Julie Plouvier est professeure d’anglais depuis 2017 – après avoir travaillé une quinzaine d’années dans le secteur privé. Depuis 2020, elle enseigne dans l’un des collèges français régi par l’AEFE à Madagascar. Adepte de la pédagogie Freinet et institutionnelle, elle explique au Café pédagogique ce choix et le bilan qu’elle en fait.
Chaque élève est unique. Il ou elle a des besoins, des envies et des goûts qui lui sont propres. Les situations familiales et sociales, l’accès à la culture et aux ressources matérielles différent parfois de manière drastique à l’intérieur du groupe classe, ainsi que les niveaux de maîtrise des compétences. Nous sommes tous confrontés en tant qu’enseignants à la gestion de ces différences. Au sein d’une même classe se côtoient des élèves dont le niveau est débutant, intermédiaire ou expert. Comment intégrer au mieux ces différences afin de permettre à chacun de progresser et de développer la confiance en soi ?
Mon cheminement vers de nouvelles pédagogies
Professeur d’anglais au collège, ces problématiques m’ont conduite à réfléchir sur ma manière d’enseigner. En effet, j’ai constaté que la diversité des élèves rendait difficile la réussite d’un enseignement identique. Si l’on prend l’exemple du temps alloué à la réalisation d’activités – exercices, compréhension d’une leçon, on remarque bien que le rythme commun à la classe ne convient qu’à une partie des élèves, ceux qui ne travaillent ni trop vite, ni trop lentement. J’ai observé l’ennui, la frustration, la fatigue, l’agacement, le renoncement. Comment alors y remédier ? D’autres questions se sont ajoutées : comment faire progresser tous les élèves, en suivant leur rythme de travail et d’apprentissage ? Comment développer leur confiance en eux ? Comment susciter leur motivation ?
C’est en cherchant des réponses, et par le biais de rencontres, de recherches, et de lectures, que j’ai découvert les pédagogies Freinet et institutionnelles. Les valeurs de ces pédagogies reposent sur les notions d’ouverture, d’épanouissement, de responsabilité, d’émancipation, de valorisation des progrès, et de créations libres. C’est dans ce sens que j’ai souhaité mener et développer mon enseignement.
Mise en place dans la classe
J’ai d’abord mis en place une feuille de route – document sur lequel figurent les activités de la séquence – qui permet aux élèves de développer leur autonomie en choisissant l’ordre des activités et le temps passé à leur réalisation. Elle permet également de respecter leur rythme de travail. Puis au fil de mes lectures et d’analyses de ma pratique, j’ai opté pour un autre dispositif, le plan de travail. Sur celui-ci figurent les activités obligatoires de la séquence – c’est la partie feuille de route, et des activités libres dont ils ont l’initiative dans le choix – présentation, lecture, recherche, texte libre, la planification et le sujet. Les élèves y inscrivent également les ceintures – de la blanche à la noire, comme au judo – qu’ils souhaitent passer selon leur parcours de progressivité.
Changements chez les élèves
Je constate un réel changement chez les élèves, que ce soit au niveau des compétences acquises dans le champ disciplinaire, de la confiance en soi, de la motivation à travailler et des efforts à fournir, ainsi que dans la cohésion du groupe classe grâce à la coopération.
Plusieurs éléments clés contribuent à cette réussite. Tout d’abord la liberté de mouvement et de communication : les élèves se déplacent dans la classe à leur guise et selon leurs besoins, pour obtenir une ressource, l’aide d’un camarade ou de l’enseignant. L’initiative et la responsabilité sont également des notions phares dans l’acquisition des compétences. Les élèves choisissent les activités qu’ils planifient via leur plan de travail. Ils apprennent à gérer leur temps d’étude, d’entraînement et de réalisation des activités. Puis il y a la gestion de l’erreur et de l’échec, qui sont dédramatisés et qui deviennent une source de progrès. On a le droit de ne pas réussir au premier essai. Un nouvel entraînement permettra de revoir les notions non comprises pour enfin acquérir la compétence visée. Enfin et surtout, l’importance de l’entraide et de la coopération. Les élèves ont appris au fur et à mesure à interagir ensemble afin d’en retirer un bénéfice individuel : maîtriser un fait de langue, comprendre un texte, préparer une ceinture. Ils ont compris et mettent en œuvre le sens du proverbe “l’union fait la force”, de la phrase “on gagne ensemble”. Aussi, le climat de classe est-il davantage propice aux échanges qui conduisent à l’acquisition de nouvelles compétences.
C’est ainsi que l’hétérogénéité devient alors un atout pour le groupe classe : les situations d’entraide et de coopération ne concernent pas seulement les élèves en réussite. Chacun peut aider ou être aidé. Chacun peut apporter une connaissance ou un savoir qui enrichit la culture générale du groupe classe et valorise celui ou celle qui l’apporte. Chacun peut être expert dans une activité ou un domaine de compétences.
Bilan
Le bilan est très positif. La mise en place de ces pédagogies me permet d’être au plus près des capacités et savoir-faire de chacun, et ainsi d’adapter le plus possible les enseignements disciplinaires et transversaux aux profils des élèves. Un climat de confiance entre pairs et élève-professeur s’est développé de manière significative et contribue au bien-être des uns et autres. Enfin, le cours devient l’affaire de tous les élèves, peu importe le niveau de compétence ou la situation sociale. Les inégalités s’effacent petit à petit.
Julie Plouvier