Yann Lhermitte est professeur de Physique Chimie mais aussi formateur académique. Après, un engagement de plusieurs années auprès d’élèves en situation de handicap, il a choisi d’intégrer le lycée du Docteur Charles Mérieux à Lyon. Son objectif : Relever le challenge d’une collaboration renforcée entre les équipes au sein d’un établissement en création. Ce lycée novateur dans la conception a pour ambition de préfigurer le « lycée de demain » dans son organisation afin de faire réussir chaque élève dans un environnement soucieux de la qualité de vie des usagers.
Quelle est la spécificité de votre établissement ?
Le lycée dans lequel je travaille a ouvert ses portes à la rentrée scolaire 2021 à Lyon. J’ai été nommé, sur poste à profil, en tant que professeur de physique-chimie dès son ouverture. Il s’agit d’un lycée comportant des filières générales et technologiques (STI2D) qui pourra accueillir jusqu’à 850 élèves.
En prenant en compte les expériences académiques récentes et les derniers travaux de la recherche sur le bâti scolaire, une réflexion a été menée sur la transformation des espaces et globalement les enjeux d’évolution de la forme scolaire. Ce « lycée de demain » ambitionne de répondre aux enjeux actuels – qualité de vie des élèves, qualité de vie au travail, réussite et inclusion scolaire, …- tout en anticipant les changements globaux à venir – transformation digitale, changement climatique, compétences du 21 -ème siècle, … Le public accueilli est mixte, issu des collèges ordinaires et collèges d’éducation prioritaire de secteur.
Quels sont les grands axes qui structurent le lycée ?
Quatre dimensions structurent le projet du lycée. La dimension spatiale : prise en compte globale de tous les espaces du lycée dans son fonctionnement : espaces d’apprentissage, de travail personnel ou collectif – enseignants et élèves, espaces de vie, de circulation et extérieurs. La dimension temporelle : prise en compte des potentialités offertes par la mobilisation des différents temps d’apprentissage et de travail. La dimension numérique : volonté de favoriser des pratiques et usages au service des apprentissages et du développement professionnel des enseignants. La dimension expérimentale : dans le cadre d’un lien avec des partenaires de la Recherche, le lycée a vocation à développer des expérimentations et des démarches d’innovation pédagogique.
Au quotidien qu’est-ce qui change réellement dans vos pratiques ?
Dans ce lycée, nous n’innovons pas à proprement parler car les pratiques qui se mettent en place ici existent ailleurs et nous ne les avons pas créées. Simplement, il est facilitateur pour nous de mettre en place ces pratiques pédagogiques innovantes car le cadre d’exercice le permet et nous travaillons avec la Recherche qui va pouvoir analyser et évaluer ce que nous mettons en place.
En tant que professeur de physique-chimie, il existe un travail collaboratif intense dans notre équipe disciplinaire en particulier une concertation importante concernant les modalités d’apprentissages, les rituels d’entrée en classe, le choix des activités proposées, la création de fiches de route pour les élèves et de fiches de mémorisation, la consolidation et le retour sur erreur, les modalités d’évaluation et de remédiation. Le travail collaboratif entre élèves est devenu prégnant quel que soit le contexte – facilité en parti par du mobilier modulable y compris en salle de sciences.
Nous sommes également en train de créer un Fablab – laboratoire de fabrication – qui va permettre à terme de construire des outils de communication scientifique – à destination des écoliers, collégiens, lycéens, grand public, de mettre en œuvre et scénariser des expériences de physique-chimie et de pratiquer la pédagogie de projet en lien avec l’enseignement supérieur.
Cette concertation dépasse largement notre discipline et il existe dans cet établissement une concertation efficace entre équipes pédagogique, administrative, de vie scolaire, de direction et les personnels de région qui permet de mettre en place de nombreux projets et surtout d’avoir une posture réflexive quel que soient les thèmes travaillés tout au long de l’année. Par exemple, l’accueil des élèves et leurs familles en début d’année, la réflexion autour de la forme des conseils de classe, les heures d’accompagnement personnalisé, les heures de vie de classe, l’évaluation…
On axe également nos travaux autour du bien être des élèves et des compétences psychosociales que nous essayons, à notre rythme, de mettre en valeur dans l’idée de former des citoyens éclairés et bien dans leur peau.
Avez-vous déjà observé des effets bénéfiques de cette nouvelle organisation pédagogique ?
Les élèves sont au cœur du projet d’établissement et sont force de proposition. J’ai rarement vu des élèves aussi investis et soucieux de leur cadre de vie scolaire. L’autonomie et le bien-être des élèves sont visibles. On observe aussi une motivation qui grandit au fur et à mesure des trimestres écoulés.
Au sein de l’équipe pédagogique également, on ressent un bien-être et une envie de travailler. L’entente est harmonieuse et cela se répercute aussi bien sur les personnels que sur nos élèves et leur famille. Cette concertation efficace est une véritable plus-value !
Quels sont les axes de progrès encore possibles ?
Sur le long terme, nous allons devoir analyser et évaluer les différentes actions et modalités pédagogiques pour voir si elles ont des effets bénéfiques, en termes de résultats et de bien-être, et si elles peuvent être transférables dans d’autres établissements. D’ailleurs, un des objectifs est d’essaimer nos pratiques – validées par la Recherche- à l’extérieur de l’établissement. En tant que formateur académique, c’est ce que j’essaie de faire, à mon petit niveau, en échangeant, mutualisant nos pratiques avec les enseignants issus des autres établissements de l’académie.
Une partie de mon travail consiste à mettre les équipes en situation de réflexion, de création et d’innovation pour mettre les élèves en réussite en partant des contraintes liées au cadre d’exercice et à la diversité des élèves. Tester et expérimenter sont des maîtres mots que j’essaie de transmettre. Un axe à travailler dans les années à venir est aussi la dimension temporelle en réfléchissant, par exemple, aux durées des séquences et à certaines hybridations pertinentes.
Qu’en est-il de votre épanouissement professionnel au sein de cette structure innovante ?
Vivre une aventure comme celle-ci n’arrive qu’une fois dans sa vie et c’est une histoire extraordinaire de faire partie d’une équipe qui créé un lycée. Nous lui avons donné vie et nous lui avons apporté une coloration et une dynamique initiale. Nous essayons, nous testons, nous expérimentons, nous évaluons, nous modifions, parfois nous reculons mais toujours avec cette même motivation.
Je dirais qu’en plus d’être épanoui, je suis plus que jamais motivé dans mon travail ce qui se répercute bien évidemment au-delà de ma vie professionnelle.
Propos recueillis par Aurélie BADARD