEC FP-FO se félicite de l’action commune, car « c’est une force pour la suite ». « Et la suite, c’est la réforme des retraites, mais aussi la lutte contre la remise en cause de l’école publique, de ses missions, des statuts des personnels ».
Colère des professeurs
Du côté enseignants, c’est la colère qui les a motivés à être du rassemblement. Marielle, professeure d’espagnol était de la mobilisation parisienne. «Je suis à 2 200 euros de salaire après 12 ans de bons et loyaux services. J’ai des classes de plus de 30 élèves et aujourd’hui, on estime que je ne mérite pas d’augmentation de salaire. Pire, on estime que si ma perte de pouvoir d’achat (liée à l’inflation) me met en difficulté, je n’ai qu’à faire des heures en plus. C’est une honte ». L’enseignante d’un lycée de la banlieue parisienne déclare travailler plus de 40 heures par semaines – préparation des cours et correction de copies inclues. « S’engager dans une ou deux heure de plus par semaine, c’est au moins cinq de travail de plus. Un cours ça se prépare, le ministre ne semble pas le savoir ». Christophe, qui l’accompagne dénonce « l’hypocrisie » des annonces des remplacements de courte durée. « Concrètement, si je signe, on va me demander de prendre une classe qui ne sera pas forcément une des miennes au pied levé, sans avoir préparé le cours. C’est ça l’enseignement aujourd’hui ? On fait de la com, que de la com pour rassurer les parents… ».
Marianne est professeure des écoles en maternelle. Depuis la publication de l’article du café pédagogique qui démontrait la fausse promesse du « travailler plus pour gagner plus » du gouvernement, la jeune femme ne décolère pas. « J’ai choisi d’enseigner en maternelle. Je suis une enseignante à part entière. Je n’avais – et n’ai – toujours pas l’intention de signer le pacte mais apprendre que même si je le voulais, je ne pourrais pas forcément et que je n’aurais pas le droit d’intervenir au collège me met hors de moi. Ras-le-bol de ce mépris ».
Sur la suite de la mobilisation, les syndicats comptent sur des « campagnes de terrain ». A l’image des nombreuses réunions d’informations syndicales organisées par le SNES-FSU – « elles font le plein, on a rarement vu autant de participants » commente Sophie Vénétitay. « On appelle les collègues à ne pas signer le pacte car cela va faire beaucoup de mal à nos métiers et à nos statuts ». « On appelle à refuser collectivement le pacte, on appelle les enseignants à se regrouper pour préparer les conditions du retrait de toutes ces mesures – pacte, réforme du lycée professionnel… » ajoute Clément Poullet.
Lilia Ben Hamouda