En avril dernier, le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale a publié la note « Mixité sociale au collège : premiers résultats des expérimentations menées en France ». Les conclusions de cette note semblent légitimer le manque d’ambition des mesures annoncées par le Ministre. Le Café pédagogique vous en livre un compte-rendu.
« Favoriser la mixité sociale au collège semble une politique pertinente pour favoriser le bien-être personnel et l’intégration sociale des élèves » indique le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale (CSEN) dans une note publiée en avril dernier. En revanche, cela « ne modifie pas à court terme les performances scolaires et la discipline, ce qui suggère qu’elle ne constitue pas une panacée pour améliorer les performances des élèves de milieux défavorisés, comme pouvait l’espérer le ministère lorsque cette initiative a été lancée, pas plus qu’elle ne constitue une menace pour les performances des élèves de milieux favorisés, comme certaines franges de l’opinion publique pouvaient le craindre ».
Alors que les annonces du Plan mixité de Pap Ndiaye sont loin d’être à la hauteur des enjeux, la note du CSEN laisse entendre que de toutes façons la mixité ne compte pas tant que ça dans la réussite des élèves, tout particulièrement ceux issus de milieux défavorisés. Pourtant, les résultats de cette enquête menée sur 112 collèges – 56 collèges pilotes menant des actions en faveur de plus de mixité et 56 témoins, semblent contredire les affirmations de la majorité des chercheurs. Pour justifier cette différence de résultats, les auteurs ont tout de même pris la précaution de stipuler que leurs résultats ne sont pas si significatifs : « les effets mesurés dans cette note, qui se limitent aux trois premières années passées au collège, n’excluent pas que la mixité sociale puisse influencer à plus long terme les parcours scolaires des élèves, à travers notamment leurs choix d’orientation ».
Les actions analysées par la note relève des expérimentations encouragées par Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de l’Éducation nationale. Ces expérimentations sont de cinq ordres : les secteurs multi-collèges avec un choix des parents régulé par le rectorat, des secteurs multi-collèges sans choix (toute une promotion d’élèves va dans le collège A, la promotion suivante dans le B, expérimentation connue aussi sous le nom de bi-collèges), la modification de la sectorisation, la fermeture et l’ouverture d’établissement pour reconfigurer les secteurs, l’implantation de sections à recrutement spécifiques dans des collèges socialement défavorisés.
Pas de fuite vers le privé ni de contournement de la carte scolaire
Selon le CSEN, ces expérimentations ont un « impact est globalement limité sur la mixité sociale » même si les auteurs reconnaissent qu’elle « a progressé » et que cela ne s’est pas traduit par une ségrégation interne à ces établissements. Ces expérimentations n’ont pas non plus augmenté le nombre d’inscriptions en établissements privés (ou de mises en place de stratégies pour éviter le collège de secteur) contrairement aux affirmation des détracteurs d’actions en faveur de la mixité qui brandissent ce risque dès qu’il s’agit d’imposer les choses.
Afin d’évaluer l’incidence de ces expérimentations sur les résultats des élèves, le CSEN s’est appuyé sur les notes du contrôle continu et des tests standardisés. Il n’y a « pas d’impact significatif des mesures prises pour renforcer la mixité sur les performances des élèves au contrôle continu et aux tests standardisés conduits par notre équipe » souligne la note qui suggère que « les apprentissages au collège sont assez peu liés à la composition sociale de l’établissement ou de la classe ». Pire, pour les auteurs, plus de mixité met en difficulté les élèves de milieux défavorisés puisque ces derniers « ont un position relative plus basse dans les collèges pilotes (…) tandis que les élèves de milieux favorisés ont une position relative plus élevée ».
Des effets positifs sur les indicateurs non-scolaires
C’est du côté des indicateurs non-scolaires que les effets de plus de mixité sociale sont positifs. « Le bien-être personnel, les mesures liées à la perception de soi ont plutôt tendance à s’améliorer avec l’augmentation de la mixité sociale. Le bien-être des élèves est légèrement plus élevé dans les collèges pilotes mais cette différence n’est pas statistiquement significative ». Quant à l’estime de soi, ce sont les enfants de milieux favorisés qui s’en voient renforcés, « cet effet s’explique vraisemblablement par l’amélioration de la position relative de ces élèves au sein de leur établissement ». Par ailleurs, tous les élèves des collèges pilotes sont plus optimistes sur le rendement de l’effort, « ils ont davantage le sentiment de pourvoir influencer leur propre réussite ». S’agissant du bien-être social, les élèves de milieux défavorisés perçoivent « le climat scolaire comme de meilleure qualité, se sentent davantage en sécurité et déclarent avoir de meilleures relations avec leurs amis ». Il n’y a pas d’effets significatifs pour les élèves de milieux favorisés, sauf sur leur relations avec leurs amis. Pour ce qui est des attitudes sociales, les auteurs observent deux effets positifs : des élèves plus coopératifs et plus solidaires, ce qui leur permet de faire l’hypothèse « d’effets à plus long terme sur la cohésion sociale ».
Le manque d’ambition du Plan mixité porté par Pap Ndiaye se base sans doute sur les résultats de l’enquête diligentée par le CSEN. Malgré le peu d’effets sur les résultats scolaires selon les auteurs de la note (une conclusion qui ne rejoint pas celle de bon nombre d’études antérieures), il est important de souligner les effets positifs sur le climat scolaire, sur le vivre ensemble. Favoriser la mixité sociale à l’école permettrait donc à long terme, au moins, plus de cohésion sociale. Un effet non négligeable, qui gagnerait – même si c’était le seul – à des mesures beaucoup plus fortes et ambitieuses que celle annoncée.
Lilia Ben Hamouda