Philippe Nicolas, c’est ce professeur des écoles, docteur en sciences de l’éducation, dont vous a déjà parlé le Café pédagogique et qui embarque ses élèves dans des aventures plus impressionnantes les unes que les autres. Il y a trois ans, il les lançait dans la découverte du Groenland. Deux ans plus tôt, c’était en apprentis géographes qu’ils les transformait. Les élèves avaient cartographié le lac Miroir de Queyras, situé à 2215 mètres d’altitude. Mesures qui n’avaient jamais été prises auparavant et qui sont aujourd’hui enregistrées. Cette année, ses élèves de Cm1 et Cm2 de l’école REP+ des Grésillons B de Gennevilliers participent à l’expédition Team Wolf.
Les vingt-et-un élèves de Philippe Nicolas se sont lancés dans une expédition scientifique – sous le parrainage de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson – avec leur maître sur les traces du loup dans le parc régional du Queyras. Partis de leur école le 1er févier, ils se trouvent sur place en ce moment. À l’aide d’attelages de chiens de traineaux, d’un bivouac composé d’une large tente équipée d’un poêle, ils arpentent des cols à 2200 mètres d’altitude. Ils apprennent l’étude des empreintes, la cartographie, l’usage de drones d’observation et l’installation de pièges photographiques en partenariat avec les techniciens du parc régional du Queyras. « Un voyage initiatique pour repousser ses limites et affronter ses doutes, aux confins de la nature sauvage du Queyras » raconte l’enseignant. « Une aventure humaine et scientifique qui se veut redonner une place à la nature sauvage dans une nécessaire cohabitation avec le Vivant, condition sine qua none pour l’avenir du monde ».
Pour Philippe Nicolas, l’enseignement passe par des expériences aussi fortes mais c’est aussi un enjeu de formation du citoyen de demain. « Je veux faire en sorte qu’il se passe quelque chose entre l’enfant et la nature pour que cet enfant devenu adulte se sente en charge, responsable de la vie avec un V majuscule » nous confie-t-il. « Il s’agit de donner un sens aux apprentissages afin de favoriser l’inscription de l’élève dans la grande aventure du monde. Apprendre à vivre ensemble dans le principe de coopération certes, mais aussi dans le concept de cohabitation proposé par le philosophe Baptiste Morizot ». Baptiste Morizot propose de remédier à ce qu’il nomme une « crise de la sensibilité », c’est-à-dire « un appauvrissement de ce que l’homme peut voir, sentir et comprendre de son environnement, notamment dans les relations qu’il entretient à l’égard des autres espèces animales ».
Une conception pédagogique qui met l’élève dans une position d’acteur, de chercheur
« En tant qu’enseignant, je suis particulièrement attaché à la notion d’auteur pour mes élèves dans une réflexivité essentielle entre le monde et eux » explique Philippe Nicolas. « J’investis donc énormément dans l’oral mais aussi dans l’écrit et en laissant toujours une grande place à la controverse. Une forme de co-construction d’une méthode pour la résolution de problème. Apprendre à chercher, c’est apprendre à trouver ».
La démarche expérimentale est donc au centre de la pratique pédagogique de l’enseignant. Pour ce faire, il n’hésite pas à solliciter des spécialistes.
Dans le cadre de l’expédition au parc régional du Queyras, il s’appuie sur l’expertise des techniciens du parc, dans une « approche collaborative » nous dit-il. Mais cette approche ne s’arrête pas à une collaboration avec des intervenants extérieurs, « j’affirme que nos élèves, nos enfants peuvent être associés à la co-construction du monde, mieux qu’ils doivent être associés à cette construction de demain ».
En tant qu’enseignant, ce qui remplit de joie Philippe Nicolas, « c’est de voir les élèves exprimer leur potentiel, leur talent, voire leur génie ». Et en effet, en vivant de telles aventures, les élèves de cette école REP+ de Gennevilliers ont l’opportunité de déployer des compétences bien peu mobilisées dans le cadre de la classe
Lilia Ben Hamouda
Une petite série de photos de l’expédition en cours, pour le plaisir des yeux