Professeur des écoles en cycle 3 à l’école la Roche des Grées de Messac-Guipry (35), Erwan Vappreau, lauréat du Forum des enseignants innovants à plusieurs reprises, était invité à l’après-midi de débats autour de l’innovation organisée par le Café pédagogique et Libération vendredi 25 novembre. C’est l’occasion de brosser le portrait de cet enseignant aux multiples projets.
Enseignant innovant, Erwan Vappreau l’est. Même s’il met beaucoup de précaution derrière le mot. « Cela met mal à l’aise tellement le terme est à présent galvaudé, récupéré, voir politisé, amenant plus à la discorde et à la discrimination. Car tout le monde sait bien que l’innovation est un processus présent dans toutes les classes et inhérente à ce métier qui demande à devoir s’adapter à l’évolution continue du cadre d’exercice et de ses contraintes, à l’évolution des élèves et de l’environnement de classe. Chacun innove dans le sens qu’il cherche à adapter régulièrement sa pratique, ses outils, recherchant l’efficacité dans l’acte d’enseigner avec la réussite des élèves et le « bien vivre ensemble » au service des apprentissages » explique le professeur des écoles..
Les sciences au service de la transdisciplinarité
Erwan Vappreau, c’est l’homme aux mille projets. Lauréat à plusieurs reprises du Forum des enseignants innovants, son dada ce sont les sciences, et ce, depuis toujours. Après un parcours universitaire scientifique en biologie et éthologie, Erwan entre au Muséum National d’Histoire naturelle et s’engage dans une année de troisième cycle en enseignement, diffusion et didactique des sciences. Un peu étonnant de le retrouver enseignant dans le premier degré. « Pendant quinze ans, je me suis investi en culture scientifique en participant à des animations, à de la formation, à la coordination de projets, au montage d’événements. J’ai alors eu l’occasion justement de croiser bon nombre d’enseignants différents avec qui je collaborais pour accompagner le développement de projets expérimentaux, technologiques ou scientifiques. C’est assez naturellement que j’ai souhaité à l’époque évoluer dans cette voie en passant le concours de professeur des écoles à Rennes. J’ai fait le choix du premier degré pour disposer d’une marge de manœuvre et d’une liberté pédagogique afin de continuer d’expérimenter et de m’auto-former aux pédagogies actives en prise directe avec le terrain ».
Dès le début de sa carrière, Erwan ressent le besoin d’échanger, de partager sa pratique avec ses pairs. C’est peut-être là qu’a commencé son aventure de professeur « innovant ». « Beaucoup d’enseignants restent dans l’ombre et d’autres s’exposent et on se retrouve forcément étiqueté, alors pourquoi s’exposer ? Déjà, cela est chronophage, cela implique de faire un site internet, ou de se valoriser sur les réseaux… On peut le faire pour chercher à montrer ce que l’on fait dans sa classe, pour une recherche de reconnaissance, moteur naturel pour certains. Mais pour moi, c’est surtout et essentiellement pour être moins isolé, surtout lorsque l’on explore des pratiques pédagogiques peu répandues au premier abord. C’est vraiment très enrichissant de vivre des temps réels d’échanges de pratique avec des collègues, y compris exerçant dans des cadres et dans des niveaux scolaires très différents. Ce sont des expériences très inspirantes, car comme les autres, je n’invente rien, mais je me nourris des autres pour proposer à mon tour des expériences jugées alors innovantes. Ces temps de partage ne sont pas inscrits dans notre parcours professionnel. Cela se passe alors en marge grâce à des réseaux associatifs, des réseaux d’enseignants, des événements plus ou moins médiatiques où l’on est invité physiquement à présenter les projets de ses élèves. On y provoque des rencontres qui nourrissent, alimentent en retour vos projets, de réflexions, d’idées, de critiques constructives ou même de propositions et d’idées pour aller plus loin, que l’on intègre et que l’on partage à son tour » raconte Erwan.
L’impression 3D au service de projets collaboratifs
Depuis plusieurs années, Erwan travaille sur la place que la création numérique et plus particulièrement de l’impression 3D comme outil offrant des perceptives de projets transdisciplinaires nouveaux en terme diversité et de pertinence. « Mes élèves en sont à s’attacher chaque année à résoudre ensemble des problématiques soumises par des partenaires extérieurs, dans des univers variés tels que l’éducation à l’environnement, le développement durable, la recherche scientifique, le handicap, l’action solidaire… ». Cette année, ses élèves de cycle trois travaillent – avec plusieurs autres classes – sur un projet en partenariat avec une équipe de chercheurs et chercheuses basés à Cayenne. Les élèves doivent inventer une leur artificielle – rien que ça – pour permettre à des papillons élevés en serre de se nourrir. « Nourrir ces papillons n’est pas chose facile, car il n’est pas question de prélever des plantes dans la nature et ces dernières ne sont pas en floraison toute l’année. Il faut imaginer des supports qui se substituent aux fleurs. L’idée est donc d’imaginer ensemble divers dispositifs expérimentaux visant à identifier les caractéristiques idéales d’une fleur artificielle, facilitant le nourrissage des papillons. Les élèves, sur les conseils avisés des scientifiques, ont isolé plusieurs paramètres à expérimenter, impliquant la conception et la réalisant de plusieurs séries de « fleurs » en impression 3D qui sont ensuite soumises aux papillons : expérimentations imaginées, scrutées par les élèves par caméra en direct puis analysées et interprétées avec les scientifiques »
Lilia Ben Hamouda