Le développement des internats favorise t-il la réussite scolaire ? On se rappelle la publicité faite auprès des « internats d’excellence » et de celui de Sourdun. Au-delà de la communication ministérielle, on savait peut de choses sur les effets réels de l’internat. Cela alors que les familles s’interrogent avant d’envoyer un enfant loin d’elles. Audrey Farges et Olivier Monso lèvent le voile dans un document de travail. Au final, » lorsqu’on tient compte des différences de caractéristiques entre les élèves internes et non‐internes, leurs résultats en fin d’enseignement secondaire sont proches. Dans la voie professionnelle, les élèves internes obtiennent un peu plus souvent un diplôme que les non‐internes ».
Tricotage et détricotage…
Aujourd’hui près de 3% des élèves du second degré sont internes avec de fortes différences entre les niveaux et les voies de formation. Moins de 1% des collégiens sont internes contre 5% des lycéens généraux et technologiques et 12 des lycéens professionnels. Près de 1400 lycées comportent un internat.
Ces taux étaient très supérieurs à la fin du 20ème siècle. Après un plan de relance en 2000, deux plans ont marqué l’évolution des internats. En 2008 ont été lancés des « internats d’excellence » dans le cadre du plan Espoir banlieue. Il s’agissait de sortir des élèves « méritants » des quartiers de la ville pour leur faire bénéficier de conditions d’étude favorables. Le prototype, l’internat de Sourdun, a fait l’objet d’une communication ministérielle intense, servant à camoufler le détricotage de la politique d’éducation prioritaire. En revenant aux affaires, en 2019, JM Blanquer a relancé des « internats du 21ème siècle » pour développer des « résidences à thèmes » principalement en zone rurale.
Les effets ambigus sur le climat scolaire
Audrey Farges et Olivier Monso se sont attachés à chercher si la scolarisation en internat a un impact positif sur la scolarité. A première vue, on peut penser que les internes bénéficient de meilleures conditions de travail que les externes. » La vie à l’internat est régie par des règles collectives et des rythmes bien définis, qui peuvent varier d’un établissement à l’autre. Pour les élèves internes, ce cadre de vie peut être propice au travail scolaire, parce qu’ils sont préservés d’une partie des distractions pouvant perturber leur travail à la maison, ou parce qu’ils sont suivis plus étroitement par les équipes éducatives« , relèvent-ils. Ils ont aussi l’accès à des ressources nouvelles. Mais « d’un autre côté, les jeunes internes sont souvent éloignés de leur famille et de leurs amis, et ne bénéficient donc pas de leur part du même soutien que celui dont ils pourraient bénéficier chez eux. Quitter le domicile familial peut induire des difficultés d’adaptation à ces nouvelles conditions de vie« . Les enquêtes sur le climat scolaire montrent que les internes sont moins absents et consacrent plus de temps à leur travail scolaire que les externes, particulièrement en lycée professionnel. Par contre, » les élèves internes sont plus nombreux que les autres élèves à avoir reçu un surnom désagréable et à s’être fait voler des objets personnels. Ils sont moins nombreux, en lycée professionnel, à juger que l’ambiance entre élèves est « bonne » ou « plutôt bonne »« .
Une évaluation différenciée
Audrey Farges et Olivier Monso sont donc allés voir au delà de ces constats pour suivre la réussite scolaire de cohortes d’internes et d’externes en distinguant lycéens professionnels et lycéens généraux et technologiques.
» En voie professionnelle, les élèves ayant été internes au début de leur scolarité au lycée sont plus nombreux à sortir avec un diplôme (CAP, BEP ou baccalauréat) : c’est le cas pour 90 % d’entre eux contre 81 % pour les élèves qui n’étaient pas internes« , notent-ils. « Cet écart de 9 points en faveur des élèves internes se retrouve également dans les probabilités d’obtenir le baccalauréat et une mention. Il atteint 11 points pour l’obtention du CAP ou du BEP, qui sanctionne les deux premières années dans la voie professionnelle. En voie GT, la plupart des élèves parviennent au baccalauréat (94 %). Ces proportions sont similaires pour les élèves internes et les non‐internes, de même que l’obtention d’une mention assez bien (49 %) et l’obtention d’une mention bien ou très bien (21 %)« .
Mais cet avantage a l’internat doit tenir compte du profil des élèves. » Les élèves internes de lycée professionnel avaient, avant leur entrée à l’internat, des caractéristiques plutôt favorables à la réussite. Ainsi, ils ont obtenu de meilleures notes en troisième… Ces résultats scolaires plus favorables obtenus par les élèves internes en fin de collège peuvent en partie s’expliquer par leurs caractéristiques sociodémographiques. Par exemple, dans la voie professionnelle, 19 % des élèves internes ont des parents diplômés du supérieur contre 9 % des élèves non‐internes. Les élèves internes de la voie professionnelle ont également des parents d’un milieu social plus favorable à la réussite scolaire, au sens de l’indice de position sociale. Enfin, 61 % des élèves internes ont deux parents qui travaillent contre 43 % pour les non-internes. Ces écarts se constatent aussi dans la voie GT, mais de façon atténuée« . Les auteurs font donc tout un travail pour intégrer ces données et arriver à une conclusion.
Des effets faibles sur la réussite scolaire
« En voie générale et technologique, les résultats moyens des élèves internes en fin de lycée sont similaires à ceux des non‐internes« , notent-ils. « Ces effets sont donc très inférieurs à ceux mesurés dans le cadre de l’évaluation de l’internat d’excellence de Sourdun« , qui reste un cas spécial, une vitrine ministérielle. » En lycée professionnel, un léger effet à l’avantage des élèves internes est perceptible : de 2 à 8 points en faveur des internes sur la probabilité d’obtenir un diplôme… Interpréter ces effets plus marqués en voie professionnelle peut se faire de deux façons. Tout d’abord, les élèves de voie professionnelle ont un risque de décrochage supérieur, qui peut être lié à des acquis scolaires plus fragiles, ou au rejet de l’institution scolaire et à l’attrait de la vie active. Pour ces élèves, le contexte de l’internat pourrait avoir un effet stabilisateur, au regard par exemple de la réduction de l’absentéisme. Le fait de nouer des liens avec des jeunes partageant une même orientation professionnelle pourrait favoriser la persévérance dans les études. Ensuite, cet effet pourrait s’interpréter par le fait que l’internat donne aux élèves l’opportunité de suivre une formation plus loin de leur domicile. Ce constat va dans le sens de l’étude de Coudène qui a mis en évidence que le choix d’une formation à proximité du domicile en CAP est plus souvent associé à une sortie sans diplôme« .
Globalement, » Les élèves internes réussissent aussi bien que les autres élèves, voire un peu mieux en lycée professionnel. Ce constat constitue une partie de la réponse qui peut être apportée aux questionnements des familles sur l’internat« .
François Jarraud