Les professeurs pourront gagner jusqu’à 3 750 euros de plus par an martèlent depuis des mois le Président et le ministre de l’Éducation. Dans un document réalisé par la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement SCOlaire) que le Café pédagogique s’est procuré, il semble que dans les faits, très peu d’enseignants auront la possibilité de s’engager pour plusieurs pactes – et donc 3 750 euros. Plus grave, Il n’y aura pas assez de budget pour que les enseignants du premier degré puissent prétendre à au moins un pacte. Et pour ceux de maternelle, impossible de s’engager dans les heures de soutien en 6ème – missions les mieux rémunérées.
Lors d’une réunion des personnels d’encadrement de l’académie de Versailles, un « diaporama national de présentation aux encadrants » du pacte enseignant élaboré par la DGESCO a été présenté. Le document rappelle les enjeux du pacte et le rôle des personnels encadrant dans sa mise en place. Il confirme que l’engagement dans le pacte est sur la base du volontariat des professeurs mais que les CPE et les Psychologues de l’Éducation nationale peuvent aussi se porter volontaires. Le Powerpoint reprend les éléments des projets de décrets que le café pédagogique vous présentait le 15 mai dernier, – et qui devraient devenir effectifs dès le prochain CSA-MEN le 31 mai prochain.
Enseignants de maternelle : pas assez experts pour les heures de soutien
Pour le premier degré, dans le cadre des activités pédagogique en présence d’élèves, il sera possible d’effectuer 18 heures hebdomadaires de soutien ou d’approfondissement en 6ème, 24 heures pour devoirs faits au collège (obligatoire pour les 6ème dès septembre prochain), 24 heures de soutien renforcé dans le premier degré et 24 pour les stages de réussite. Dans le cadre des missions annualisées, il s’agira bien d’un engagement annuel pour : l’appui à la prose en charge d’élèves à besoins particuliers et/ou de coordination et mise en œuvre des projets pédagogiques innovants. Comme annoncé précédemment, l’heure hebdomadaire en 6ème est le dispositif prioritaire pour le premier degré. Le document alerte sur le fait que l’intervention des professeurs des écoles volontaires doit s’articuler avec « l’emploi du temps au collège- heure hebdomadaire en 6ème ou Devoirs faits – et les obligations règlementaires de service à l’école : les heures du pacte au collège sont effectuées au-delà des ORS, y compris des 108h ».
Trois emplois du temps ont été présentés aux participants. Deux où les mercredis sont libérés pour les professeurs des écoles, auquel cas les heures de soutien doivent avoir lieu sur cette matinée. Un où les enseignants ont classe, le soutien aurait lieu les mardis à 15h30.
À la quinzième diapositive, surprise. Les enseignants du premier cycle, donc de maternelle, sont écartés de la possibilité de participer aux heures de soutien en 6ème – les mieux rémunérées avec 69 euros brut de l’heure contre 52. Par ailleurs, la DGESCO conseille de « privilégier des enseignants disposant d’un minimum d’années d’expérience pour le soutien 6e (afin d’avoir des gestes professionnels suffisamment construits) ». Difficile de parler attractivité du métier si finalement, de fait, les jeunes titulaires n’ont pas accès à une partie des missions…
Remplacement de courte durée : grande priorité
Pour le second degré, hors lycée professionnel, les activités pédagogiques en présence d’élèves englobent le remplacement de courte durée, pour 18 heures, Devoirs faits, pour 24 heures et 24 heures pour les stages de réussite. Les « missions annualisées pour le fonctionnement des établissements et conduite de projets » sont la coordination du dispositif Découverte des métiers, la coordination et mise en œuvre de projets innovant et l’appui à la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. Sans surprise les enseignants du second degré devront, prioritairement, remplacer leurs collègues absents, un des mantras présidentiels. « Tous les moyens pour améliorer la couverture des absences seront mobilisés, dont le pacte » indique le diaporama « Les enveloppes qui vont être attribuées en complément des moyens en HS doivent permettre d’améliorer substantiellement la couverture des absences. La couverture des besoins prévisionnels au titre du RCD (remplacement courte durée) est prioritaire par rapport à l’attribution des autres missions relevant du pacte » Le chef d’établissement aura la responsabilité d’organiser le remplacement de courte durée (moins de 15 jours) tout au long de l’année.
Les unités de pactes : répartition inégalitaires
La répartition des parts de pacte, appelées unités par plusieurs directeurs et directrices académiques, varie fortement. Dans l’académie d’Orléans, par exemple, 8 419 unités sont dévolues au premier degré, 14 400 au second. Dans celle de rennes, 6 564 pour le premier degré, et 18 491 pour le second. Pour information, dans cette dernière académie, il y a 11 607 professeurs des écoles et 14 096 professeurs dans le second degré – lycée professionnel inclus. On peut donc s’étonner d’une telle répartition. Seulement 1 professeur des écoles sur 2 pourra s’engager dans un pacte – on est bien loin de la possibilité de s’engager dans plusieurs pactes et donc de gagner 3 750 euros en plus par an. Dans le second degré, tous les professeurs pourront se porter volontaires, et pourront même postuler pour un certains à plusieurs pactes. «Dans un contexte où les écarts de rémunération entre premier degré et second degrés sont importants et où les professeurs des écoles sont très majoritairement des femmes, le pacte va encore creuser l’écart et aggraver les inégalités femmes/hommes » s’agace Luc Grimonprez, responsable syndical du Sgen-CFDT.
Autre territoire : la Seine-saint-Denis où les répartitions commencent à arriver dans les écoles. A l’image de cette maternelle où la colère gronde. Pour les 10 classes de l’école, il y a 13 enseignants avec les grandes sections dédoublées, l’école étant en REP+. Les professeurs viennent d’apprendre qu’ils ne pourront pas intervenir au collège. « Il y a un tel mépris envers les enseignants de maternelle, et cela depuis des années. À croire que nos dirigeants pensent vraiment qu’on ne sert qu’à changer des couches » déclare M. « J’enseigne depuis quinze ans, je suis une experte et suis capable d’assurer des heures de soutien aux sixièmes ! ». Autre motif de colère, le nombre d’unités allouées à l’école : 11 en tout et pour tout. « L’IEN nous a signifié que nous avions 11 unités pour toute l’année scolaire et pour tous les enseignants. 11 ?! » s’emporte la directrice. « Comment je fais pour les répartir si tous mes collègues sont volontaires. Et si certains veulent en accomplir plusieurs ? c’est de la poudre de perlimpinpin… On nous a promis qu’on pourrait améliorer notre pouvoir d’achat, même ça, c’est de l’intox ».
Le pacte, décrié depuis le début par l’ensemble des organisations syndicales, devient réalité dans les écoles. Loin de répondre aux besoins de revalorisation des enseignants et enseignantes, finalement, peu auront la possibilité de « travailler plus pour gagner plus » comme le promet le Président et son ministre. Les enseignants du premier degré semblent être les grands perdants du pacte. Leurs ORS – obligations réglementaires de Service – de 27 heures laissent peu de place à des heures supplémentaires. « On sait bien que les professeurs agrégés font plus d’heures supplémentaires que les certifiés. Les professeurs des écoles ont encore moins de temps… » commente Luc Grimonprez. Alors que la revalorisation pour tous est insignifiante au regard de l’inflation, pour ceux qui accepteront de « s’empacter », ça ne sera guère beaucoup mieux.
Lilia Ben Hamouda