Service minimum pour faire face à la baisse du niveau des élèves. Le 4 janvier, Pap Ndiaye a fait les annonces classiques des ministres économes : dictée et calcul quotidiens à l’école primaire, une heure de maths ou français en plus en 6ème, généralisation de Devoirs faits. Autant de mesures qui ne coutent pas grand chose puisqu’il sera fait appel à des professeurs des écoles au collège. Pas question de revenir sur les suppressions de postes ou de diminuer le nombre d’élèves en classe. Sur la revalorisation Pap Ndiaye entretient le flou.
Des propos à nouveau flous sur la revalorisation
Il y aura » une augmentation socle pour tous les enseignants » a promis le 4 janvier Pap Ndiaye sur BFM. Sur son compte Twitter, il parle « d’une revalorisation générale pour tous et des rémunérations liées à de nouvelles missions ». Le ministre de l’éducation nationale revient donc sur ses propos du 16 octobre où il parlait d’une revalorisation pour les « 20 à 25 premières années de carrière ». Et il le fait pour une augmentation promise pour septembre 2023, autrement dit un moment bien lointain. Après les déclarations présidentielles fluctuantes, Pap Ndiaye entretient à son tour le flou sur ce que sera réellement cette revalorisation, du moins pour la partie générale. Car le discours sur le « nouveau pacte », c’est à dire faire travailler davantage les enseignants, est nettement plus constant. Ces propos contradictoires, évoluant au gré des semaines alors que l’inflation grignote rapidement le niveau de vie des enseignants, ne risquent pas d’attirer des candidats vers un métier dont l’avenir semble douteux et dont la revalorisation réelle, à travers le nouveau pacte, s’annonce très inégalitaire.
Impasse sur les inégalités sociales de réussite
Pap Ndiaye a été bien plus clair et surtout plus traditionnel en ce qui concerne les annonces pédagogiques. S’appuyant sur les résultats des évaluations faites par son ministère, il déclare que « 27% des élèves (n’ont) pas le niveau requis en français, un tiers en maths » à l’entrée en collège. Le ministre fait surtout l’impasse sur la dimension sociale de cette situation. Il ne le dit pas mais ces élèves faibles sont surtout des élèves pauvres. Selon ces évaluations, en 6ème, le score moyen en français passe de 261 en 2020 et 2021 à 256 en 2022. Mais, « les élèves accueillis dans les établissements publics appartenant à un REP+ ont des difficultés particulièrement marquées : ils sont 53,7 % à appartenir aux deux groupes de bas niveaux, soit 27,7 points de plus que ceux scolarisés dans le secteur public hors EP ». Les disparités sont très fortes selon l’IPS des collèges : 277 pour le groupe d’IPS 1 et 234 pour le groupe 5.
En maths, globalement, les écarts de réussite, liés également au niveau social, se sont renforcés tout au long du premier quinquennat. « Au niveau national, en début d’année scolaire 2022-2023, le score moyen est stable (253,3 points en 2022 pour 253,5 points en 2021). Sur la période 2017-2022, la part des élèves dans les bas niveaux a légèrement augmenté, passant de 30,8 % à 32,5 % (+1,7 point). Dans le même temps, la proportion d’élèves dans les hauts niveaux a connu une hausse plus importante, passant de 28,2 % à 31,4 % (+3,2 points) ». L’écart selon le profil social des collèges est important : 276 pour le groupe IPS 1 et 227 pour le groupe 5.
C’est pire quand on regarde l’enquête internationale TIMSS 2019, sur le niveau en maths, montre qu’en Cm1 les écoliers français sont nettement en dessous de la moyenne des pays de l’UE (485 contre 527) et de l’OCDE (529). Cet écart de 50 points correspond à une année d’enseignement ! Il faut chercher le Chili pour ne pas être le dernier pays de l’OCDE… De plus, notre score a baissé depuis les déjà très mauvais résultats de 2015. L’école française compte trop d’élèves très faibles (12%) et trop peu de très bons (3% contre 7% dans l’OCDE).
Un catalogue classique de mesures
Face à cette situation, Pap Ndiaye emprunte au catalogue classique des ministres. Pour faire face à ces faibles niveaux, il invite à renforcer les fondamentaux. Rappelons que la France est déjà la championne d’Europe des horaires de français et maths à l’école primaire. Et cela s’est nettement aggravé sous le quinquennat précédent sous les incitations ministérielles. Pourtant on ne peut pas dire que les résultats soient au rendez-vous de cette démarche !
Pap Ndiaye annonce que « des recommandations pédagogiques (par exemple sur la pratique régulière de la dictée, la pratique quotidienne de la rédaction, la régularité du calcul mental) sont adressées aux professeurs de CM1 et de CM2 ». Avant lui, N Vallaud-Belkacem en 2015, JM Blanquer en 2017, ont eux aussi annoncé le calcul mental et la dictée quotidiens. En réalité cette mesure est en application depuis 2002 et largement installée dans les classes des écoles.
Il reste une nouvelle mesure : « A compter de la rentrée 2023, tous les élèves de CM1 passeront des évaluations nationales en français et en mathématiques qui donneront aux professeurs des repères pédagogiques afin d’éviter que les difficultés ne s’installent ». Pap Ndiaye poursuit donc la construction de la machine numérique typique du nouveau management public. On a pu voir ses effets négatifs aux Etats-Unis et en Grande Bretagne avant de la subir en CP et CE1 en France. Elle enserre les pratiques pédagogiques, appauvrit l’enseignement au détriment des disciplines autres que celles qui sont évaluées. Au final, les élèves apprennent à réussir les tests ce qui ne veut pas dire que leur niveau s’améliore. Et la pression sur les enseignants est telle que cela influe sur les résultats aux tests. Ces évaluations nationales sont un outil de management des enseignants sans être une aide ou un outil d’enseignement.
Des PE au collège
Au collège, Pap Ndiaye annonce que » des professeurs des écoles interviendront en classe de 6e pour favoriser la transition entre l’école et le collège et soutenir l’apprentissage des savoirs fondamentaux » et que « chaque élève bénéficiera d’une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en mathématiques ou en français, autour des compétences clés ». Pap Ndiaye s’inspire d’une expérimentation à peine entamée à Amiens, celle des classes tremplin.
Ces mesures ont l’avantage d’être économes. Améliorer les conditions d’enseignement en classe des élèves de sixième en diminuant le nombre d’élèves en classe et en créant des petits groupes aurait été autrement couteux. Pap Ndiaye a annoncé 800 suppressions de postes dans le premier degré. Envoyer des professeurs des écoles (PE) dans les collèges correspond à environ 1200 postes. On se rapproche des 2500 postes de PE que le ministère pense possible de supprimer au vu de l’évolution démographique. Là aussi le choix n’est pas celui de l’amélioration des conditions d’enseignement dans le 1er degré.
Il semble que le ministre fasse le choix de séparer l’aide des cours normaux, à travers ces heures confiées à des PE et le renforcement de « devoirs faits » qui deviendrait obligatoire. Ce choix est économique mais ce n’est pas le meilleur sur le plan pédagogique.
Enfin Pap Ndiaye annonce une énième réforme du brevet. » Une concertation sera engagée avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative sur l’évolution des classes de 5e, de 4e et de 3e pour d’ici la fin du quinquennat..Tous les sujets seront abordés. Ces travaux pourront porter sur les modalités d’évaluation. Le Diplôme national du brevet sera révisé s’il le faut ». Cet examen, particulièrement mal taillé, fait l’objet, comme le bac, de réformes régulières. On peut s’interroger sur cette incapacité du ministère à asseoir aucun examen national au moment où il prêche l’autonomie des établissements.
Avis négatif des syndicats
Ces mesures ont entrainé des réactions syndicales négatives. Pour le Se-Unsa, » face aux besoins des élèves, la réponse apportée reste superficielle. Elle s’appuie sur l’expérimentation « 6e tremplin » à peine débutée dont on voit déjà les limites organisationnelles. L’opérationnalité de cette généralisation est fortement interrogée, en particulier pour permettre à des professeurs des écoles d’intervenir durablement au collège ». Pour le Snalc, qui parle « d’usine à gaz », » les réponses proposées ne nous semblent pas à la hauteur, et ne prennent pas en compte les classes surchargées ni les difficultés d’exercice du métier ». Pour Sud, » l’aide aux devoirs est bien sûr précieuse aux élèves, mais elle ne peut être l’unique réponse aux difficultés scolaires. Celles-ci doivent être également prises en charge sur le temps de classe avec une baisse significative des effectifs et l’augmentation du nombre d’heures en effectifs réduits ». Pour ce syndicat, » il faut cesser les « annonces vitrines », impossibles à mettre en oeuvre sans désorganiser le fonctionnement des écoles et des collèges. Dans le contexte d’austérité budgétaire, ces annonces risquent fortement de dégrader encore les conditions de travail dans l’Éducation nationale et laissent supposer que la revalorisation des personnels maintes fois promise par le ministère se résumerait en fait à un développement des heures supplémentaires ».
François Jarraud
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