Olivier Martinez est professeur de physique chimie au lycée Paul Langevin de Martigues, il intervient auprès des élèves de la section STL option SPCL (sciences physiques et chimiques de laboratoire) depuis 2010. Ayant déjà vécu plusieurs réformes et changements de programmes, il porte un regard lucide sur cette filière technologique.
Le bac STL (sciences et technologies de laboratoire) convient tout particulièrement aux élèves qui ont une appétence affirmée pour la démarche expérimentale et les sciences appliquées. C’est pour lui une voie de réussite grâce à une approche différente qui laisse plus de temps pour assimiler, s’épanouir dans les sciences et devenir plus autonome.
Quel est pour vous l’intérêt principal de la voie technologique ?
De mon point de vue, le principal intérêt de cette voie est un enseignement plus concret, basé sur un domaine de spécialité clairement défini et structuré qui permet d’approfondir un peu plus. Ils ont moins d’heures d’enseignement général et plus d’heures d’enseignement de spécialité en classe dédoublée ce qui permet à l’enseignant d’être plus disponible pour répondre aux besoins des élèves. De cette manière, même des élèves moyens en seconde mais sérieux et assidus, arrivent maitriser des connaissances et des compétences complexes qu’ils n’auraient jamais pu assimiler en voie générale, ils arrivent ainsi à prendre confiance en eux afin de mieux appréhender les études supérieures. Un autre avantage non négligeable, pour la réussite et l’épanouissement des élèves, est la préservation du groupe classe. Ce qui permet d’instaurer plus facilement une dynamique de groupe et un meilleur suivi de la part du professeur principal.
Pourriez-vous nous présenter la filière STL et, plus particulièrement, la spécialité SPCL ?
La filière STL SPCL s’adresse aux élèves qui ont une attirance et un goût prononcé pour les matières scientifiques et l’expérimentation au laboratoire. Son objectif vise à développer des compétences technologiques et scientifiques au travers de différentes démarches expérimentales, à acquérir de solides bases théoriques – physique, chimie, biochimie, procédés, mathématiques, et à développer des compétences transversales à travers l’expérimentation et la démarche de projet … afin de poursuivre leurs études dans des domaines scientifiques ou technologiques – industrie pétrochimique, chimique, cosmétique, pharmaceutique, aéronautique, énergétique… santé, paramédical, recherche et développement, hygiène et sécurité, agroalimentaire, … Au menu : observations et analyses des phénomènes physiques, synthèses et analyses chimiques, mesures et instrumentation, études de procédés industriels, biochimie, projet … pour environ 60 % du temps de la semaine de cours !
Les élèves apprennent ainsi à utiliser une très grande partie du matériel usuel d’un laboratoire de physique chimie et sont initiés à la démarche de projet, ils deviennent plus autonomes. Les notions sont vues de plusieurs manières différentes et avec des enseignants différents. La spiralisation entre les modules de l’enseignement de spécialité est très importante, ce qui permet de moins survoler et de plus approfondir qu’en voie générale … Même si le programme est conséquent, l’approche se fait d’une manière différente de la voie générale et autant que possible par l’expérimentation en demi-groupe, ce qui permet à des élèves pas forcément « super doués » en seconde mais sérieux et motivés par les sciences de s’épanouir pleinement d’autant plus qu’une grosse partie de l’évaluation – la moitié pour certains modules – se fait au travers d’activités expérimentales (ECE) ou de projet.
Tous ces dispositifs permettent aux élèves d’atteindre un très bon niveau en physique chimie et en techniques de laboratoire, ce qui constitue de sérieux avantages dans la poursuite en IUT, en BTS ou en classe préparatoire.
Quel est le profil des élèves accueillis en STL ? Quelle est la plus-value de cette formation pour eux ?
Le profil des élèves est assez varié : moyens, bon, très bons, mais le point commun reste l’attrait pour les sciences, l’expérimentation et la technologie. Les élèves de STL passent plus de la moitié de la semaine sur des enseignements scientifiques, l’intérêt doit donc être réel, cette filière ne peut être en aucun cas une voie par défaut car les exigences sont au final assez élevées pour une filière technologique. Le travail en laboratoire demande bien entendu certaines qualités comme la rigueur, le sens de l’observation, la curiosité, la ténacité, le goût de la recherche, la patience … Les élèves doivent être suffisamment matures pour réaliser des mesures minutieuses, utiliser des appareils de laboratoire précis et couteux ou des produits chimiques purs en toute sécurité. Bien entendu, ils doivent avoir acquis des bases mathématiques suffisantes afin de ne pas être freinés dans leurs apprentissages, sciences et mathématiques restent indissociables. Ils seront amenés durant toute leur formation à faire des aller-retours entre théorie et expérimentations, à modéliser, prévoir, mesurer, à analyser des séries de mesures … l’outil mathématique est donc indispensable, il fait d’ailleurs partie de l’enseignement général et de l’enseignement de spécialité dans cette filière.
Les grosses plus-values de la section restent :
– son approche expérimentale des sciences ;
– les dédoublements qui permettent de travailler en demi-groupe et d’être plus proche des élèves pour mieux les suivre dans leur évolution et leur orientation ;
– le profil très industriel de la région Sud qui offre de très nombreux débouchés professionnels à nos étudiants allant de simple opérateur industriel à ingénieur.
En général, quelles sont les poursuites d’études ?
Les poursuites d’études sont assez variées, elles dépendent du niveau atteint par l’élève au bout des deux ans de formations et de sa motivation. Après son bac STL, l’élève peut faire un brevet d’opérateur en un an comme il peut intégrer une cpge, il y a donc une certaine hétérogénéité qu’il convient de gérer …
Les élèves préférant des études courtes (40%) optent pour des BTS – métier de la chimie, pilotage des procédés, bio-analyses, métiers de l’eau, CIRA … – et dans la mesure du possible en alternance. Etant donné que nous sommes dans un bassin très industrialisé, ils n’ont souvent pas de mal à trouver une alternance en tant qu’opérateur industriel, technicien supérieur dans un laboratoire ou un bureau d’étude. Plus d’une vingtaine de BTS est accessible aux élèves issus de STL en formation continue ou en alternance avec des débouchés très variés. Ceux qui sont plus à l’aise ou qui entretiennent l’idée de poursuivre en master ou de devenir ingénieur préfèrent le BUT (40%). Les filières les plus demandées par nos élèves sont les BUT de chimie, de génie chimique-génie des procédés, de mesures physiques, d’hygiène et sécurité, de génie biologique … Les meilleurs et les plus motivés se tournent naturellement vers des cpge réservées aux STI2D et aux STL (TSI et TPC) qui préparent aux concours d’entrée de Polythechnique, Centrale-Supélec, Cesi École d’ingénieurs, Epita-Ipsa-Esme, Insa, Mines-Ponts …
Il existe également d’autres diplômes accessibles comme le DTS imagerie médicale, le BP de préparateur en pharmacie, les DEUST chimie, environnement, santé … le brevet d’opérateur industriel.
En tant qu’enseignant, quels souhaits auriez-vous quant aux évolutions possibles de ce bac technologique ?
Sur le papier et dans les programmes, la section STL est clairement une section technologique scientifique exigeante et ouvrant de nombreuses portes dans l’enseignement supérieur puis dans le monde professionnel, avec des perspectives de salaires intéressantes surtout dans notre région. Mais comme toutes les sections technologiques, elle est confrontée à une mauvaise image auprès des élèves et surtout de leurs parents qui, par manque d’informations claires et objectives, les perçoivent comme des « voies de garage ». Ils persistent ainsi à « forcer » leurs enfants à aller en général alors qu’ils pourraient s’épanouir dans l’une des 8 voies technologiques proposées par l’éducation nationale. On se retrouve ainsi avec trop d’élèves en voie générale qui se perdent puis se démotivent devant le rythme, le niveau d’exigence, le volume de travail, et plus assez d’élèves d’un bon niveau en voie technologique. On assiste donc à un effet domino assez dévastateur pour ces filières … qui deviennent de plus en plus des choix par défaut plutôt que des choix motivés par un réel projet d’étude et professionnel.
Il faudrait donc arriver à tordre le coup à toutes ces idées reçues qui nuisent à ces filières afin qu’elles puissent accueillir les élèves pour lesquelles elles ont été créé. Cela passe bien sûr par une information accrue à tous les niveaux : parents, élèves et … professeurs principaux de seconde et de troisième qui ne connaissent pas forcément toutes les spécificités, les attendus et les débouchés des filières technologiques. L’autre solution bien plus simple et surement plus efficace consisterait à être plus objectif lors des passages de la seconde à la première afin que les élèves aillent vers la formation correspondant le mieux à leur profil, leurs capacités.
Pour moi, l’une des principales raisons des difficultés rencontrées par les élèves et, par ricochet, par les enseignants, est la mauvaise orientation. Un élève qui se sera mal orienté ne sera pas un élève épanoui, il en sera de même pour les enseignants, coincés entre les exigences du BO et le niveau réel des élèves qu’ils ont en charge …
Propos recueillis par Aurélie BADARD