» L’enseignement privé sous contrat participera à l’effort de mixité : sans cela, notre politique de mixité sera vouée à l’échec ». Pap Ndiaye ne s’est pas laissé faire le 1er mars au Sénat. Malgré les attaques des Républicains et les accusations de « wokisme ». Il a donné des pistes concrètes pour imposer la mixité sociale aux établissements privés. Il annonce que la dotation en postes du privé pourrait dépendre de l’ouverture sociale des établissements. L’accord avec le privé devrait être rendu public le 20 mars.
La mixité sociale, une priorité du ministère
Lors du débat sur la mixité sociale dans les établissements scolaires, demandé par le groupe socialiste du Sénat, le 1er mars, le ministre de l’Éducation nationale a précisé les leviers qu’il souhaite utiliser. Il a aussi tenu tête aux attaques de la droite sénatoriale.
« Je vous remercie pour ce débat, qui porte sur une priorité de mon ministère« , indique Pap Ndiaye en ouverture de séance. « La mixité sociale est une condition de réussite des élèves : le mélange des origines et des cultures est une force pour nos écoles. L’école doit permettre à chaque enfant d’étendre ses ambitions au-delà des contraintes de son environnement personnel. Or la France est l’un des pays de l’OCDE où les déterminismes sociaux pèsent le plus sur la réussite scolaire : cela nous prive de talents, bride les ambitions et favorise le repli identitaire… Faire de la mixité sociale, ce n’est pas faire gagner un camp contre un autre, mais enrichir chaque élève, assurer un socle commun pour tous, continuer à faire de la France une nation et faire vivre la belle devise de notre République« .
Les moyens du privé liés à davantage de mixité sociale ?
S’agissant de l’intégration du privé dans une politique de mixité sociale, Pap Ndiaye a précisé les leviers qu’il souhaite utiliser. » L’enseignement privé sous contrat participera à l’effort de mixité : sans cela, notre politique de mixité sera vouée à l’échec« , dit-il d’emblée. « Nous pourrions moduler la part variable des subventions au privé sous contrat, comme l’ont fait le département de la Haute-Garonne et la ville de Paris« . Mais le ministre envisage aussi d’user des moyens de l’éducation nationale. » Les moyens alloués peuvent représenter un moyen de pression pour que les établissements s’engagent en faveur de la mixité sociale et scolaire. Fixer un pourcentage d’élèves boursiers ne doit pas aboutir à ce que les établissements privés aillent chercher les meilleurs élèves du public » ajoute-il. » J’ai mentionné notamment la négociation actuellement menée avec l’enseignement privé sous contrat avec comme moyens d’action notamment l’allocation des postes ou un éventuel bonus-malus via le programme 139, entre autres« .
La droite répond par le wokisme
La droite sénatoriale est montée au créneau pour combattre ces perspectives. Max Brisson, qui vient de déposer une proposition de loi sur l’Ecole pour le groupe Républicains, demande « une différenciation territoriale des politiques éducatives et une contractualisation » des établissements publics, à l’image de ce qui existe pour le privé sous contrat. Jacques Grosperrin et Corinne Imbert (LR tous deux) attaquent le ministre sur le wokisme. « Il existe une tension majeure entre l’origine sociale et familiale et la composition sociale de l’établissement fréquenté. L’objectif de mixité se heurte donc à des résistances. Il est illusoire d’évaluer l’impact d’une seule variable dans ce processus complexe« , estime le premier. « A quoi bon louer la mixité quand on ferme les yeux sur des mouvements essentialistes et racialistes qui enferment des individus dans des stéréotypes et mettent à mal notre pacte républicain ?« , déclare la seconde.
» Quant au wokisme, je ne suis pas sûr de vous suivre. Considérez les programmes d’histoire-géographie, de SVT, de lettres : je n’y retrouve pas le tableau que vous tracez« , répond le ministre. Il écarte d’autres flèches venues des mêmes rangs. » Quant à la nostalgie de l’école de jadis, permettez-moi, en tant qu’historien, d’être sceptique. Elle peut avoir du charme, mais pour les couches populaires, l’école s’arrêtait au certificat d’études. En 1960, seuls 10 % des élèves avaient le bac. Je ne regrette pas ce temps. Le XXe siècle a connu la massification. Le XXIe doit répondre au défi de la démocratisation… Les écoles rurales sont en réalité mieux dotées que les écoles urbaines« . Le débat, au printemps, sur la proposition de loi Brisson devrait être intéressant. D’ici là, l’accord avec l’enseignement privé sur la mixité sociale est attendu.
François Jarraud
Mixité sociale : les 4 travaux de Pap Ndiaye