« Et si on lisait à haute voix » est un projet qui a permis à plus 450 élèves de la circonscription de Roncq, à la frontière belge, d’expérimenter la lecture à voix haute comme objet d’apprentissage. Un projet riche qui a donné lieu à une restitution dans la salle de spectacle La Source de Roncq.
Martine Drodzinski est CPC français pour le plan français en circonscription et référente égalité filles/garçons à la l’inspection de Tourcoing/Roncq, circonscription qui regroupe cinq villes – Roncq, Halluin, Bousbecque, Neuville en Ferrain et Linselles – à la frontière belge.
Monter des projets pour donner du sens aux apprentissages des élèves mais aussi à la pratique des enseignantes et enseignants, c’est l’ADN de cette enseignante formatrice engagée. Le dernier en date est autour de la lecture à haute voix, « Si on lisait à haute voix ». 450 élèves y ont participé, dont 200 qui se sont retrouvés lundi 6 mars pour une restitution du projet à La source, bibliothèque municipale et salle de spectacle de Roncq.
L’oral, un objet d’apprentissage comme les autres
« Pour aider les élèves à atteindre les attendus de fin de cycle, malgré les contraintes – nombre de locuteurs dans une classe, volatilité de l’oral, un enseignement de l’oral est à dispenser » explique la CPC. « Ainsi les programmes de français comportent-ils la compréhension de l’oral comme objet d’enseignement à l’instar des programmes de langues vivantes. Car la compréhension de l’oral, en particulier de l’oral scolaire, est une activité langagière complexe dont la maîtrise s’acquiert progressivement au cours de la scolarité à condition de faire l’objet d’une attention spécifique, d’où les formations. L’enjeu est également de rappeler que la pratique de l’oral ne suppose pas seulement des compétences langagières mais aussi des compétences linguistiques. Les connaissances et compétences à acquérir concernent également les genres sociaux ou scolaires dont on peut décrire les caractéristiques – conte, débat, interview, exposé, présentation orale, etc.- et qui doivent faire l’objet d’un enseignement explicite et progressif ».
Dans le cadre des formations en constellation, Martine Drodzinski a rappelé le prescrit dans les programmes et que lecture à haute voix sert à communiquer. « On lit à autrui un texte qu’il ne connaît pas pour lui faire partager une émotion ». Elle a accompagné les enseignants et enseignantes engagés dans le projet et montré ce qu’il était possible de faire en s’appuyant sur des témoignages (cf brève des pistes pour enseigner à haute voix).
Les élèves de chaque classe ont choisi des extraits : Friot, Pennac, serres, Bloch, des auteurs jeunesse de grande qualité qui ont également permis de faire passer des messages, notamment avec le livre « Eux, c’est nous ». « J’ai aussi imposé un texte, extrait tiré de philo fable autour de la terre, texte lu par Alix sur lors de la rencontre » raconte la CPC. « Je ne souhaitais pas un concours, simplement un choix d’élèves par des élèves pour impulser la coopération, l’entraide… ».
Un projet pour travailler les règles de la lecture à haute voix
Afin de préparer la journée du 6 mars, les élèves se sont entrainés avec une grille de lecture reprenant 4 compétences : on respecte la ponctuation, on articule, on lit avec expressivité et on respire. « Lire à haute voix est une activité particulière : il faut avoir lu et compris le texte pour pouvoir le lire à haute voix » explique Martine Drodzinski. « Il faut avoir décidé de ce qu’on veut faire comprendre et faire ressentir à son auditoire. Cette activité nécessite une écoute attentive. On laissera donc toujours un temps d’appropriation personnelle du texte avant la lecture à haute voix. La lecture à voix haute ouvre la voie à des perspectives didactiques passionnantes à condition que l’enseignant renonce à l’idée que la lecture à voix haute sert avant tout à vérifier des compétences de lecteur. En revanche, elle doit devenir un objet d’apprentissage en soi et au-delà le support d’une expérience esthétique. Elle n’est pas une étape vers la lecture silencieuse mais elle suppose déjà une parfaite maîtrise de la lecture ; elle ne permet pas d’apprendre à lire, elle suppose qu’on sait lire ».
Pour se préparer, certaines classes ont été filmées. Les élèves ont pu ainsi décoder leur lecture, en réaliser une analyse objective en vue de permettre la progression de cette compétence.
Un projet ambitieux pour la satisfaction de tous
Le projet fut unanimement apprécié. « L’engagement des élèves, l’engouement pour venir lire et représenter sa classe sont significatifs de cet engouement pour « Et si on lisait à haute voix ». La satisfaction des PE qui ont évoqué « un investissement » fort gratifiant. La joie des élèves le jour de la rencontre, aussi et surtout. J’étais passée dans toutes les classes au moins trois fois pour m’assurer de la mise en place de cette action. Les craintes de certains élèves, la difficulté de gérer ses émotions, son tract furent travaillés par les enseignantes, je suis également intervenue pour rassurer. Le jour de la rencontre, j’ai pu constater des enfants/élèves satisfaits, heureux ».
Chaque classe participante s’est vu offrir un livre et un diplôme. Une romancière, Carine Bausière, a lu un extrait de son livre, « Alix, une fille dans l’équipe », livre qui dénonce les stéréotypes et affirme l’égalité filles/garçons.
« Et si on lisait à haute voix » est un projet ambitieux qui permet aux élèves de s’épanouir, de prendre du plaisir, de prendre des risques, de transmettre leur envie de lire devant les autres… « Le plaisir de lire englobe beaucoup de chose à mes yeux, les élèves sont donc en position d’accueil, de rêverie et ils m’ont dit qu’ils avaient envie que ceux qui écoutent prennent aussi ce plaisir, qu’ils deviennent gourmands de mots et d’idées » complète la CPC. « Ils ont donc offert ce cadeau aux autres, ils ont tenté d’encourager sans décourager. J’entendais souvent des discours alarmistes sur la lecture face à la concurrence des écrans, sur ce « non-effort ». Ces élèves ont donc appris à lâcher prise, ils se sont autorisés à lire devant 200 camarades, ils ont défendu « leur sentiment d’appartenance à une école », ce projet a permis de fédérer, a donné aux autre l’envie de lire les extraits entendus. En créant cette attente, en faisant entrevoir la richesse des autres et de leur lecture, j’ai souhaité embarquer les élèves et leurs enseignants dans une nouvelle aventure où la transmission était au rendez-vous. C’est donc une épreuve authentique, accompagnés par leurs enseignants, que les élèves ont pu vivre et ont pu découvrir le plaisir de lire, de comprendre et d’apprécier cette joie de grandir ».
Martine a tenu a remercié la municipalité de Roncq, qui la soutient souvent dans les projets qu’elle monte et qui « achète régulièrement des séries de livres, qui a prêté la salle de spectacle et qui m’a aidée pour le tournage et le montage des films ».
Lilia Ben Hamouda
Pour visionner l’évènement du 6 mars, c’est par ici