La rentrée 2023 se prépare. Le Ministère a annoncé le nombre de postes alloués à la prochaine année scolaire. Ou plutôt, il a annoncé le nombre de postes qu’il récupère à la rentrée prochaine. c’est l’équivalent de 1148 postes qui seront supprimés. 667 dans le premier degré, 481 dans le second degré. Une nouvelle qui passe mal dans les écoles et établissements. Et pour cause, les annonces de fermetures de classes, voire d’écoles, de DGH -dotation globale horaire – « rongée jusqu’à l’os » – selon la formule de Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, s’accumulent. Une rentrée sanglante pour Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU.
144 541 785, 46 euros, soit un peu plus que 144 millions, c’est le budget dédié au « soutien de la politique de l’éducation nationale » que le Ministre n’a pas dépensé pour l’année 2022. L’équivalent de 3000 postes d’enseignants et enseignantes.
Une annonce qui a de quoi mettre en colère les équipes pédagogiques et les parents alors que l’on entend ici et là qu’ils et elles se mobilisent contre les fermetures de classes comme à l’école de Ploumilliau en Bretagne, de Combres en Eure-et-Loir ou encore de Houeillès dans le Sud-Ouest. Dans le second degré, ce sont les professeurs qui commencent à alerter sur les conséquences de la baisse des DGH – Dotation Globale Horaire. Des baisses qui se traduisent par deux fermetures de classes au lycée Tillion à Paris, par la fermeture d’une classe 6e au collège Lucie Faure à Paris aussi et par la fin des dédoublements dans des lycées de l’académie lilloise…
Pour rappel, en 2021, la France a consacré 168,8 milliards d’euros à son système éducatif, soit 6,8% du PIB. Même si la dépense d’éducation affiche une hausse de 8,3 milliards d’euros par rapport à 2020, la part du PIB qui lui est consacrée est en baisse. « A titre de comparaison, la dépense intérieure d’éducation a atteint 7,7% du PIB en 1995 » explique Guislaine David. « Cela correspondrait aujourd’hui à 24 milliards d’euros supplémentaires pour l’éducation. C’est une question de choix… »
En tout, ce sont 1148 postes qui sont supprimés à la prochaine rentrée – premier et second degrés confondus. Une dotation négative pour le premier degré, cela ne s’était plus vu depuis 2012, à l’époque de Chatel sous Sarkozy.
Des fermetures pour un affichage politique
La rentrée 2023 sera « sanglante » selon Guislaine David, porte-parole et co-secrétaire générale du SNUipp-FSU, « le ministère retire 667 postes équivalents temps plein ». À Paris, ce sont 155 postes que devra rendre l’académie. Dans les Hautes-de-Seine, 55. « On a des fermetures partout » ajoute la responsable syndicale. « C’est assez contradictoire avec tout ce qui se passe en ce moment. On arrive plus à remplacer les enseignants, on sait qu’on manque de personnels, on sait que les conditions de travail sont de plus en plus difficiles, on sait que les élèves ont besoin des soutien – on n’arrête pas de dire que le niveau baisse et « en même temps » on ferme des classes et on surcharge les autres ».
A la justification de la baisse démographique, Guislaine David rétorque que c’est une occasion manquée pour le gouvernement. « La baisse démographique aurait dû permettre d’alléger les classes, d’améliorer les conditions de travail des enseignants et enseignantes et de recréer des postes de remplaçants ». « La rentrée 2023 s’annonce terrible, on sait qu’il n’y aura pas assez de candidats au concours » poursuit-elle. « Cette année est très compliquée alors qu’ils ont recruté toute la liste complémentaire et qu’ils ont embaucher un nombre record de contractuels ».
Afin de permettre la mise en place des grandes priorités du ministère – toutes les grandes sections d’éducation prioritaire dédoublées, toutes les classes de GS, CP et CE1 à 24 élèves et l’augmentation des décharges de direction – les DSDEN (Ndlr : Direction des Services Départementaux de l’Éducation) vont être forcées de fermer des classes à tour de bras. C’est un choix politique. Pour donner de la visibilité aux engagements pris par le gouvernement, les écoles vont trinquer. Pour rappel, les dédoublements, forts couteux en postes, n’ont jamais montré leur efficacité, contrairement aux dispositifs Plus de Maîtres que de Classes.
Des DGH qui creuseront les inégalités
Dans le second degré, ce sont 481 postes qui sont supprimés, 30 164 postes depuis 2007. Sous le gouvernement Macron, ce sont 9 322 ETP (Équivalent Temps Plein) en moins. « 481 suppressions d’emplois au niveau national, cela se ressent dans les DGH qui arrivent dans les établissements » explique Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU. « Ces baisses sont parfois sans commune mesure avec les baisses d’effectifs –et parfois on baisse alors même que les effectifs sont stables ».
C’est sur la marge, ces heures en plus des heures réglementaires, que les rectorats jouent. « Ils financent les horaires réglementaires, ils ne peuvent pas faire autrement mais grapillent sur tout le reste » complète la responsable syndicale. La marge permet, en fonction des choix et de la réalité sociale de l’établissement, de financer des demi-groupes, des classes bilingues, un groupe d’option en plus… « On réduit au maximum les DGH, on donne aux élèves le strict minimum et pas plus… Tout ce qui permet de participer à l’ouverture culturelle, artistique et de l’horizon des élèves passe à l’os. Les DGH oblige à se centrer sur le réglementaire et pas plus ». Les élèves des familles populaires seront les premiers à pâtir de la baisse des DGH, les autres auront l’ouverture nécessaire grâce à leur environnement familial qui permettra et financera cette ouverture culturelle.
Alors que le ministre martèle qu’il faut combattre les inégalités et accompagner les élèves les plus en difficulté socialement, force est de constater qu’il ne met pas les moyens pour y parvenir, « pire qu’il retire le peu existant… Il y a un écart entre le discours et les actes. C’est un classique à l’Éducation nationale et cela se poursuit avec ce ministre… » déplore Sophie Vénétitay.« C’est un renoncement à ce que l’école pourrait apporter aux élèves de milieux défavorisés, au-delà des conditions d’apprentissages » conclut-elle.
Lilia Ben Hamouda