Mieux chapitré et plus complet, le projet de programme de sciences et technologie au cycle 3 laisse entrevoir plusieurs nouveautés. L’étude de la sexualité humaine en classe de 6ème, la disparition des abeilles mais aussi de l’énergie nucléaire sont quelques changements notables. La partie réservée jusqu’alors à la technologie bascule en CM1/CM2, années durant lesquelles les professeurs des écoles devront faire coder et critiquer un programme algorithmique aux écoliers. On retrouvera dans ce programme plus cadré, davantage de notions de physique et de chimie. Le projet souligne la nécessité pour les élèves « de réaliser des activités expérimentales » et « des classes découvertes ».
Un nouveau programme bouclé en moins de 3 mois
Le préambule est bien plus détaillé que les programmes modifiés en 2020 et jusqu’ici en vigueur. Tout le monde sera d’accord avec la première phrase… « L’enseignement des sciences et de la technologie, dès le plus jeune âge, est indispensable pour préparer les élèves à leur vie de citoyen dans un monde où les sciences et la technologie occupent une place prépondérante ». Le texte rappelle les différentes démarches à mettre en œuvre en classe pour l’enseignement des sciences. « Les démarches scientifiques donnent la primauté aux faits (…) Il s’agit d’emmener les élèves à exercer leur capacité à raisonner ». Faits, croyance et opinion sont à distinguer dans la tête des apprenants. Même si la démarche d’investigation n’est pas citée dans ce préambule, les enseignants sont invités à « prendre en compte les conceptions initiales des élèves qui constituent souvent une stratégie pédagogique féconde ». La réalisation d’expériences, d’élevages, de culture ainsi que des interviews de scientifiques sont recommandées. L’utilisation du microscope optique ou la mise en place de potager nécessitent, de fait, des effectifs allégés en sciences.
Concernant « la démarche technologique », il est recommandé de réaliser un projet avec les élèves et aussi la production d’une solution technique comme la réalisation d’une maquette qui est « vivement encouragée ». Les préoccupations de développement durable doivent aussi apparaître dans la recherche de solutions techniques face à un besoin humain. La principale information du préambule est peut-être la place plus conséquente de la physique-chimie en 6ème qui gagne en place au gré des modifications de programme. « Les contenus introduits en classe de 6ème ont le même poids en physique-chimie et en SVT », peut-on lire. Quid des horaires ? Enfin, « la culture technologique » est qualifiée de « consolidée en classe de 6ème au travers des applications des notions scientifiques abordées ».
Les compétences visées au cycle 3 sont davantage détaillées. Elles seront vraisemblablement plus faciles à évaluer en classe. Par exemple, il faudra désormais « modéliser des phénomènes naturels » en classe et « exploiter des documents de natures variées ». Avis aux amateurs de maquettes de volcans, de tsunamis ou de séismes ! Les élèves devront réaliser des cartes mentales et s’habituer « à passer d’une représentation à une autre ». Il est demandé aux enseignants de faire « distinguer ce qui relève d’une croyance de ce qui constitue un savoir scientifique ».
Pour les compétences numériques, le nouveau programme exige la maîtrise « des principes de l’algorithmique et de la programmation par blocs pour écrire ou comprendre un code simple ». Cet apprentissage se fera en cours moyen (CM1 / CM2) avec le déplacement de robots ou le fonctionnement d’un système d’éclairage. Les écoles devront s’équiper avec du matériel pédagogique adéquat, le même utilisé jusqu’alors en séance de technologie en classe de 6ème.
Dans le détail, le programme reste constitué de 4 parties : « Matière, mouvement, énergie, information », « Le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent », « Les objets techniques au cœur de la société » et enfin « La Terre, une planète peuplée par des êtres vivants ». La présentation est plus aérée en colonnes et il est possible de distinguer les attendus en fin de CM2 de ceux de la classe de 6ème. Les repères de progressivité exprimés en fin de tableau n’existent plus. Globalement le cadre gagne en rigidité et la logique de cycle s’estompe progressivement. Les contenus sont plus ambitieux que la version précédente.
Une forte empreinte de physique et de chimie
Les phases de la Lune et l’alternance des saisons sont étudiées dans cette partie. En cours moyen, les écoliers devront « réaliser un circuit électrique à une boucle associant un générateur, un interrupteur et un ou deux récepteurs ». L’étude des phénomènes électriques s’accompagne d’une sensibilisation des élèves aux risques électriques domestiques.
Une partie des connaissances acquises dans cette partie du programme est reconvoquée dans la partie « Les objets techniques au cœur de la société » auparavant nommée « Matériaux et objets techniques ». Ce changement ne manque pas de faire réagir des enseignants. « La suppression du mot matériau est regrettable, on va faire des nouvelles générations simplement des utilisateurs de l’objet et non plus un utilisateur critique. Faire du tri, c’est bien mais c’est la dernière étape. La réflexion doit être menée dès la conception de l’objet », s’inquiète un enseignant de technologie en 6ème.
Dans cette partie, on retrouve la conversion d’énergie, les caractéristiques physiques ou chimiques et l’étude des mouvements qui sont ainsi redondants dans le projet. La démarche de conception et de réalisation d’un objet technique devra « se développer dans un projet technologique allant de la prise de conscience d’un besoin jusqu’à la proposition de solutions techniques adaptées ». La créativité des élèves et leur esprit critique doivent être encouragés dans des projets de groupe.
Côté programmation, il sera demandé aux enseignants de CM1 et CM2 de faire travailler les élèves sur des objets programmables et des algorithmes de programmation. « Identifier la chaîne d’information et d’action » ainsi que de coder un algorithme sur le déplacement d’un robot font partie des attentes. Il est à noter que les élèves de 6ème ne feront plus de programmation. « Je ne suis pas sûr qu’un professeur des écoles fasse la différence entre un capteur et un détecteur », confie un enseignant de technologie. « De la même façon, la notion d’interface est compliquée à enseigner ».
Pollinisation et sexualité humaine
La sous-partie alimentation humaine détaille les bases physiologiques de l’alimentation dans une perspective d’éducation à la santé. L’équilibre alimentaire, le brossage de dents et la qualité des aliments seront enseignés en cours moyen. La salaison, la stérilisation et la fermentation restent en 6ème. Les rédacteurs du programme encouragent « les sorties et les rencontres avec des professionnels : boulanger, agriculteur ou entreprise agroalimentaire ».
Enfin, la reproduction des êtres vivants laisse davantage de place à la pollinisation et la disparition des pollinisateurs. « L’étude de la pollinisation en 6ème s’appuie sur des observations et des données expérimentales. Elle est enrichie par une étude documentaire pour interroger les conséquences de certaines pratiques culturales sur les écosystèmes ». En revanche, les insecticides concernés et des exemples de monoculture ne sont jamais cités.
La sexualité humaine est désormais à distinguer de la reproduction. Le mot « sexualité » fait d’ailleurs sa première apparition dans les programmes du cycle 3. Les changements du corps à la puberté seront enseignés à l’école. En 6ème, l’étude des organes reproducteurs et des échanges placentaires est désormais actée. « Ces séances s’articulent avec les trois séances annuelles d’éducation à la sexualité ».
Mais où est la géologie ?
Cyclone, séisme, volcan restent au programme du cours moyen. Un travail avec le PPMS (plan particulier de mise en sûreté) est d’ailleurs conseillé. « La balance bénéfices-risques mérite d’être considérée » au cycle 3.
Pour finir, la complexité du monde vivant est abordée par le thème « écosystème : structure, fonctionnement et dynamique ». Les sorties sur le terrain en milieu naturel et les classes découvertes sont encouragées. Les perturbations des écosystèmes mais aussi leur résilience seront à aborder. Les effets des incendies et de son évolution au cours du temps font leur apparition dans les programmes. Les besoins des végétaux et la décomposition de la matière restent affichés. Enfin, les élèves sont invités à s’impliquer dans des actions et des projets en lien avec le développement durable.
Julien Cabioch
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