2022, année compliquée pour les profs, est enfin terminée. Les enseignants et enseignantes s’attendent-ils à mieux en 2023 ? Pas simple de se montrer optimiste en ce début d’année.
De nombreux défis attendent l’École : faire progresser le niveau des élèves – tous les élèves, empêcher la fuite des enseignants et enseignantes en postes, rendre attractif un métier mésestimé et désaffecté… Pour beaucoup, 2022 restera l’année du manque cruel de candidats aux concours et de l’augmentation des démissions dans une profession jusqu’alors épargnée par les défections.
2022, c’était aussi l’année de l’arrivée d’un nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye. Après cinq années de Jean-Michel Blanquer, beaucoup attendaient de cette nomination. Pourtant, jusqu’à présent, le changement de cap tarde à pointer le bout de son nez. La mainmise de l’Élysée sur le dossier de l’école laisse peu d’espoir quant à un changement radical.
Lors de ses vœux, le président de la République Emmanuel Macron a estimé que son gouvernement avait « commencé à raviver la confiance dans notre Éducation nationale… en s’appuyant sur l’énergie et le dévouement de nos enseignants ». Une affirmation que nombre d’enseignants et enseignantes ont du mal à digérer même s’il est vrai que l’on peut compter sur leur énergie et leur dévouement… Mais jusqu’à quand cela suffira-t-il ? Et lorsqu’on lit le dernier rapport de la DEPP, difficile de partager le constat du Président. En effet, ce rapport dresse un bilan peu réjouissant pour les professeurs français. Avec un temps de travail plus élevé que leurs collègues européens, ils touchent un salaire parmi les plus faibles d’Europe.
Mal payés et peu valorisés dans la société, on comprend mieux pourquoi le nombre de candidats aux concours de l’enseignement reste historiquement bas. Et ce, malgré une promesse de revalorisation. Cette année encore, la rentrée 2023 risque d’être chaotique.
Mais « bonne nouvelle », les enseignants pourront cumuler leur emploi avec « une activité lucrative de conduite d’un véhicule de transport scolaire ou assimilé », mesure annoncée dans un décret publié dans le JO le 27 décembre dernier. Une façon d’arrondir les fins de mois, de se garantir d’être à l’heure en cours et de faire réviser les élèves lors du trajet ?
Outre leur salaire peu attractif, les conditions de travail des enseignants et enseignantes n’ont eu de cesse de se dégrader : classes surchargées, élèves en difficulté, peu ou pas de remplacements de leurs collègues absents, manque de moyens… On voit mal comment les profs pourraient être optimistes. 2023 ne s’annonce guère plus réjouissante que 2022.
Dans son allocution, le président a aussi pointé « la principale injustice de notre pays (qui) demeure le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale ». Selon lui, « la réponse se trouve dans l’école, dans l’orientation, dans notre enseignement supérieur, dans notre politique d’innovation et dans notre industrialisation ».
En France, les inégalités sociales se transforment très vite en inégalités scolaires. À quinze ans, selon les origines sociales des élèves, on constate un écart de niveau de deux ans et demi. Quelle réponse propose le gouvernement pour combattre ce constat macabre ? La création d’un Conseil National de la Refondation (CNR). Ce dernier prône la généralisation de « l’école du futur », expérimentation marseillaise qui conditionne des moyens supplémentaires à la création de projets pédagogiques innovants, qui est censée sauver l’école. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr. Surtout lorsque l’on sait que dans une grande majorité des cas, les écoles ont recyclé des projets déjà existants afin d’avoir enfin des moyens à la hauteur des besoins des élèves.
Le Ministre, quant à lui, malgré un discours teinté de bonne volonté, semble être dans la continuité de son prédécesseur (voir l’article Pap Ndiaye cherche la confiance).
Alors quel espoir reste-t-il aux profs ? Peu, il faut le reconnaître. 2023 s’annonce être une année compliquée et pleine d’enjeux pour la profession. Mais les enseignantes et enseignants sont surprenants. En 2017 et en 2020, ils avaient réussi à infléchir les projets politiques de Jean-Michel Blanquer. Tout est encore possible, à condition de ne pas se décourager.
La journée de mobilisation du 17 janvier pour une revalorisation de tous, pour de meilleures conditions de travail et contre la réforme des retraites sera un indicateur de leur capacité à résister.
Lilia Ben Hamouda