Denis Sestier : En histoire-géographie, le jeu pour inclure
Co-fondateur du réseau Ludus qui aide les enseignants à jouer en classe, professeur d’histoire-géographie et formateur, Denis Sestier revient sur l’intérêt de jouer en classe. Si le jeu est « l’outil pédagogique qui exclut le moins » c’est aussi un levier pour que l’enseignant dégage du plaisir en classe. Pour les élèves mais aussi pour lui…
Depuis 1999 vous animez le réseau Ludus, un réseau de professeurs d’histoire-géographie intéressés par le jeu pédagogique. Pour vous le jeu est-il efficace pour que les élèves apprennent ?
C’est la question que se posent enseignants et chercheurs. Il n’y a pas jusqu’à maintenant d’étude probante pour indiquer que le jeu soit efficace en tous temps. Mais le quotidien de la classe montre que à quel point le jeu, à certaines conditions, est efficace pour motiver les élèves et intégrer les moins scolaires.
Le jeu peut exclure ?
Il est peut-être l’outil pédagogique qui exclut le moins. Il exclut moins que les travaux académiques. Il inclut les élèves qui peuvent être en difficulté face à une situation traditionnelle. Ces élèves sont davantage à l’aise dans une situation où ils n’ont pas vécu d’échec.
Mais le jeu n’est pas destiné qu’à ces élèves. C’est un outil qui permet de mettre en activité des élèves différents, en réussite ou pas. Il met en mouvement les élèves qui subissent le quotidien de la classe. Cela me semble important. Le jeu ne règle pas les difficultés scolaires. Mais il permet de se sentir partie prenante d’une activité de la classe. Et ça c’est positif.
Préparer une séance de jeu en classe prend du temps. Quel est l’intérêt pour l’enseignant ?
Souvent c’est le cas même si cela dépend du jeu. De nombreuses activités pédagogiques demandent aussi du temps. L’intérêt pour le professeur c’est d’abord de trouver une modalité pédagogique mobilisant les élèves pour les aider à progresser. C’est aussi un moment de créativité intéressant.
On peut aussi limiter le temps en mutualisant. C’est ce qu’on fait dans le réseau Ludus. On met à disposition des collègues des propositions, pas forcément applicables sans adaptation, qui sont une bonne base de départ. Quand on a créé le réseau on a eu cette conviction que faire entrer le plaisir dans la classe est aussi une façon de transformer l’école et le vécu des élèves. C’est une dimension que l’on garde dans notre enseignement. Le jeu, avec le plaisir, est un outil d’inclusion pour les élèves qui ne trouvent pas d’eux mêmes les clés de l’école.
Il y a des types de jeu plus répandus en histoire géo ?
Il y a de tout. Mais les escape games dominent en ce moment comme les jeux vidéos il y a quelques années.
Peut-on dire qu’il y a un marché du jeu scolaire alimenté par les écoles ?
Je ne crois pas. Les jeux utilisés en classe relèvent de l’artisanat. Les tentatives d’utilisation des jeux vidéos n’ont pas eu un grand succès. La plupart des collègues utilisent des jeux qu’ils ont fabriqué ou récupéré auprès de collègues.
J’ai l’impression que les jeux documentaires, comme l’inoubliable « J’ai vécu au 18ème siècle » ont disparu ?
Les propositions de jeux évoluent. C’était un type de jeu qui demandait beaucoup de temps en classe.Et la pratique montre que pour qu’un jeu soit utilisable en classe il faut qu’il soit jouable dans les conditions scolaires. S’il n’est pas jouable en une ou deux heures de cours et avec 35 élèves il a du mal à entrer dans la classe.
Les simulations ont-elles trouvé une place ?
Il y en a . Mais on a du mal à trouver des simulations qui fonctionnent bien sur le matériel dont on dispose en classe. Il y a des simulations simples comme « Des territoires, une voie » qui sont utilisables. Ce qui décline ce sont les propositions lourdes qui sont difficiles à utiliser en classe. Le jeu pédagogique se pratique dans un cadre très contraint. C’est différent du jeu de loisir. Par exemple je n’ai plus de demi groupe. Il m’est impossible d’aller en salle informatique.
Le réseau Ludus a plus de 20 ans. Comment se porte-il ?
Il existe par son site qui est toujours alimenté par des collègues. Au départ c’était un groupe académique sur Caen. Aujourd’hui c’est un réseau numérique qui publie de 10 à 20 propositions de jeu par an. On pense qu’il est utile. Depuis sa création on a dépassé le million de visiteurs uniques.
Propos recueillis par François Jarraud