Aurélie Badard, contributrice régulière du Café pédagogique, est professeure de physique Chimie au lycée Jean Lurçat de Martigues. Selon elle, la fin de la technologie en sixième envoie un signal négatif à toutes la filière technologique. Un constat que partagent nombre de ses collègues. Elle livre aux lecteurs du café pédagogique une série d’interviews de professeurs exerçant dans ces filières : ST2S, STMG, TSTI2D et STL.
Ce choix arbitraire qui n’a été ni présenté, ni discuté dans aucune instance de dialogue social avec les organisations représentatives laisse à penser que la technologie au collège, mais peut-être plus globalement la filière technologique, pourraient être des variables d’ajustement dans le cadre d’un budget de plus en plus contraint.
Les plus anciens qui ont connu l’EMT (éducation manuelle et technique) au collège puis le passage en 1986 à une nouvelle matière, la technologie, savent que cette discipline a su évoluer avec son temps pour répondre aux transformations majeures de notre société. Grâce à l’étude des outils et des techniques, le collégien s’ouvre aux Sciences et à la Technologie. Il peut ainsi mesurer les enjeux forts liés à la production de biens et de services mais aussi se familiariser à « l’intelligence de la main » trop souvent dénigrée dans notre système éducatif.
On ne peut que regretter cette décision hasardeuse car cette première approche au collège de la technologie permet parfois de susciter la curiosité des élèves, de valoriser des compétences transverses et de créer des vocations pour une orientation choisie vers la voie professionnelle ou technologique.
Pour enseigner depuis 3 ans en Terminale STI2D, je mesure au quotidien tout l’intérêt de ces 8 séries technologiques. Elles permettent à des élèves fragiles ou, plus généralement, en manque de situations réellement concrètes de révéler tout leur potentiel et de quitter le lycée avec un dossier scolaire leur permettant une orientation le plus souvent réussie vers le supérieur.
Des élèves témoignent
Ces deux témoignages montrent que des motivations diverses peuvent mener à la voie technologique et que son existence est une opportunité pour des élèves aux profils multiples.
La voie générale, trop souvent décrite comme « le graal », est parfois synonyme de souffrances. Par méconnaissance, ou parce que la communication menée au sein des établissements scolaires n’est pas toujours adaptée, les élèves « forcent » parfois un passage vers une voie générale dans laquelle ils auront du mal à se réaliser et qui est source de fortes désillusions lors de l’orientation post bac quand les dossiers sont très fragiles.
Les bacs généraux, technologiques et professionnelles ne devraient-ils pas être enfin réellement mis sur un pied d’égalité ?
Au lieu de supprimer la technologie en 6eme, n’aurait-il pas été plus judicieux de lui donner encore plus de place en créant, par exemple, une heure « connaissance des métiers » pour participer à rééquilibrer la balance ?
Pour conclure, je repense au travail que j’avais mené avec Christian Janier (MOF) quand j’œuvrais en tant que chargée de mission école entreprise au Rectorat de Lyon.
Lors des interventions menées en collège par les Meilleurs Ouvriers de France, les élèves qu’on dit sensibles à la réussite « facile » des influenceurs étaient fascinés par le parcours de labeur, d’abnégation de ces artisans de l’excellence. Leur charte ne serait-elle pas un exemple concret à suivre pour nos jeunes ?
Alors que le Ministre continue à dire qu’il faut « revaloriser » la technologie au collège pour « susciter des vocations pour le numérique, les sciences de l’ingénieur, la voie professionnelle, y compris dans l’équilibre entre filles et garçons », revenons à un peu de pragmatisme et donnons enfin à l’ensemble de la voie technologique une vraie place dans notre paysage éducatif !
Aurélie Badard
