Alors que les annonces du ministre de l’Éducation tardent à venir, le Réseau français des villes éducatrices (RVFE) rappelle le rôle essentiel des communes pour un plan ambitieux. Dans cette tribune, les villes éducatrices rappellent leurs périmètres d’action et proposent d’adapter les moyens publics en fonction des IPS des écoles et établissements à l’image de la proposition du sénateur Pierre Ouzoulias.
Les élues et élus du Réseau français des villes éducatrices ont une bonne connaissance des réalités sociologiques de leurs territoires et sont toujours engagés aux côtés de l’Éducation nationale pour le service public de l’éducation. Conscients des ressources et des besoins des établissements scolaires publics de nos territoires, nous sommes attentifs depuis de nombreuses années aux moyens qui leurs sont attribués. La parution par le ministère de l’Éducation nationale des IPS en 2022 (Indices de position sociale) de chaque école, collège, lycée public et privé a permis de rendre compte du niveau de ségrégation sociale de notre système éducatif. Cette réalité est un grave manquement à la promesse républicaine et à notre modèle social et éducatif.
Après des années d’évitement de ce sujet, la dégradation de la situation est telle que le gouvernement et le ministre de l’Éducation ont été contraints de mettre ce sujet à l’agenda social.
Le RFVE se félicite que ce sujet soit enfin pris au sérieux et puisse faire l’objet d’annonces ministérielles. C’est dans cet esprit constructif que nous avons pu rencontrer le Ministre de l’Éducation Nationale et de la jeunesse le vendredi 10 mars 2023, à la fois pour lui faire part de notre vision du service public d’éducation, nos attentes et également nos lignes rouges.
La mixité est un enjeu démocratique et une des bases de notre pacte Républicain, du vivre-ensemble. Elle est également un facteur de réussite pour toutes et tous. Si certaines familles favorisées font le choix de l’évitement scolaire, on constate aussi un phénomène d’auto-censure des élèves les moins favorisées. Nous devons convaincre toutes les familles de son intérêt, en évitant de donner l’image d’une école des pauvres qui s’opposerait à l’école élitiste.
Les expérimentations sur la mixité ont porté jusqu’à présent sur les collèges et les lycées – bi-collèges, sectorisation en Haute-Garonne, réforme de l’affectation dans les lycées parisiens. Pour le Réseau français des villes éducatrices, le bloc communal a toute légitimité pour être partie prenante d’une réflexion et d’un travail avec le ministère de l’Éducation nationale afin d’agir sur la mixité dès l’école primaire : carte et périmètres scolaires, inscriptions et dérogations, constructions d’école sont des leviers aux mains des collectivités. Les villes ont une connaissance fine des profils socioéconomiques des familles fréquentant leurs écoles, et des mouvements en cours de scolarité ; c’est aussi à ce niveau que peut se faire l’indispensable dialogue avec les familles. La mixité scolaire ne peut se décréter sans prendre en compte l’ensemble des facteurs de mixité.
Pour le RFVE, le cœur du sujet est de renforcer les moyens de l’école publique pour la rendre attractive pour toutes et tous : il nous paraît essentiel que les services de santé scolaire, les RASED, les PRE, soient renforcés sur tout le territoire, sans oublier les plus petites villes et les zones rurales.
Mais la mobilisation pour une grande mixité sociale à l’École doit dépasser le temps scolaire. Les collectivités ont là aussi un rôle majeur à jouer. Nous pouvons aussi enrichir l’offre éducative des établissements publics notamment avec des projets émancipateurs variés, qu’ils soient artistiques, culturels, scientifiques, sportifs. La mise en œuvre des PEDT offre un cadre permettant de mettre en valeur par exemple le périscolaire, les loisirs via les vacances apprenantes. En collaboration avec l’éducation nationale, nous ouvrons des toutes petites sections dans certaines maternelles, proposons des apprentissages en langues étrangères, etc.
La mixité scolaire et sociale exige une forte ambition nationale de renforcement de l’école publique et de ne plus laisser un système scolaire fortement concurrentiel, inégalitaire, perdurer, avec des dispositifs insuffisamment ambitieux. Il est temps de donner au service public d’éducation davantage, en termes de moyens, de qualité : lui donner une véritable ambition pour la réussite de tous les enfants. Une politique active et volontariste doit être orchestrée par différents acteurs : ministères, collectivités territoriales, équipes éducatives, familles, éducation populaire. En fonction des IPS, nous devons adapter les moyens publics mobilisés : répartir et intensifier les efforts budgétaires en fonction des difficultés scolaires, sociales, économiques, culturelles… et non seulement en fonction des effectifs. En tant que Réseau, nous affirmons à nouveau notre mobilisation sur ce sujet et nous nous félicitons que le ministère semble enclin à travailler avec ses partenaires dont les collectivités territoriales. Nous attendons la traduction de ces déclarations d’intentions dans une véritable démarche de pilotage local entre les collectivités et l’éducation national.
C’est selon nous la condition sine-qua-non pour réussir cet ambitieux pari. Si l’État sait prendre ses responsabilités, les villes éducatrices seront au rendez-vous.
Les élues et élus du Réseau français des villes éducatrices