« Est-il nécessaire de recruter des professeurs des écoles à bac plus 5 ? » S’il fallait retenir une annonce des échanges entre le ministre de l’éducation nationale et les députés de la Commission de la culture et de l’éducation le 2 août, celle-ci est la plus significative. Non seulement elle ramène l’Ecole à avant la masterisation de 2010 et l’égalité de formation entre professeurs des premier et second degré instituée en 1989, mais elle en dit long sur la revalorisation envisagée par le ministère. Ce n’est pas en abaissant le niveau de recrutement qu’on va faire augmenter les salaires. Pap Ndiaye a également étroitement lié la revalorisation aux « débats » initiés à l’automne qui devraient aboutir à des sélections de projets pédagogiques avec les élus locaux en 2023 et un financement par contrat. Derniers points importants : les élections des parents des écoliers par vote électronique, une promesse de la loi Rilhac, ce n’est pas pour cette rentrée. Et rien n’a fuité sur le budget 2023 qui devra pourtant être adopté à l’automne…
Un recrutement spécifique pour les PE
Repoussé d’une semaine, de juillet à août, l’échange entre le ministre de l’Education nationale et les députés de la Commission de la culture et de l’éducation, le 2 août, a été particulièrement long et beaucoup plus fouillé que celui avec le Sénat quelques semaines auparavant. Pap Ndiaye semble commencer à maitriser ses dossiers.
La principale annonce est cette idée du retour à un recrutement spécifique des professeurs des écoles. Développant le thème de la crise du recrutement des enseignants, Pap Ndiaye interroge : « est-il nécessaire de recruter des professeurs des écoles à bac plus 5 ? Le recrutement à bac + 5 est injuste socialement. Voilà une question que nous voulons poser ».
Cette annonce est lourde de menaces pour les professeurs des écoles. Il s’agit rien de moins que de revenir à une formation différente pour les professeurs des écoles et les enseignants du second degré. Les uns et les autres ont une formation commune, en IUFM, puis en ESPE, depuis 1989. C’est donc un retour en arrière de taille. Et c’est aussi représentatif de la revalorisation projetée par le ministère. Abaisser le niveau de recrutement des enseignants du second degré c’est évidemment ouvrir la porte à une rémunération plus basse que leurs collègues du second degré.
Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux de Xavier Darcos en juillet 2008 qui visaient eux aussi à faire des économies. « Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’Etat, que nous fassions passer des concours à bac+5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? » Pap Ndiaye s’inscrit aussi dans la continuité de l’action conduite par JM Blanquer qui a lancé une formation spécifique des professeurs des écoles via une préprofessionnalisation en lycée.
Une revalorisation liée aux nouvelles missions
La question de la revalorisation a bien sur occupé une large partie des échanges avec les députés. Pap Ndiaye ne l’a pas séparée de celle de « l’école du futur » et des nouvelles missions des enseignants. Le ministre parle de « revalorisation morale » des enseignants en même temps que financière. Et il lie cette question aux débats qui vont avoir lieu en octobre dans chaque école, collège et lycée. « On va échanger tout au long de l’automne sur la question de la revalorisation de même que sur les missions nouvelles que nous pourrions proposer aux enseignants et qui ont été esquissées par le président de la République », dit-il. Il annonce des débats en octobre débouchant à une sélection de projets pédagogiques par des jurys auxquels participeront les élus locaux. Ils sélectionneront des projets faisant l’objet d’un financement à la rentrée 2023. Ainsi s’amorce une extension des contrats locaux engageant aussi les collectivités locales. Le ministre associe aussi la revalorisation à de nouvelles règles pour les mutations et les déroulés de carrière. « Nous souhaitons des renouvellements par le bas à la rentrée », dit-il.
Pas d’amélioration pour les directeurs d’école
Pap Ndiaye a été interrogé sur les décrets d’application de la loi Rilhac. Ils sont en préparation, précise t-il « à propos de l’avancement de carrière et des missions des directeurs d’école ». Ce dernier point est le point saillant de la loi Rilhac puisqu’il définira « l’autorité fonctionnelle » des directeurs. Début juillet, Max Brisson, sénateur LR, avait invité le ministre à passer de l’autorité fonctionnelle à l’autorité hiérarchique, dévoilant ainsi clairement l’ambition de la loi Rilhac. Sur ce point le ministre ne s’est pas engagé évoquant une « concertation » avec les syndicats. La loi Rilhac prévoit que les directeurs d’école puissent faire voter électroniquement les parents d’élèves. C’est même sa seule amélioration concrète de la situation des directeurs d’école. Cet espoir va être déçu : le ministère n’est pas en mesure d’assurer un vote sécurisé aux élections d’octobre. Cela aussi est révélateur du projet porté par cette loi.
Les jardins d’enfants bientôt sauvés ?
Dernières annonces du ministre, Pap Ndiaye dit que ses services « essayent de trouver un moyen pour préserver les jardins d’enfants », mis en péril par la loi Blanquer. Il semble aussi moins hostile à l’instruction en famille. Le ministre ne cache pas les importants écarts entre départements pour les autorisations. Et il promet de veiller une harmonisation. Ce sont les seuls points où il s’écarte vraiment des conceptions de JM Blanquer. Pédagogiquement il affirme se situer dans la continuité, qu’il s’agisse des « fondamentaux » ou du culte de la fluence.
François Jarraud