À l’école Frescatis de Saint-Pons de Thomières, dans les hauts cantons de l’Hérault, la journée du 9 décembre est consacrée à la laïcité et au vivre ensemble. Et ce n’est pas nouveau. Claire Sompayrac – directrice et enseignante de la classe de MS-GS, et Sophie Gazel, enseignante de la classe de CP-CE1-CE2 expliquent ce qu’elles mettent derrière le mot Laïcité et pourquoi il était important pour elles de mener un travail dessus.
L’école Frescatis, c’est comme une deuxième maison pour Claire et Sophie. Claire y enseigne depuis 22 ans. Sophie depuis 21 ans, mais y a été élève. Cette petite école rurale n’a rien à envier aux écoles labelisées REP+, pourtant elle ne bénéficie pas du label et s’est vue retirée en 2018 le maitre supplémentaire qui apportait beaucoup à la dynamique du collectif pédagogique. « Notre école est une école rurale, mais nous accueillons une population très défavorisée, il y a peu de mixité sociale et certains de nos élèves vivent des situations de grande misère… » explique Sophie.
Une journée consacrée à la différence et la tolérance
Vendredi 9 décembre, les élèves de Sophie et du dispositif Coup de pouce ont participé à plusieurs ateliers – au choix – pour « célébrer » l’atteinte à laïcité. Après avoir visionné une vidéo sur un petit zèbre qui perdait ses rayures et qui craignait le regard de ses camarades, les enfants ont pu discuter de la différence et de ce que l’on ressentait lorsqu’on se savait différent. « Comme finalement le petit zèbre était devenu le centre d’attention de ses copains qui s’émerveillaient de sa différence, les enfants ont pu voir que la différence était une richesse et non un handicap… » résume Sophie. D’autres ont discuté de l’assignation des individus à des catégories après avoir visionné le film d’animation « peut-on ranger les gens dans des boites » proposée par la Cité des sciences et de l’industrie. « Ce petit film est très intéressant, il permet aux enfants de voir qu’on n’est pas obligé d’être étiqueté, qu’on peut être parfois gentil, parfois méchant… Qu’on puisse être une fille pas sage et un garçon sage ou même qu’un ogre, ce n’était pas toujours méchant finalement… » raconte Sophie. « Dans la vie, ce n’est pas tout blanc, ce n’est pas tout noir. Et ce n’est pas si simple de ranger les gens dans des boîtes » conclut le narrateur du film.
Les grands ont ensuite accompagné les plus petits dans la confection de bonhomme en pâte à modeler. « Chacun était libre de colorier son bonhomme comme il le voulait, de le parfumer aussi à l’aide d’épices… Tous étaient différents, mais tous étaient des bonhommes puisque la consigne était qu’ils devaient avoir des jambes, des bras, une tête… » explique Claire.
La laïcité pour contrer les violences entre élèves
Ce travail autour de la laïcité n’est pas nouveau dans cette petite école rurale des hauts cantons de l’Hérault. Il a été initié, non pas, car les robes des filles étaient trop longues ou les religions trop présentes dans l’école, mais pour faire face une multiplication des faits de violence entre élèves. C’était en 2015. Les enseignants ont donc décidé de s’atteler à la question de la dégradation du climat scolaire et remettent à plat leur mode de fonctionnement. « On accueille des enfants qui sont quelques fois très « éloignés » de la culture scolaire. Ils subissent l’exclusion et la pauvreté » explique Claire. Rapidement, les enseignants décident de fonctionner en classes multiniveaux pour éviter des classes de grands qui concentraient beaucoup d’élèves « difficiles ». « On a axé notre action sur la coopération, sur les valeurs républicaines et le vivre ensemble. Plus qu’un projet supplémentaire, c’était un besoin pour apaiser le climat et améliorer les conditions d’apprentissage » ajoute Sophie.
« Une démarche d’équipe et pas d’individus » insistent les deux enseignantes, « il s’agissait pour nous d’appréhender la laïcité comme un outil de compréhension de la différence et de travailler sur tout ce qui permet la tolérance ».
À l’école Frescati, ce ne sont donc pas les atteintes à la laïcité qui ont amorcé les différentes réflexions sur la qualité du vivre ensemble, mais bien l’idée que la laïcité est un des premiers atouts de la vie en collectif, de l’appréhension de la place de chacun dans la société, quelles que soient les différences.
Lors de leur première journée de la laïcité, en 2015, toute l’école a participé. « On avait proposé huit ateliers où les élèves pouvaient s’inscrire, un peu sur le modèle des maisons de Harry Potter ». Arts visuels avec la construction d’un banc de l’amitié, la création de statuettes représentant les symboles de la république : liberté, égalité et fraternité. Des ateliers sportifs où la coopération était à l’honneur (faire passer un cerceau sans se lâcher les mains, jeux de labyrinthes où seul, on s’en sort moins bien…). Des ateliers émotions où les élèves pouvaient mettre des mots sur leurs émotions, des ateliers sur l’égalité fille-garçon basés sur l’étude des catalogues de jouets de Noël, des débats philosophiques…
« Mais on travaille ces thématiques de tolérance toute l’année » ajoute Sophie. « Une année, j’ai travaillé sur le handicap. La peluche de la classe était blessée. Nous avons arpenté l’école avec le handicap de Mirou – notre peluche. C’est comme cela que nous nous sommes rendus compte que la cour était inaccessible depuis ma classe ! »
Travailler autour de la laïcité, c’est permettre à chaque enfant de trouver sa place dans un collectif où les différences importent peu. La laïcité est un atout remarquable pour tout travail sur le vivre ensemble. Malheureusement, lorsque l’on parle de laïcité, on parle trop souvent de ce qui ne va pas et pas assez de tout ce qui se fait de fabuleux en son nom.
Lilia Ben Hamouda