Pour son 3ème opus [1966] après ‘Le Gaucher », (échec cuisant, 1958) et « Miracle en Alabama » (gros succès, 1962), le réalisateur américain Arthur Penn [1922-2010], financé par le puisant producteur Sam Spiegel, dispose d’atouts majeurs avec Marlon Brando dans le rôle principal et de jeunes talents prometteurs comme Robert Redford et Jane Fonda. Il n’aura cependant pas le dernier mot : son bailleur de fonds exigeant le ‘final cut’ au montage. Malgré cette entrave à sa création, une pratique courant des studios, le cinéaste réussit la chronique magistrale et percutante d’un petite ville sudiste (et raciste) du Texas en proie à un déchainement de violence à la suite de l’annonce de l’évasion de la Maison d’arrêt d’un jeune prisonnier blanc (Robert Redford) originaire du coin. Les notables locaux, jaloux de leurs privilèges, craignent une vengeance et attisent facilement le ressentiment et la haine d’une foule d’autres habitants méchamment alcoolisés.
Outre le portrait saisissant d’un shérif, nonchalant et honnête, incarné avec maestria par un Marlon Brando à rebours de ses rôles de mauvais garçons, ici roué de coups et le visage déformé et sanglant au terme d’un tabassage féroce, le cinéaste capte l’irruption de la violence, sa montée en puissance incontrôlable jusqu’au lynchage par une foule submergée par des forces noires. Filmé comme l’irruption du réel -telle que la télévision fait déferler faits divers et assassinats dans les salons, celui de John F. Kennedy [1963] n’est pas loin-, le drame jetant une lumière crue sur la brutalité des rapports de domination sociale et sexuelle tend à la société américaine d’alors un miroir grossissant refusé par la majorité des spectateurs. Il faudra du temps et d’autres événements importants aux Etats-Unis, la guerre du Vietnam et les révoltes de la jeunesse américaines notamment, pour que « La Poursuite impitoyable » soit reconnu comme un grand film classique.
« La poursuite impitoyable » d’Arthur Penn=> replay sur france.tv jusqu’au 14 mars 2023