Co-président du Cnesco, avec Agnès Florin, André Tricot dresse un bilan optimiste de la conférence de consensus sur l’évaluation organisée par le Cnesco en novembre 2022 et des recommandations publiées le 15 mars 2023. Pour lui, une évolution est en cours qui distingue mieux l’évaluation pour l’apprentissage et la certification. Le système éducatif est bien en train de changer ses modes d’évaluation.
Quel état des lieux de l’évaluation dressez-vous aujourd’hui ?
La conférence du Cnesco portait sur l’évaluation en classe. Le constat c’est qu’on a vraiment l’impression de plus en plus certaine que les choses évoluent. Il y a un mouvement de fond qui est très visible dans le 1er degré, moins au collège et encore moins au lycée. Ce mouvement propage une évaluation centrée sur les progrès des élèves et dans laquelle les biais de comparaison entre élèves et les classements sont de moins en moins fréquents.
L’évolution est moins marquée dans le second degré. Pourquoi ?
Je ne saurais pas l’expliquer. Peut-être est ce plus facile dans le premier degré d’évoluer quand on a les élèves dans toutes les disciplines. Peut-être la pression sur la note est moins importante dans le 1er degré. Peut-être aussi l’accompagnement de l’institution, avec des outils et des instructions, facilite-il une évolution plus précoce dans le 1er degré.
La conférence recommande un LSU lycée. Pourtant la philosophie du LSU a du mal à s’imposer au collège. N’est ce pas très ambitieux de l’installer au lycée ?
En effet. Il faut lire les recommandations de la conférence comme des choses souhaitables. Certaines peuvent paraitre faciles à mettre en œuvre à court terme. D’autres prendront du temps. Mais sur le temps long, quand on regarde l’évolution depuis le début du siècle il y a de quoi être optimiste.
Depuis la réforme du bac, les enseignants des lycées sont soumis à de fortes pressions des parents sur l’évaluation. Cela ne risque t-il pas de contrarier l’évolution que vous souhaitez ?
L’évolution du bac a abouti à l’idée que le contrôle continu s’est transformé en une pression supplémentaire sur les notes. On est dans une période transitoire et il va falloir qu’on définisse plus clairement les deux fonctions de l’évaluation : l’évaluation au service de l’apprentissage qui peut se traduire, ou pas, par une note et l’évaluation du niveau de performance des élèves qui va entrer naturellement dans l’obtention du diplôme. Cette fonction de certification doit être déconnectée. Il y a peut-être une certaine confusion dans l’esprit d’une partie des parents.
La conférence s’en tient à des recommandations pédagogiques. Mais sont-elles vraiment un élément clé des évolutions ? Ne sous estimez vous pas la demande sociale d’évaluation ?
Les recommandations ne sont pas que pédagogiques. Elles concernent aussi l’encadrement et la formation. Elles sont systémiques. Mais vous avez raison il y a bien un aspect de mentalité. Il est d’autant plus important de rappeler le long terme. Les représentations ne changent pas en un claquement de doigts. Elles sont progressives. Lais regardez le chemin parcouru dans le premier degré. Qui l’aurait cru ? Cela s’est fait lentement avec des parents qui ont compris les choses.
L’institution scolaire les comprend ?
C’est la difficulté. Il faut faire comprendre que l’évaluation a des fonctions différentes de formation, de certification et de classement. La conférence de consensus dit que ces 3 fonctions existent mais qu’il faut éviter les effets de contamination de l’une à l’autre. Il n’y a pas de raison de noter les collégiens de 6ème comme s’ils passaient le bac.
Avant la conférence du Cnesco il y a eu celle de la Dgesco en 2014. Etes vous optimiste ?
Ce qui me rend optimiste c’est l’observation du mouvement de fond très visible au premier degré mais qui se voit aussi au collège. C’est aussi le nombre de participants à cette conférence de consensus : plus de 3000! Cela n’était jamais arrivé. Enfin c’est de voir que le réseau des Inspe a repris ce thème pour son colloque annuel. On a l’impression que tout le monde est concerné.
Propos recueillis par François Jarraud