La vraie « cancel culture » est bel et bien masculiniste : on sait combien le « patrimoine » littéraire a effacé les autrices de notre mémoire, on comprend avec Jennifer Tamas combien le regard masculin a aussi transformé les personnages féminins en femmes effacées. Dans son passionnant ouvrage Au NON des femmes, elle nous invite ainsi à déplacer et actualiser notre lecture des classiques ». Car un « male gaze » littéraire fait écran, jusque dans l’Ecole, pour étouffer les non des héroïnes, invisibiliser leur pouvoir de résistance, instituer culturellement leur pseudo « nature » de femmes faibles, douces, soumises, passives, captives.
Professeure de littérature française de l’Ancien Régime aux États-Unis, Jennifer Tamas démontre ainsi remarquablement comment le champ littéraire, patriarcal, viriliste, construit dans la représentation des femmes une culture de l’effacement. Invitation à la relecture et à la redécouverte de « nos classiques », l’ouvrage s’avère aussi jubilatoire qu’un livre de Pierre Bayard. Appel à changer l’angle de nos caméras, il livre aussi un beau défi aux enseignant.es : « J’aurais aimé qu’on m’apprenne la littérature autrement, qu’on me fasse découvrir les œuvres des femmes, qu’on m’explique à travers le prisme du féminin les contes et les fables, et j’espère qu’il en sera ainsi pour nos enfants. »
Jean-Michel Le Baut
Jennifer Tamas, Au NON des femmes, Seuil 2023, EAN 9782021514292
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