Interrompu à l’Assemblée nationale par le dépôt d’un 49.3, le débat sur le budget de l’Éducation nationale a eu lieu au Sénat. La Haute assemblée a adopté le budget, la droite apportant son soutien au gouvernement et sans modifier réellement ce budget. Le débat a surtout servi à faire passer un clair message des Républicains au gouvernement : il faut réformer l’Éducation nationale en allant plus loin dans la casse du statut et l’autonomie des établissements.
« Vous poursuivez ce qui a été initié par votre prédécesseur »
« À tout prendre, il vaut mieux voter ces crédits, car nous portons un diagnostic partagé. Même si le budget n’est pas parfait, il répond à des questions pour lesquelles nous avons le même intérêt ». Rapporteur du budget de l’éducation nationale pour la commission des Finances, le sénateur LR Gérard Longuet est officiellement dans l’opposition. Mais, comme la majorité des Républicains, il soutient la politique suivie par le gouvernement en matière éducative.
« Pourquoi accepter ce budget ? Parce que, monsieur le ministre, vous poursuivez ce qui a été initié par votre prédécesseur : une évaluation systématique des élèves au primaire et au début du secondaire », explique G Longuet qui félicite aussi le ministre pour l’évaluation des établissements. « L’idée que ces établissements doivent rendre des comptes fait son chemin ».
Une « réelle autorité pour les directeurs »
Il revient à Max Brisson, LR, de faire entendre au ministre le programme des Républicains sur l’éducation. « Face au milliard affiché, je m’étonne que pas grand-chose ne soit annoncé en termes de réformes structurelles pour rendre attractif le plus beau métier du monde… Comment créerez-vous des postes à profil et des contrats de mission pour que les carrières soient moins linéaires ?.. Le plan « école du futur » entend donner plus d’autonomie aux établissements. Vous avez raison : il faut rompre avec l’organisation centralisée. Mais en quoi le financement, piloté par le haut, d’initiatives plus ou moins en lien avec le sujet pourra aboutir à une autonomie ? Peut-il y avoir une autonomie sans personnalité morale pour les écoles primaires, et sans réelle autorité des directeurs d’école sur les professeurs ? Peut-on encourager l’autonomie sans remettre en cause l’armature rigide du collège unique ? Peut-on redresser notre école sans la rediriger vers la transmission des savoirs fondamentaux, sans prendre en compte le fait qu’elle ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais doit apprendre à lire, écrire, compter ? » À partir de là, la droite va suivre les avis défavorables du ministre aux amendements proposés à gauche.
Les bonnes questions recalées
Car à gauche, on pose les bonnes questions sur l’École. Plusieurs amendements demandent le rétablissement des postes supprimés au budget 2023, dans le 1er degré (PC, PC), dans le second (PS, PC), pour augmenter le nombre de CPE (PS). Ils sont tous rejetés.
Deux amendements PS et PC proposent des crédits pour les lycées professionnels, une façon de critiquer la réforme en cours. Ils sont également rejetés.
Les sénateurs PC et PS proposent « un fonds de soutien à la revalorisation des enseignants », arguant des salaires très bas des professeurs. Les amendements sont rejetés par la droite, majoritaire au Sénat après un avis défavorable du ministre.
Sur les AESH, le mécontentement est plus partagé. Les amendements écologistes, socialistes et communistes sont rejetés. Les Républicains déposent un amendement qu’ils retirent : il s’agit là aussi de faire passer leur message vers la rue de Grenelle.
La droite au secours de l’École du futur
Au final, seulement quatre amendements au budget 2023 sont adoptés. Un amendement gouvernemental qui augmente de 565 000€ le fonds social des lycées agricoles. Un amendement LR qui trouve 2 millions pour une campagne pour l’enseignement agricole. Un dernier amendement est soutenu par la gauche et la droite : il s’agit de financer l’achat de matériel informatique pour les élèves handicapés.
La droite fait adopter un dernier article. « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 211-8 du code de l’éducation et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026, l’État peut participer au financement des dépenses générées par les projets pédagogiques des écoles publiques. Dans les mêmes conditions et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026, l’État peut également participer au financement des mêmes dépenses pour les classes des établissements du premier degré privé ayant passé un contrat avec l’État. » Ultime coup de pouce au gouvernement, cet article facilite la mise en place de « l’École du futur » et donne une base légale aux versements du Fonds pour l’innovation pédagogique aux écoles, imaginé par E Macron. « La simplification des circuits faciliterait la participation des écoles aux projets pédagogiques : avis favorable », déclare Pap Ndiaye.
François Jarraud