Alors que la capitale se voit amputer de plus de 150 postes dans le premier degré et plus de 170 dans le second à la prochaine rentrée, la mobilisation des parents d’élèves, élus et enseignants ne faiblit pas et revêt de nouvelles formes. Samedi dernier, des marches déambulatoires étaient organisées dans plusieurs arrondissements à l’initiative du collectif « les parents en colère ».
À Paris, plus de 1000 personnes se sont rassemblées samedi 18 mars pour défendre l’École publique. A l’initiative des unions locales FCPE du 10e, du 19e et 20e et de collectifs de parents indépendants de ces arrondissements, rassemblés sous le nom « Les parents en colère », des marches déambulatoires ont été organisées depuis les mairies. Les cortèges des arrondissements du Nord Est, 10e, 18e, 19e et 20e, rejoints par des parents de Paris Centre, du 12e et du 13e ont convergé à Belleville à 16h. Aux côtés des familles et des personnels éducatifs, les maires des 10e, 11e, 18e, 19e et 20e arrondissements et de nombreux autres élus de toute la gauche parisienne se sont mobilisés pour l’École publique.
Cette journée témoigne d’un élan citoyen pour défendre le service public d’éducation dans une ambiance joyeuse et festive. La “Fanfare Invisible” a accompagné le cortège du 20e arrondissement. Beaucoup d’enfants étaient aux côtés des parents, avec des pancartes, des instruments de musique, des slogans « On manifeste, on fait pas la fête » ou « Touche pas à mon école ». Les actions du collectif « Les parents en colère » ont pour slogan « j’aime mon école publique » et pour symbole un cœur brisé, repris du “Collectif des parents 94”.
Des baisses de moyens de la maternelle au lycée dans les quartiers populaires
Des fermetures de classes, des suppressions de postes et une baisse de moyens de la maternelle au lycée ont été annoncées dans plusieurs académies partout en France. Paris, académie la plus ségréguée, est fortement touchée par cette baisse : 155 postes dans le 1er degré, 173 dans le 2nd degré, tout particulièrement dans les quartiers populaires, fragilisant de nombreuses équipes et établissements. A cela s’ajoute la fermeture partielle ou totale de 7 lycées professionnels en 2 ans et d’un lycée général. Ces fermetures ont été annoncées par le Rectorat et la Région Ile-de-France alors que, depuis 2016, la Région a versé 77 millions d’euros aux lycées privés pour des frais de rénovation et sécurisation dont elle n’a pourtant pas la compétence.
En France, le nombre d’élèves par classe est supérieur à celui des autres pays de l’OCDE. La baisse démographique ne pourrait-elle pas être l’occasion d’améliorer les conditions d’enseignement et de rapprocher les effectifs français de la moyenne européenne ? Cette revendication commune aux personnels, syndicats, familles était fortement exprimée lors de la manifestation de samedi. Des parents du 19e arrondissement, touchés par une fermeture de classe, arborent une pancarte « Nos enfants ne sont pas des sardines ». L’École publique accueille tous les enfants. Elle nécessite des moyens et donc des effectifs limités pour garantir de bonnes conditions d’apprentissage et d’inclusion, particulièrement dans les quartiers populaires. Les élèves ont également besoin d’enseignants remplaçants, d’Accompagnant.es d’Elèves en Situation de Handicap (AESH), de personnels médico-sociaux… Les moyens alloués, en permettant de plus faibles effectifs, participent au bien-être des élèves et des équipes pédagogiques.
Pour le collectif “Les parents en colère”, « la baisse démographique est une réelle occasion de repenser l’école autrement. Pourquoi toujours envisager l’école en nombre d’enfants par classe ? Pourquoi toujours diminuer les dotations horaires dans les collèges et lycées ? A quand une approche ambitieuse de l’école publique qui place nos enfants au cœur des réflexions, qui offre les conditions optimales pour apprendre, qui donne à tous la chance de réussir ? »
« Du fric, du fric pour l’école publique » : un enjeu pour l’éducation et pour la mixité
La baisse des moyens de l’École publique dans les quartiers populaires représente une menace pour la mixité car les conditions d’enseignement et les effectifs par classe ont des effets sur le climat scolaire, comme sur les apprentissages. Dans le 2nd degré, les moyens alloués aux établissements influent également sur la qualité de l’enseignement (possibilité d’heures en ½ groupe, diversité de l’offre éducative, projets pédagogiques menés par les équipes…). Ces conditions sont des points d’attractivité qui garantissent la mixité sociale et scolaire dans certains collèges, notamment pour certaines familles favorisées qui pourraient être tentées par l’évitement du collège de secteur, au profit du privé.
Dans les quartiers populaires, fermer des classes, réduire les heures d’enseignement (baisse de DHG), supprimer des postes nuisent à la mixité sociale, à la qualité éducative, niant ou ignorant la problématique sociale et humaine pourtant au cœur de l’Ecole. Or, l’origine sociale des élèves pèse de manière déterminante sur leur trajectoire scolaire, qu’une approche comptable ne peut résoudre. De plus, au regard de la situation parisienne de forte concurrence avec le privé, la baisse des moyens est un signal alarmant pour l’École publique.
La mixité sociale est une question de société et de projet politique : voulons-nous une société où tous les enfants se rencontrent ? A qui est destinée l’éducation ? Cette dernière question s’inscrit dans un contexte de projet de réforme du lycée professionnel, dans lequel les heures d’enseignement général diminuent au profit de période de stage.
Une mobilisation citoyenne pour l’École publique
La mobilisation de samedi a été massive. Elle est le résultat d’une mobilisation depuis plusieurs semaines et d’une convergence des actions entre établissements du 1er et du 2nd degré, entre les arrondissements, entre les parents et les enseignants. Elle est l’expression de la solidarité entre arrondissements et entre parents et membres de la communauté éducative.
Des actions dans les établissements ont été et seront organisées par les parents d’élèves : petit-déjeuner, réunion d’information, rassemblement ou encore opération “collège désert” comme dans le 20e arrondissement jeudi 16 mars. Les parents restent mobilisés et prévoient de nouvelles actions dans les prochaines semaines.
Les gauches derrière l’École publique
Des élu.es de toute la gauche étaient présents en soutien de ce rassemblement et ont parlé d’une même voix, rappelant la nécessité d’avoir des moyens pour l’École publique et dénonçant la logique comptable menant à une saignée dans les établissements parisiens et à une dégradation de l’École publique à Paris.
De manière unanime et commune, les familles, les personnels, les syndicats, les élus dénoncent la casse systématique de l’Ecole publique qui profite au privé, dans un climat de concurrence entre établissements, de marché de l’éducation.
Djéhanne Gani