Alors que le président de la République et le ministre de l’Éducation nationale annoncent vouloir lier la revalorisation des enseignants à l’acceptation de nouvelles missions dans le cadre d’un « nouveau pacte », la Depp (direction des études du ministère) montre, dans une nouvelle Note, que les missions rémunérées actuellement par l’Éducation nationale augmentent les inégalités entre les femmes et les hommes et les disciplines. La logique du « nouveau pacte » est remise en question par cette étude.
Ce que sont les IMP
Curieusement, l’étude de la Depp porte sur les enseignants du second degré en mettant de côté les documentalistes, visiblement pas considérés comme des enseignants dans cette étude. Elle révèle qu’un enseignant sur quatre bénéficie d’une « indemnité pour mission particulière » (IMP) accordée dans 90% des cas par le chef d’établissement et pour le reste par le recteur pour une mission académique.
L’IMP peut concerner une mission annuelle (par exemple référent numérique) ou ponctuelle (par exemple un voyage scolaire). Elle peut correspondre à une prime ou à un allègement de service (beaucoup plus rarement). Le montant de l’IMP ne dépend pas du corps de l’enseignant, mais de taux variables, de 1250 à 3750 € pour des missions annuelles. 37% des IMP sont accordées pour des missions de coordination en établissement et 35% pour des missions d’intérêt pédagogique. 8% concerne des missions de référent numérique, 9% de référent culture et 10% des missions académiques.
Les IMP creusent les inégalités de genre
Mais ce que montre surtout l’étude, c’est à quel point ces missions entretiennent des inégalités entre les enseignants. À commencer par un fort écart entre femmes et hommes. « Les femmes font proportionnellement moins de missions rémunérées par des IMP que les hommes : 21 % des enseignantes perçoivent des IMP contre 26 % des hommes », explique la Depp. « Une femme qui perçoit au moins une IMP est rémunérée en moyenne à hauteur de 990 euros contre 1 280 euros pour un homme ».
La Depp explique que « quand les femmes font des missions, elles en font moins que les hommes : seulement 19 % des femmes qui font des missions rémunérées en IMP en assurent pour au moins 2 motifs différents alors que c’est le cas de 25 % des hommes. De plus, les missions les mieux rémunérées sont les missions de référent numérique (en moyenne 1 140 euros pour une femme et 1 490 euros pour un homme pour une mission) et les missions académiques (en moyenne 1 340 euros pour une femme et 1 440 euros pour un homme pour une mission) æ figure 10. Or, ces types de missions sont celles qui comptent le moins de femmes parmi les bénéficiaires ». On retrouve là la même inégalité observée pour les heures supplémentaires. Les femmes en font moins que les hommes. Cela tient évidemment à la répartition des charges familiales et aux stéréotypes de genre pesant sur les femmes. Alors que le ministère affirme vouloir lutter contre ces inégalités, sa politique salariale va en sesn contraire.
Les femmes sont par contre surreprésentées pour les IMP les moins bien rémunérées « comme la mission de référent culture (76 % de femmes parmi les bénéficiaires pour un montant moyen de 740 euros pour une mission effectuée par une femme) et les « autres missions » (64 % pour une moyenne de 690 euros) », dit la Depp.
Inégalités entre disciplines
La Depp constate aussi des inégalités entre les disciplines. « Environ un enseignant sur quatre a effectué une mission particulière, mais les enseignants d’éducation musicale, de technologie et d’éducation physique et sportive (EPS) sont davantage concernés que ceux d’autres disciplines », écrit la Depp. « Les types de missions particulières varient selon la discipline de poste des enseignants : les enseignants de lettres représentent quatre « référents culture » sur dix alors que ceux de mathématiques et de technologie un « référent numérique » sur deux ». Et nous avons vu que cela renvoie aux inégalités de genre. La Note de la Depp montre aussi que les IMP vont davantage aux enseignants avec de l’ancienneté dans leur établissement.
Cette Note illustre la voie que le ministère est en train d’emprunter avec le « nouveau pacte » voulu par le gouvernement. La logique est bien de faire travailler davantage les enseignants en rémunérant mieux de nouvelles missions. Mais, comme pour les heures supplémentaires, ne pourront accepter ces missions que les enseignants en ayant la possibilité. C’est-à-dire en priorité les hommes. La politique gouvernementale devrait creuser les inégalités de genre.
François Jarraud