Le débat sur l’utilisation des écrans à l’école est ravivé par un récent article du journal Le Monde intitulé « La Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et veut un retour aux manuels scolaires ». Cependant, cet article semble aborder le sujet de manière tronquée, en mettant en avant une vision politique et en négligeant les dimensions plus larges de l’évolution numérique de notre société et des défis de la parentalité face aux nouvelles technologies selon Bruno Devauchelle, spécialiste des questions du numérique à l’école.
Un récent article du journal Le Monde intitulé « La Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et veut un retour aux manuels scolaires » réactive les débats sur la place à donner aux moyens numériques à l’école. Avec ce titre qui parle des « écrans » on entre de manière tronquée dans un débat qui est beaucoup plus large mais qui, ici, semble surtout emprunt d’une vision politique du monde actuel et de ses évolutions, en particulier en Suède. En effet, après de nombreuses années d’encouragement dans les utilisations des moyens numériques à l’école par les gouvernements en place, des voix qui se sont élevées ont obtenu des retours positifs de la part de dirigeants situés sur la droite de l’échiquier politique. Il semble bien qu’il faille comprendre cette décision comme un choix lié aux comparaisons internationales d’une part, à des pressions de certains experts et/ou scientifiques, et à une conception éducative plutôt de type retour au temps d’avant, celui du papier : ils choisissent de remettre en place les manuels papiers.
Amalgame et politique
Malheureusement, l’article cité ne permet pas de voir clair dans les arguments des uns et des autres, associant les termes lectures, écrans, niveaux etc… C’est au coeur de cette phrase : » C’est aussi en raison, selon elle, de l’omniprésence des écrans que les élèves ont perdu l’habitude de lire, que les enseignants utilisent des polycopiés (faute de manuels) et que les parents sont incapables d’aider leurs enfants » que l’on perçoit cette analyse qui embarque nombre de questions. Mais comme d’habitude, deux dimensions sont mises de côté, au moins au travers de l’article, celui de l’évolution numérique du quotidien des sociétés actuelles et celui de la parentalité en difficulté face aux usages des moyens numériques.
Des choix et des contextes
Si nous faisons un parallèle avec la France, nous nous rendons compte que d’une part le numérique y est nettement moins présent, en particulier dans les pratiques des enseignants (hormis les vidéoprojections, interactives ou non) et que d’autre part si les politiques vantent la nécessaire adaptation à un monde (économique) numérisé, la plupart des acteurs décisionnels sont dans un embarras face aux écrans de toutes nature comme en a témoigné la médiatique décision de JM Blanquer à propos des « téléphones portables » à l’école. Cette décision est bien à inscrire dans le même mouvement que ce qui se passe en Suède, pays qui a promu une dynamique industrielle et économique forte autour du numérique avant de freiner pour l’école, mais la France est, à l’envers, en train d’essayer de s’installer dans le paysage industriel numérique, alors que les choix du numérique pour l’école remontent au début des années 1980, mais sans jamais rencontrer une adhésion générale. Il semble d’ailleurs qu’en Suède aussi, il y ait un écart entre les discours et les pratiques réelles. Seule nouveauté, le retour aux « livres scolaires » pour lutter contre les moyens numériques d’une part, mais aussi les photocopies d’autre part. Ces dernières sont d’ailleurs une question récurrente pour les gestionnaires, aussi en France, qui voient, eux aussi, la facture des photocopies rester très élevée.
Les usages numériques dans la population : complexité ?
La décision de la Suède, si tant est qu’elle soit effective et mesurable réellement, risque d’avoir un écho médiatique aussi chez nous. Car le débat reste vif et la réalité des pratiques très contrastée et surtout rarement approfondie, même par les chercheurs… de manière suffisamment ouverte pour mettre de nombreux paramètres sur la table, préférant souvent analyser tel ou tel aspect sans prendre en compte les contextes, aussi bien personnels (familiaux) que professionnels (emplois et administration) si tant est que ce soit possible.
Bruno Devauchelle