Hanna Assouline est réalisatrice. Son dernier film, « À notre tour » suit le parcours de Dan et Marouane, deux jeunes militants de l’association SOS Racisme. En novembre 2018, ils lancent ensemble le « Shalom Salam Salut Tour » : avec une quinzaine de jeunes Juifs et Arabes, ils partent sur les routes de France, à la rencontre de leurs concitoyens. Leur but ? Permettre de parler librement des clivages et des tensions entre leurs deux communautés et ainsi porter la parole brute d’une jeunesse souvent apolitique qui espère ajouter sa pierre à l’édification d’une forme de paix, dans cette guerre qui les dépasse. Dans le cadre d’une campagne d’impact, elle et son équipe se rendent dans les établissements du second degré afin de présenter le film et débattre sur ces thématiques qui peuvent être houleuses.
Vous portez le projet « À votre tour », de quoi s’agit-il ?
C’est une campagne d’impact autour de mon film « À notre tour ». Lorsqu’un documentaire est lié à un sujet de société, la campagne d’impact permet de faire en sorte que différents dispositifs soient mis en place afin d’accompagner la sortie du film. Il peut s’agir de faire circuler le film, de créer des ateliers autour de la projection, d’avoir des outils pour l’accompagner.
Notre campagne d’impact est à destination des jeunes dans les collèges, dans les lycées, dans des centres sociaux des quartiers et depuis peu en milieu carcéral.
Concrètement, nous proposons une projection suivie d’un débat. Le sujet du film fait que les échanges sont toujours très vifs mais aussi sincères. Le film parle d’une parole de jeune qui ne se censure pas, qui est dans la sincérité, qui a envie de comprendre et d’avancer. Les échanges sont toujours intéressants, les jeunes prennent la parole facilement. Et la plupart du temps, on essaie de ne pas se limiter à une projection et au débat, on tente de mener des projets qui vont plus loin pour qu’à leur tour les jeunes puissent s’exprimer sur ces sujets, qu’ils ne soient pas juste en réaction de ce qu’ils ont vu mais qu’ils puissent aussi produire à leur tour.
Par exemple ?
Avec des jeunes de Sarcelles, nous avons organisé des projections et des débats. Nous avons ensuite mené un projet en lien avec une association locale qui encadre la création de petits films. On leur a proposé de réaliser leur propre court-métrage sur la question de la lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme. Ils devaient choisir un sujet qui leur tenait à cœur. On a clôturé l’aventure par un mini festival.
Pourquoi un projet sur le racisme et l’antisémitisme ?
C’est un peu le combat de toute ma vie, je suis engagée sur les questions de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Depuis jeune, la question de la relation entre juifs et musulmans dans notre pays cristallise énormément. Elle est en miroir de toutes les tensions qui peuvent exister dans notre société et qui touchent toutes nos communautés. Ce sujet me touche aussi à titre personnel. J’ai grandi dans le 20ème arrondissement parisien – connu pour sa grande mixité, dans les années 90/2000, à un moment où l’on a vu la bascule. On a vu un délitement de la relation, une montée de l’extrême droite, des extrémismes et des tensions entre les communautés.
Je veux réparer, créer du dialogue, de la rencontre, faire en sorte que les jeunes se connaissent. Par exemple, des jeunes me disent n’avoir jamais rencontré un juif et a contrario, des juifs – scolarisés dans une école confessionnelle – qui ont grandi dans le 93 et qui vivent dans une bulle communautaire, disent n’avoir jamais côtoyé l’autre.
C’est terrible, il n’y a pas pire que cette méconnaissance. L’autre devient par conséquent un fantasme désincarné. Le but de cette campagne est donc de recréer du lien, de reprovoquer des rencontres.
Concrètement, comment les professeurs peuvent vous solliciter ?
Sur notre site internet, anotretour.fr, les enseignants peuvent remplir un formulaire de demande de projection. On peut aussi nous contacter via les réseaux sociaux.
On les rappelle ensuite, on discute et on présente en détail le projet. On leur propose aussi de visionner le documentaire, qui dure 52 minutes. Cela leur permet d’identifier les éléments du débat et s’y préparer. En général, on bloque des créneaux de deux à trois heures avec une projection et une discussion avec les élèves et leur professeur.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
Sur le film et les demandes de projection, plus d’infos ici