Comment appliquer la loi de 2004 dans une région où les voiles et les foulards n’ont jamais suscité de problèmes ? Emilie Pontanier et Anne-Claire Husser publient dans la revue Tropics un intéressant article sur la « créolisation » de la loi. Là-bas aussi tout a changé avec JM Blanquer. Jusqu’en 2018, la loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles est simplement ignorée. La circulaire rectorale adressée en 2018 aux chefs d’établissement vient rompre une situation traditionnelle de grande tolérance. E Pontanier et AC Husser montrent que les enseignants vont adopter 3 types de positionnement face à la circulaire. Une partie des enseignants sont partis dans une chasse aux signes religieux, traquant aussi bien les signes catholiques qu’hindous ou musulmans. « Gommant la nuance entre ostensible et visible, l’enseignante tend finalement à appliquer aux élèves une restriction de la liberté d’expression, en la comparant à celle des agents de l’État astreint à la neutralité », expliquent les auteurs à propos d’une professeure. D’autres pratiquent la transition douce. « Cet accompagnement se traduit parfois par des démarches originales, centrées sur le bien-être des élèves, comme l’organisation d’ateliers coiffure pendant la pause méridienne. Il s’agit ici pour les jeunes filles d’apprendre à gérer leurs « cheveux afro » sans le voile ». Enfin, la résistance est là aussi. « Ces professionnels défendent une laïcité accommodante de manière pérenne qui se confond en réalité avec l’ancienne norme de tolérance de tous les signes religieux. Conformément à celle-ci, les enseignants interviewés conçoivent la coexistence religieuse et sa reconnaissance comme l’aboutissement de la laïcité à La Réunion : une laïcité créolisée. La laïcité créolisée se trouve principalement mobilisée chez des professionnels réunionnais (experts) ou résidents sur l’île depuis plus de 8 ans. Ces derniers se montrent particulièrement sensibles à la reconnaissance du patrimoine identitaire local et partagent un sentiment de fierté quant à la valorisation de la diversité et des singularités culturelles et cultuelles des familles et des élèves. ».