Le Service National Universel (SNU) fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines et pour cause : le bruit court qu’il deviendrait obligatoire dès 2024. Le SNU, ce sont des séjours de « cohésion sociale » selon le gouvernement, lors desquels des jeunes de 16 ans multiplient les exercices en uniforme, aux cris de S.N.U ! Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, évoquait déjà la généralisation du dispositif. Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du SNU multiplie les rencontres avec les différentes associations d’éducations populaires et les organisations syndicales d’étudiants et d’enseignants. Un faisceau d’indices qui laisse présager sa généralisation et son caractère obligatoire.
Dans un article paru sur le site du SNES-FSU, on apprend que lors d’un entretien avec la FSU, la secrétaire d’État a expliqué voir dans le SNU « un moyen de reconstituer l’unité perdue du système scolaire ». Et comme le dispositif est loin de faire le plein, 32 000 volontaires pour une cible de 50 000 en 2022, rien de tel que le rendre obligatoire. Pour ce faire, il semblerait que le président s’oriente vers une intégration d’un séjour de cohésion – qui durera 12 jours – dans le parcours citoyen de chaque élève. Ce séjour aurait lieu lors de l’année de seconde et de première CAP, tous les élèves seraient tenus d’y participer puisqu’il aurait lieu sur le temps scolaire… 800 000 élèves seraient donc concernés tous les ans.
Pour favoriser la mixité sociale, on réfléchirait à mélanger des cohortes de différents lycées dans différents centres. En clair, des élèves de seconde d’un lycée se retrouveraient éparpillés par petits groupes sur des centres différents avec d’autres jeunes d’autres lycées.
Un SNU nouvelle version jumeau de l’ancienne
Dans un article publié le 27 février, Politis indique avoir eu accès à une note interne au ministère de l’Éducation nationale intitulée « Foire aux questions ‘post annonce SNU obligatoire’ » qui indiquerait que « le SNU « se compose d’un séjour de cohésion obligatoire de 12 jours qui s’effectue en-dehors de son département/de sa région de résidence ». Toujours selon Politis, les jeunes seraient soumis au rythme intensif du format actuel du service national universel, « à savoir un lever à 6h30 et un coucher à 22h30 ». « Uniforme, levée du drapeau le matin et chant de la marseillaise » resteraient au menu du SNU format obligatoire. Les téléphones portables seraient aussi proscrits, « sauf pendant un temps prévu en fin de journée ».
Au niveau du contenu, Politis indique que « plusieurs modules seraient imposés sur des enjeux liés à la défense, à la sécurité intérieure, à la mémoire, à la transmission « des valeurs de la République » ainsi qu’à la biodiversité et au développement durable. L’engagement dans des métiers en uniforme, dans des associations et dans l’économie sociale et solidaire serait aussi abordé ». Les encadrants seraient toujours des personnels de l’Éducation nationale et des militaires à la retraite.
Des bruits qui sont arrivés jusqu’aux bancs de l’Assemblée. Lors des questions au gouvernement du mardi 28 février, le député Bastien Lachau de la France Insoumise a interpellé Sarah El Haïry. « Vous allez rendre le service national universel dès l’an prochain et on l’apprend par la presse » s’est-il exclamé. « Des enfants vont être encaserné, vont marcher aux pas, s’entraîner aux cris de SNU. Une parodie de préparation militaire. C’est grave, cela est probablement contraire à la constitution ou à la convention des nations unis des droits de l’enfants. Le parlement n’a été ni consulté, ni informé. Pour un projet si important qui va coûter plus de deux milliards d’euros… Qui a décidé ? quand ? Comment ? … Un projet pour mettre la jeunesse au pas. Elle ne renforcera ni la cohésion, ni la solidarité ni l’esprit de défense. Rassurer la jeunesse, rassurer les parents, démentez cette information ! ».
La secrétaire d’État n’a ni confirmé ni démenti. « À aucun moment le SNU n’est la carricature que vous en faites. Allez à la rencontre de ces jeunes qui vivent une aventure de mixité, qui découvre une expérience de cohésion nationale. Le SNU n’est pas un simulacre de service militaire, c’est un service civil. Aujourd’hui, nous consultons sur de vraies hypothèses : oui ou non sur temps scolaire, oui ou non complémentarité éducative, oui ou non généralisé ou étendu. Notre parcours de citoyenneté est un parcours qui commence avant le séjour de cohésion et qui continue après. C’est un parcours d’engagement, de rencontre et de cohésion nationale que nous proposons à notre jeunesse ».
Six départements en expérimentation en 2024
Six départements expérimenteraient la généralisation du dispositif dès 2024 : le Cher, les Hautes Alpes, la Dordogne, le Finistère, les Vosges et le Var. En 2025, vingt autres départements seraient concernés avant une généralisation en 2026. Mais généraliser et rendre obligatoire le SNU ne sera pas si simple, cela devra nécessairement passé par la loi.
Le SNU, c’est faire « se rencontrer et vivre ensemble des élèves scolarisés dans l’enseignement public ou privé, ou non scolarisé » aurait expliqué Sarah El Hairy à la FSU. A près de deux milliards d’euros la facture, beaucoup auraient des solutions plus pérennes et moins « militaires » à proposer au Président pour faire se rencontrer les jeunes. Le SNU est le produit d’un choix de société, une société qui pense que les besoins de la jeunesse, ce sont 12 jours à jouer les apprentis militaires, affirmant haut et fort leur patriotisme…
Lilia Ben Hamouda