À la rentrée prochaine, il manquera au moins 1000 professeurs des écoles et au moins autant d’enseignants dans le second degré. Les résultats de l’admissibilité aux concours de recrutement de professeurs des écoles et du CAPES sont tombés. 11 371 candidats admissibles pour 8 000 postes dans le premier degré (soit un ratio de 1,42) et 6 893 pour 4 883 postes dans le second degré (un ratio de 1,41). Comme nous le pressentions dès le 7 avril dernier, à la découverte du nombre de candidats par concours, le choc d’attractivité n’a pas eu lieu. Une situation qui augure une prochaine rentrée tout aussi catastrophique que la dernière.
Dorénavant les résultats sont publiés sur le site Cyclade, autant dire qu’il faut être motivé pour avoir une idée du nombre de candidats admissibles. Les chiffres ne sont pas affichés et il faut comptabiliser un par un et discipline par discipline les heureux lauréats de la première partie de ces concours du professorat. Le café pédagogique vous livre le détail des résultats d’admissibilité par concours.
Concours de professeurs des écoles : des académies en grande difficulté
Dans le premier degré, 11 291 candidats sont admissibles au CRPE – Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles – pour 7 835 postes. Soit un ratio de 1,42 (le ratio est le nombre de candidats admissibles par poste). Des chiffres encore plus mauvais que 2021, alors que c’était l’année du Covid.
La prochaine rentrée scolaire risque d’être problématique dans bon nombre d’académies. Pour rappel, à la rentrée 2022, le ratio était de 1,18 – la réforme du concours ayant particulièrement mis en difficulté le recrutement. Pour autant, si les chiffres sont moins dramatiques, il n’en reste pas moins que sur différents territoires, on sait déjà qu’il manquera un nombre conséquent de professeurs des écoles. « La rentrée sera compliquée » confie Guislaine David, co-secrétaire générale du SNUIPP-FSU. « Au ministère, on nous avait promis un choc d’attractivité en nous expliquant que les conditions dégradées de la rentrée 2022 étaient liées au passage du concours au niveau M2. On aurait donc dû reconstituer le vivier. Visiblement ce n’est pas le cas ».
« C’est inquiétant. Les candidats ne sont pas là » poursuit Guislaine David. « Nous sommes sûrs d’avoir une perte sèche de près de 1000 postes. Les académies de Versailles, Créteil et de Guyane affichant un nombre d’admissibles inférieur au nombre de places au concours. Et dans certains territoires, comme dans l’académie de Nancy, où le ratio est de 1,34, nous ne sommes pas sûr que tous les postes soient pourvus et encore moins d’avoir une liste complémentaire ». Pour rappel, les listes complémentaires avaient toutes été ouvertes en septembre et octobre face à la pénurie d’enseignants et enseignantes.
Dans l’académie de Versailles, 833 candidats sont admissibles sur 1 285 postes, ce qui signifie qu’il manquera 452 enseignants dans les trois départements composant cette académie. En Guyane, ce sont 85 admissibles pour 165 postes (-80). A Créteil, ils sont 737 pour 1 166 postes (-429). Soit une perte totale d’au moins 961 postes.
A l’autre bout de l’échelle, des académies, telles que Besançon ou la Corse affichent un ratio égale ou supérieur à 2,5.
De futurs enseignants aux niveaux très hétérogènes
Les ratios sont révélateurs de disparités de niveau de recrutement entre les territoires. C’est là aussi un point d’inquiétude pour le premier syndicat des enseignants du premier degré. « Certaines académies sont attractives, d’autres beaucoup moins » explique la porte-parole du syndicat. « Ainsi, en fonction des académies, le niveau de sélection des futurs enseignants est radicalement différent. Dans certaines, le niveau d’admissibilité des candidats est aux alentours de 6/7 sur 20, dans d’autres, il est plus proche des 14/15 ».
Pas de profs en allemand, en sciences physiques ou encore en lettres
Dans le second degré, les résultats de l’admissibilité sont tout autant inquiétants. En mathématiques, pour 1 040 postes, il n’y a que 1169 candidats admissibles, soit un ratio de 1,12. En sciences physiques, c’est encore pire. Ce sont 440 admissibles pour 409 postes, un ratio de 1,03. Et en lettres classiques, c’est une hécatombe. 47 candidats sont admissibles pour 134 postes. Les lettres modernes ne se portent pas beaucoup mieux puisque le ratio est de 1,01, soit presque autant d’admis que de postes ouverts.
« Ce n’est malheureusement pas une surprise » déplore Sophie Vénétitay du SNES-FSU. « La crise d’attractivité est structurelle, elle a des racines profondes. Ce n’était pas les mesures cosmétiques du ministre de l’Éducation nationale qui allaient permettre de s’attaquer au problème. Ce n’est pas par une prime d’activité et un pacte – dont on sait très bien qu’il alourdit la charge de travail, que l’on va attirer des candidats dans nos métiers ». La responsable syndicale voit dans ces premiers résultats la confirmation qu’il y a eu « beaucoup de discours » de la part du gouvernement qui a parlé de « choc d’attractivité », de « mesures inédites sur les salaires ». « Finalement, on va très certainement rejouer le scenario de 2022 à coups de Job dating et de recrutements en 30 minutes » résume-t-elle.
Les annonces de revalorisation n’ont pas créer le choc d’attractivité escompté
Pour le syndicat d’enseignants du second degré, rendre attractif le métier passe par une « revalorisation salariale d’ampleur » sur plusieurs années pour « donner des perspectives pour la carrière ». « C’est bien beau d’augmenter les débuts de carrières, s’il n’y a pas de perspectives d’augmentation en milieu et fin de carrière, ça ne rendra pas plus attractif notre métier » commente Sophie Vénétitay. Outre les salaires, les conditions d’exercice du métier sont aussi à améliorer selon elle, et « de ce point de vue-là le signal envoyé est désastreux puisqu’ils suppriment encore et encore des postes ».
« Les annonces salariales ont fait pschitt. Affirmer que cela suffisait pour rendre attractif un métier dévalorisé au sein de la société et aux conditions d’exercice dégradées est symptomatique d’un certain manque de réalisme » abonde Guislaine David. Selon la porte-parole du SNUIPP-FSU, les conditions d’exercice et la revalorisation sous forme de pacte – « et donc de travailler plus pour espérer gagner plus » – ont fini par démotiver les derniers volontaires.
On peut donc d’ores et déjà annoncer que la rentrée 2023 sera à l’image de la rentrée 2022 : désastreuse. Face à l’enjeu de la pénurie de personnel, force est de constat que le Ministre et ses équipes n’ont pas su apporter, là encore, les réponses attendues.
Lilia Ben Hamouda
Pour le CAPES
Discipline | Postes | Admissibles | Ratio |
Arts plastiques | 98 | 200 | 2,04 |
Documentation | 120 | 208 | 1,73 |
Éducation musicale et chant choral | 132 | 112 | 1,18 |
Histoire et géographie | 587 | 1145 | 1,95 |
Langues vivantes étrangères : allemand | 205 | 101 | 0,49 |
Langues vivantes étrangères : anglais | 779 | 1069 | 1,37 |
Langues vivantes étrangères : arabe | 8 | 18 | 2,25 |
Langues vivantes étrangères : chinois | 8 | 20 | 2,5 |
Langues vivantes étrangères : espagnol | 318 | 404 | 1,27 |
Langues vivantes étrangères : italien | 17 | 39 | 2,29 |
Langues vivantes étrangères : japonais | 1 | 4 | 4 |
Langues vivantes étrangères : portugais | 5 | 10 | 2 |
Langues vivantes étrangères : russe | 4 | 9 | 2,25 |
Lettres : lettres classiques | 134 | 47 | 0,35 |
Lettres : lettres modernes | 755 | 761 | 1,01 |
Mathématiques | 1 040 | 1169 | 1,12 |
Numérique et sciences informatiques | 50 | 101 | 1,02 |
Philosophie | 121 | 278 | 2,29 |
Physique chimie | 429 | 440 | 1,03 |
Sciences de la vie et de la Terre | 260 | 523 | 2,01 |
Sciences économiques et sociales | 115 | 235 | 2,04 |
Total | 4 883 | 6893 | 1,41 |
Merci à Patrick Fournier pour son aide pour cet inventaire fastidieux
Pour le CRPE
Postes | Admissibles | Ratio | |
Aix | 365 | 617 | 1,69 |
Amiens | 230 | 334 | 1,45 |
Besançon | 102 | 270 | 2,65 |
Bordeaux | 243 | 376 | 1,55 |
Clermont | 73 | 158 | 2,16 |
Corse | 20 | 50 | 2,50 |
Créteil | 1166 | 737 | 0,63 |
Dijon | 178 | 316 | 1,78 |
Grenoble | 410 | 654 | 1,60 |
Guadeloupe | 30 | 60 | 2,00 |
Guyane | 165 | 80 | 0,48 |
Lille | 520 | 912 | 1,75 |
Limoges | 58 | 119 | 2,05 |
Lyon | 453 | 768 | 1,70 |
Martinique | 28 | 49 | 1,75 |
Mayotte | 159 | ||
Montpellier | 273 | 544 | 1,99 |
Nancy | 282 | 377 | 1,34 |
Nantes | 168 | 303 | 1,80 |
Nice | 243 | 397 | 1,63 |
Normandie | 285 | 632 | 2,22 |
Orléans | 269 | 423 | 1,57 |
Paris | 207 | 297 | 1,43 |
Poitiers | 135 | 347 | 2,57 |
Reims | 150 | 277 | 1,85 |
Rennes | 110 | 235 | 2,14 |
Réunion | 129 | 272 | 2,11 |
Strasbourg | 147 | 307 | 2,09 |
Toulouse | 276 | 627 | 2,27 |
Versailles | 1285 | 833 | 0,65 |
Total | 8000 | 11371 | 1,42 |