Seul le Sgen Cdt fait défection. Les syndicats enseignants de l’enseignement professionnel (Cgt, Fsu, Snalc, Se Unsa, Snetaa Fo, Cnt) appellent à une seconde journée de grève aujourd’hui contre le projet de réforme lancé par Emmanuel Macron. La première journée a fait changer de ton la ministre de l’Enseignement professionnel. Cette seconde journée, si elle est aussi bien suivie que celle du 18 octobre, porterait un rude coup à une réforme dont personne ne veut.
Les horaires d’enseignement menacés
« Vous êtes confrontée à un vrai problème lié aux annonces du président de la République… Je regrette que vous n’ayez pas répondu aux questions ». Le sénateur Max Brisson (LR) résume assez bien la contre-performance de Carole Grandjean le 14 novembre. À quelques jours de la seconde journée de mobilisation des enseignants contre la réforme de la voie professionnelle, elle n’a pas convaincu sur les points clés.
La ministre a beau dire que le gouvernement va investir comme jamais dans les lycées professionnels, sans jamais avancer de chiffre. Ce que retiennent les enseignants, c’est l’annonce par Emmanuel Macron, aux Sables d’Olonne, du doublement des périodes de stage en entreprise. Le président a aussi promis de renforcer l’enseignement général. Mais, le 14 novembre, la ministre n’a pas trouvé la solution pour cet « en même temps » difficile. Les élèves en entreprise auront forcément moins d’enseignement général et professionnel, alors qu’à l’évidence, il leur en faudrait davantage. Tout ce qu’a trouvé C Grandjean c’est dire que « toutes les options seront étudiées avec peut-être des temps complémentaires » et que « des modalités peuvent être pensées autour de temps supplémentaires en amont du diplôme ou post diplôme ». Effectivement, l’idée d’une année non diplômante de mise à niveau post bac circule depuis dix ans au ministère. Si elle permet de créer un « parking » peu onéreux pour les jeunes rejetés de l’enseignement supérieur, elle ne répond pas aux interrogations des enseignants.
Cet enjeu est de taille. Interrogé par le Café pédagogique, le fondateur du bac professionnel, Daniel Bloch, estime que la réforme Macron supprimerait 8 à 10 000 postes d’enseignants, soit un professeur de lycée professionnel (PLP) sur six. Une perspective que les PLP connaissent bien. La réforme de 2009 a fait passer le bac pro de 4 à 3 ans. Celle de 2018 a sabré dans les enseignements généraux, réduisant des disciplines comme le français ou les maths à 1 h 30 hebdomadaires. En même temps, les réformes du collège et du lycée ont rajeuni les lycéens professionnels et abaissé leur niveau scolaire. Dans l’entourage de la ministre, on laisse bien entendre que les groupes de travail réunis pour cette réforme pourraient recommander le retour au bac pro en 4 ans. Mais la confiance a disparu bien avant l’arrivée de C Grandjean. Et ses premières déclarations ministérielles, son rattachement au ministère du Travail, le silence du ministre de l’Education nationale sur cette réforme entretiennent la défiance.
Reconversions annoncées
La perspective d’ajuster localement les horaires disciplinaires inquiète aussi les enseignants. Pour eux, elle signifie la concurrence entre collègues pour les heures (cela aussi, ils connaissent déjà !) et la suppression des diplômes nationaux, ceux-ci étant définis par un volume de cours fixé nationalement.
Autre traumatisme gravé dans la mémoire des PLP : les reconversions. Certes, un décret paru juste avant l’annonce de la réforme permet aux PLP d’enseigner en collège et en lycée général. Mais les reconversions qui ont suivi la réforme de 2009 ont été marquées par plusieurs suicides d’enseignants qui se sont trouvés déqualifiés et face à un public de collégien pour lequel ils n’étaient pas préparés. Or Emmanuel Macron a annoncé une grande révision des cartes scolaires pour les ajuster aux besoins des entreprises locales. Une perspective qui réduit aussi fortement le droit des lycéens professionnels à suivre la formation de leur choix.
Face à la mobilisation inédite des PLP, C Grandjean a promis que la réforme serait mise en place très progressivement. Elle a pourtant lancé des groupes de travail qui doivent rendre leurs conclusions dès début 2023. Seuls les syndicats les moins implantés chez les PLP acceptent d’y siéger. Les autres n’y voient qu’une « prétendue concertation ». Et cette participation n’empêche pas l’intersyndicale de regrouper tous les syndicats, sauf le Sgen Cfdt.
Le 18 octobre, 23% des PLP selon le ministère étaient en grève. Le Snuep Fsu parle de 62% de grévistes. Cette mobilisation est attendue le 17 novembre.
François Jarraud