Au SNUipp-FSU, syndicat des enseignants et enseignantes du premier degré, la coupe est pleine. Tant sur le fond que sur la forme, la porte-parole Guislaine David nous fait part de son mécontentement. « On a un dialogue social de façade. Nous avons rencontré le ministre avant les vacances de Noël. Il ne nous a rien dit des professeurs des écoles qui interviendraient dans les collèges dès septembre prochain, rien des notes de service qui paraissent aujourd’hui… On fait semblant de nous écouter, de prendre note de nos remarques mais finalement on continue comme sous Blanquer, voire pire… On nous a fait croire que ce ministre ne serait pas dans la continuité de la politique Blanquer, que ce serait le ministre des Enseignants. Quand on entend ses déclarations sur la dictée, ce n’est pas le ministre des Enseignants mais celui de l’opinion publique. On flatte le public en lui expliquant que la dictée est un élément essentiel pour progresser en orthographe. Ça alimente le mythe de la dictée à l’école ».
Des notes de service très précises dans leur prescription
Selon Guislaine David, ces notes de service sont très prescriptives. « On nous dit qu’en cycle trois, on doit faire deux heures de lecture par jour, que toutes les semaines, les élèves doivent avoir lu des textes de 1000 mots, qu’un élève de CM1 doit lire 90 mots à la minute et 120 en CM2. Ces notes de service sont précises dans leurs prescriptions ». Après le collège « homme malade du système scolaire », voici des circulaires que la responsable syndicale lit comme « des ordonnances avec la posologie. Vous ferez tant d’heures de lecture à voix haute, d’écriture… et ça ira mieux »
La dictée, l’arbre qui cache la forêt
« Il y a une volonté politique de masquer l’incapacité du ministère à mettre en œuvre une politique éducative qui permette de réduire les inégalités » nous confie la responsable syndicale. « Pendant que l’on parle de la dictée, de la suppression de l’heure de techno… on ne parle pas des classes surchargées. Quand on a 30 élèves dans la classe c’est moins facile de faire de la production d’écrits qu’avec 20 élèves. On ne parle pas des suppressions de postes d’enseignants RASED et de la difficulté des enseignants à faire face aux difficultés des élèves. On ne parle pas du manque de remplacement des enseignants absents. On ne parle pas des suppressions de postes – plus de 1000 à la prochaine rentrée pour le premier degré !
On ne parle pas des vrais problèmes de l’école. On focalise les regards sur les enseignants on pointe leur responsabilité, c’est très inquiétant ».
D’un point de vue pédagogique, Guislaine David a aussi des choses à dire. « On dit aux enseignants de faire plus de dictées pour que les élèves soient meilleurs en orthographe. On occulte totalement la production d’écrits dont on sait qu’elle est le facteur essentiel dans l’apprentissage de l’orthographe. La note fait aussi une large place au décodage et à la fluence, et une toute petite à la compréhension de textes. Un élève qui ne comprend pas un texte rencontrera des difficultés dans toutes les autres matières. La compréhension est au cœur des apprentissages de l’école primaire ».
Les programmes, les grands absents des circulaires
Autre grief, l’absence de mention des programmes qui guident les enseignants et enseignantes dans leur classe. « Les programmes sont élaborés par le CSP (le conseil supérieur des programmes) et ont été votés. On ne peut passer outre. Il y a donc là une négation des programmes et la volonté de contrôler les pratiques enseignantes. On leur dit exactement ce qu’il faut faire ». Sur le terrain, Guislaine David craint que les IEN (Inspecteurs de l’Éducation Nationale) érigent ces textes en programme.
Pour la porte-parole, ces notes de service sont symptomatiques du « en même temps » qui semble guider la politique gouvernementale. « On nous dit que l’on va libérer les énergies au niveau local, qu’on va construire des projets innovants, que les équipes auront toute latitude pour lancer des projets, qu’on valorise la liberté pédagogique… Et en même temps, on sort des circulaires très prescriptives»
Autre motif de colère pour le syndicat, et non le moindre, la mise à mal de la politique de cycle. « On nie la politique de cycle lorsque l’on prescrit des activités par niveau » nous confie Guislaine David.
Lilia Ben Hamouda