Dans les lycées de la métropole et d’une grande majorité des DROM débutent aujourd’hui les épreuves de spécialité. Pour les syndicats lycéens, la FCPE et les organisations syndicales, ces dates sont « un non-sens », ils appellent depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à reporter ces épreuves, et ce pour de multiples raisons. « À cela se rajoute la question de la réforme des retraites, qui finalement vient juste ajouter de la difficulté là où il y en avait déjà » explique Nageate Belhacen de la FCPE. « On est face à un gouvernement qui n’écoute pas, qui ne les écoute pas eux, qui n’écoute pas les enseignants. Le ministère aurait dû reporter. Ce n’est ni la responsabilité des enseignants qui font grève, ni celle des jeunes, c’est celle du Ministre ». C’est dans ce climat que les chefs d’établissements essaient de permettre aux élèves de « composer sereinement » comme l’explique Sylvie Mendes du SNPDEN-UNSA.
Au Lycée Robert Doisneau de Vaulx-en-Velin, au moins 50% des enseignants seront en grève aujourd’hui et demain, jour du passage des épreuves de spécialité pour les quelques 536 081 terminales de la voie générale. « Les éboueurs ne ramassent pas les poubelles, nous ne faisons pas passer les épreuves de spécialité » nous indique Toufik Boubegtiten, responsable syndical Sud éducation « Nous sommes pris dans un mouvement social. C’est notre contribution. On prépare nos élèves toute l’année à ces épreuves, ce n’est pas de gaieté de cœur que nous faisons ce choix. Et puis cette réforme, elle les concerne, on défend aussi leurs droits ». « C’est ça faire preuve d’éthique » ajoute-t-il en référence au DGESCO, Édouard Geffray, qui avait fait appel à l’éthique des enseignants pour que tout se déroule bien.
Reporter au mois de juin les épreuves de spécialité, une proposition de longue date
« Ce calendrier est un non-sens pédagogique. Ces épreuves arrivent bien trop tôt : elles ont obligé les professeurs à une course contre la montre pour tenter de finir les programmes avant les épreuves de la semaine prochaine au prix d’une dénaturation profonde de nos métiers » rappelle la large intersyndicale* qui appelle à se mobiliser même les 20 et 21 mars. « Dans l’intérêt des élèves et des personnels, nous avons exigé le report des épreuves au mois de juin. Le ministère s’est entêté à maintenir le calendrier du bac sur un schéma qui désorganise gravement l’année de Terminale, entrave les apprentissages et pénalise les élèves. La responsabilité du ministre est grande dans les difficultés rencontrées actuellement par les personnels et les élèves. Aussi, nos organisations ont déposé un préavis de grève qui couvre la période des épreuves de spécialités. Dans l’hypothèse où le gouvernement n’aurait pas retiré son projet de réforme des retraites, elles appellent tous les collègues à décider de la poursuite de l’action et à poursuivre la mobilisation pendant les épreuves de spécialité y compris par la grève des surveillances là où cela est possible ».
« Nous alertons depuis des semaines sur le fait que les dates de ces épreuves est un non-sens » abonde Gwenn Thomas-Alves, délégué national en charge de la FIDL , syndicat de lycéens. « Beaucoup de lycéens sont très en retard sur le programme et ne sont donc pas prêts. D’une part car il est extrêmement chargé et donc compliqué à finir en mars et d’autre part, si ce n’est surtout, parce que les enseignants absents cette année n’ont pas été remplacés. Il y a des classes qui se sont retrouvées des semaines sans prof ». Le jeune lycéen évoque un ras-le-bol général de la jeunesse : réforme des retraites, réforme du bac, Parcoursup, réforme de la voie professionnelle, généralisation du SNU… Autant d’éléments qui pour Gwenn Thomas-Alves sont sources de stress pour les lycéens. «Pour tous ces motifs, nous soutiendrons toute initiative des professeurs et des lycéens. Et nous appelons au blocus des lycées le 23 mars » conclut-il.
« La FCPE appelle le ministère de l’Éducation nationale à préserver le droit de grève des enseignants tout en garantissant la bonne tenue des épreuves de spécialités prévues la semaine prochaine » a indiqué pour sa part la première fédération de parents d’élèves. « Et ce, au regard de l’actualité qui percute, une nouvelle fois, de plein fouet les candidats au baccalauréat. Dans bon nombre d’établissements, malgré l’engagement des enseignants et un rythme souvent infernal pour les élèves, les programmes n’ont pas pu être bouclés compte tenu du calendrier des épreuves de contrôle anticipées, imposées par la réforme. Cette situation ajoute du stress au stress car Parcoursup lui, n’attendra pas… ».
« C’est trop tôt pour les lycéens, on les stress avec un examens qui comptera pour 32% du bac, alors qu’ils sont en plein Parcoursup » complète Nageate Belhacen présidente de la FCPE Val-de-Marne et ancienne co-présidente nationale. « À cela se rajoute la question de la réforme des retraites, qui finalement vient juste ajouter de la difficulté là où il y en avait déjà. On est face à un gouvernement qui n’écoute pas, qui ne les écoute pas eux, qui n’écoute pas les enseignants. Le ministère aurait dû reporter. Ce n’est ni la responsabilité des enseignants qui font grève, ni celle des jeunes, c’est celle du Ministre ».
Les épreuves du bac : un catalyseur de la colère enseignante
SUD éducation est le premier syndicat à avoir appelé à faire grève les jours des épreuves de spécialité. « Le 49-3 a relancé la dynamique, les collègues sont très en colère» reconnaît Jules Siran, co-secrétaire fédéral de Sud éducation. « Nous appelons à faire grève, il se trouve que les examens arrivent dans les jours qui viennent, nous ne sommes pas responsables de cet agenda. Macron en refusant de retirer son projet de loi et en utilisant le 49-3 en est seul responsable ». « On ne toléra aucune entrave au droit de grève, les enseignants ont le droit de faire grève quel que soit le jour de l’année » prévient-il. Au SNES-FSU, le ton est moins radical. « C’est très compliqué de faire grève pendant les épreuves du bac quand on est prof » observe Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat. « La colère est montée d’un cran depuis jeudi soir. Les épreuves du bac jouent le rôle de catalyseur ».
Du côté des chefs d’établissements, chargés de l’organisation des examens, la tension monte. « On essaie d’anticiper, on a eu des consignes de recteurs » révèle Sylvie Mendes, secrétaire national du SNPDEN-UNSA. « On convoque plus de surveillants que nécessaire, au cas où. On mobilise tous les personnels que l’on peut mobiliser en période d’examen. Les collègues sont inquiets. Leur volonté est de faire en sorte que malgré le climat social les élèves puissent composer sereinement ».
Au ministère de l’éducation, on tente de rassurer en invoquant les 35 000 correcteurs mobilisés pour 2 600 centres d’examen. « Afin de permettre le déroulement des épreuves dans les meilleures conditions, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, a décidé de la mise en place du dispositif suivant : des surveillants supplémentaires sont mobilisés, en cas de retard des candidats dû à des grèves de transports, des aménagements du temps d’épreuve seront organisés afin qu’ils puissent bénéficier de toute la durée prévue des épreuves… » communique la rue de Grenelle. Et on prévient, quoiqu’il en coûte les épreuves auront lieu : « en cas de difficultés, les dispositions nécessaires seront prises pour permettre l’accès des candidats aux centres d’examen en lien avec les préfectures de département ».
Alors que les deux motions de censure seront étudiées à l’Assemblée, les lycéens pourront-ils passer leurs épreuves dans de bonnes conditions ?
Lilia Ben Hamouda
* Intersyndicale : SNES-FSU, Snep-FSU, Snetap-FSU, Fnec-FP FO, FO Enseignement Agricole, CGT Educ’action, Cgt Agri, Sneip-CGT, Sud Education, Sud Rural Territoires et Sundep Solidaires