Le conseil d’évaluation des établissements (CEE) a dressé le bilan de la campagne national 2020-2021 des évaluations d’écoles et d’établissements. Si les établissements du second degré en étaient à leur seconde année d’évaluation, c’était une première pour les écoles primaires. Indicateurs et axes stratégiques sont au menu de ce rapport du CEE qui semble enclencher un changement de paradigme : les élèves en échec le seraient-ils du fait d’une mauvaise évaluation de leurs besoins et non d’un manque certain de moyens alloués à l’école et donc à leur réussite ?
Pour le CEE, ces évaluations sont un « moment inédit de regard collectif sur l’action propre de l’école et de l’établissement (…) une démarche nouvelle et structurante, l’évaluation a vocation à s’inscrire dans le quotidien professionnel des acteurs et à intégrer pleinement les parties prenantes. Cette démarche va s’installer progressivement dans un système historiquement plus habitué à l’application de directives et au contrôle ».
Des équipes d’évaluateurs sans professeurs, ou presque
Dans le premier degré, 735 écoles publiques et privées sous contrat ont participé à la campagne d’évaluation 2021-2022. En 2022-2023, 7500 écoles seront évaluées ou sont en cours d’évaluation. Le CEE prône un alignement de l’évaluation à la rédaction des projets d’écoles. Les membres des équipes d’évaluation du premier degré étaient principalement des IEN (30%) et des directeurs d’écoles (30%), des conseillers pédagogiques à 25%, 8% représentaient le second degré et seulement 3% d’enseignants – « compte-tenu des contraintes de remplacement ».
Dans le second degré, ce sont 2 049 établissements qui ont été évalués, soit 19% des établissements, un peu moins que les prévisions qui tablaient sur 22%. Concernant les établissements privés sous contrat, l’évaluation d’établissement a concerné 11% d’entre eux. Une entrée progressive qui permet « d’envisager maintenant une intégration complète des établissements privés sous contrat dans le processus ». Pour ce qui est des établissements agricoles, un à deux par région ont été évalués. Pour le second degré, 4300 évaluateurs sont intervenus – pour une très grande majorité – 91% – des cadres de l’administration (Inspecteurs, chefs d’établissement, cadres académiques). Seuls 6% d’enseignants ont été intégrés dans les équipes d’évaluation.
Le CEE préconise « d’élargir le vivier des évaluateurs externes, notamment aux enseignants, et valoriser ce type de mission, de poursuivre la dynamique engagée et la programmation sur cinq ans en veillant à l’articulation avec le projet d’école ou d’établissement et d’anticiper la programmation et sa diffusion pour organiser les formations ».
La durée moyenne de l’évaluation est estimée à 10 semaines – 6 semaines d ‘auto-évaluation et 4 d’évaluation externe.
Les besoins des élèves, un axe majeur des évaluations
Trois points d’appui sont essentiels à l’évaluations des écoles et établissements soulignent les rapporteurs : le contexte dans lequel s’inscrit l’établissement (afin de savoir sur quels éléments il a réellement prise), la dimension participative (tous les membres de la communauté éducative ont-ils été associés aux différentes étapes ?) et l’analyse des besoins des élèves. Sur ce dernier point, le CEE précise « C’est au regard du repérage et de l’analyse des besoins des élèves de l’établissement et de leur priorisation que l’on peut mener l’analyse des actions menées dans chacun des quatre domaines de l’évaluation et ainsi faciliter les réponses aux questions : Qu’avons-nous voulu faire ? Que considérons-nous avoir bien réussi ou moins bien réussi ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui a permis cette réussite ou qui a manqué ? Quelles sont les questions qui se posent à nous ? » Gageons que les réponses attendues ne sont pas liées au nombres d’élèves par classe (l’un des plus important des pays de l’OCDE), du nombre de professeurs non remplacés et donc du nombre d’heures de cours et d’apprentissage perdus ou encore du manque de formation des enseignants qui pour certains découvrent le métier quelques jours avant de prendre une classe…
Par ailleurs, le CEE déplore que certains membres de la communauté éducative n’aient été plus associés à l’évaluation : personnels du périscolaire, élèves ou encore parents « bénéficiaires directs du service public d’éducation » (qui ont seulement répondu à un questionnaire dans la grande majorité des cas). Le Conseil d’évaluation de l’École préconise donc, d’un point de vue méthodologique, d’«analyser le contexte de l’établissement et de hiérarchiser ses éléments pour les intégrer dans la démarche évaluative ; de maintenir la diversité des regards pour tous les domaines abordés et exploiter de manière collaborative l’ensemble des données et d’expliciter les besoins des élèves en s’appuyant sur l’ensemble des données disponibles et les exploiter pour évaluer les actions menées, et construire les orientations stratégiques ».
Concernant l’orientation stratégique, le CEE évoque plutôt des axes de développement pour le premier degré, « les écoles ne disposant pas d’un statut juridique comparable à celui des EPLE et la conscience de la marge de manœuvre à la main des écoles étant encore balbutiante ». Et dans le second degré, les rapporteurs évoquent une « forme de malaise avec la notion même de stratégie ». Ils préconisent de « prendre appui, dès l’auto-évaluation, sur le contexte, les besoins des élèves et les analyses conduites pour proposer des orientations stratégiques pertinentes et structurer l’action à venir de l’établissement. De limiter le nombre des orientations entre trois et cinq pour une plus grande cohérence et une plus grande efficacité de l’action. Et de choisir des orientations réalistes, soutenables et ancrées dans le réel, et anticiper sur leur mise en œuvre ».
Ces évaluations, à l’image de la vision Blanquerienne de l’école, opèrent un glissement significatif. Si les enseignants ne parviennent pas à faire réussir leurs élèves, n’est-ce pas par ce qu’ils n’ont pas su évaluer les besoins de ces derniers ? N’est-ce pas parce qu’ils n’ont pas pu définir des orientations stratégiques et les conduire ?
Lilia Ben Hamouda