L’Ecole devrait être à l’abri des inégalités de genre. A la fois parce que ses valeurs y poussent. Et aussi parce que les femmes y sont très majoritaires. Pourtant il n’en est rien. La place des femmes est liée à leur position hiérarchique. Et leur rémunération reste inférieure à celle des hommes. L’égalité entre les femmes et les hommes reste à construire à l’éducation nationale.
Une hiérarchie interne basée sur le genre
S’il est un ministère où les femmes sont nombreuses c’est bien l’Education nationale. Si on prend les seuls enseignants, on trouve 84% de femmes dans le premier degré et 58% dans le second degré. Au total 71% des enseignants sont des femmes. Et cette proportion ne cesse d’augmenter. En 2015 elles représentaient 69% des enseignants.
Mais si les femmes sont plus que majoritaires, leur poids est directement inversement proportionnel à leur place dans la hiérarchie des corps dans l’éducation nationale. Ainsi on compte 84% de femmes chez les professeurs des écoles mais seulement 65% chez les certifiés. Chez les agrégés elles sont tout juste majoritaires (53%). On ne trouvera que 38% de femmes chez les professeurs de chaire supérieure.
La même logique est à l’oeuvre chez les personnels non enseignants. 95% des personnels de santé sont des femmes, 84% des administratifs, 79% des personnels d’éducation. Mais on tombe à 52% chez les personnels de direction, 51% chez les inspecteurs et 42% dans l’encadrement supérieur. Parce que l’exemple vient de haut. 42% des Dasen et dasen adjoints sont des femmes, 40% des recteurs et seulement 34% des inspecteurs généraux.
Des inégalités de carrière…
Vous avez compris : les carrières des hommes et des femmes ne sont pas les mêmes à l’Education nationale. « S’il y a plus d’hommes que de femmes en hors classe et classe exceptionnelle, cela est dû en partie aux différences démographiques (les femmes étant plus jeunes), mais également à un rythme de progression différent. Quel que soit le corps considéré, les hommes passent plus rapidement à la hors classe à partir de 20 ans d’ancienneté en moyenne « , constate le Bilan social du ministère. « C’est parmi les professeurs des écoles et les professeurs d’éducation physique et sportive que l’écart entre femmes et hommes est le plus important. Le passage en classe exceptionnelle est également un peu plus rapide pour les hommes que pour les femmes au sein du corps des professeurs certifiés ».
Cela impacte bien sur les indices. « Ce rythme différent de passage de grades entre les hommes et les femmes font que les écarts d’indice se creusent après vingt ans d’ancienneté. Les différences entre l’indice des enseignantes et celui des enseignants sont faibles, mais ont tendance à s’accentuer avec la progression dans la carrière . Dans le corps des professeurs des écoles, l’indice moyen des hommes est supérieur d’environ 3 % à celui des femmes pour les enseignants qui ont plus de 20 ans de carrière. Dans le second degré, pour les corps de PEPS l’écart est également plus élevé après 20 ans de carrière, avec un indice moyen des hommes supérieur de 2 % à celui des femmes, il peut atteindre 4 % pour les PEPS », nous dit le Bilan social du ministère.
Et de salaire
L’indice ne fait pas à lui seul le salaire. Il y aussi les heures supplémentaires, les missions assumées, le temps d’enseignement. Voilà trois domaines où les femmes sont désavantagées , la société faisant peser sur elles davantage les charges familiales.
Et cela se retrouve dans le salaire avec un écart moyen de 14% aux dépens des enseignantes. « Quels que soient le corps et le secteur, les femmes enseignent davantage à temps partiel/incomplet et sont moins avancées dans leur carrière (TIB moins élevé de 3 % à 9 % selon les corps et le secteur). Le niveau et la part des primes sont également moins élevés pour les femmes. Parmi les professeurs des écoles du public, l’écart de primes est de 27 % entre femmes et hommes, en lien avec une relative surreprésentation des hommes dans les directions des écoles et sur des établissements de plus grande taille (la prime de direction étant en partie liée à la taille de l’établissement), et dans les missions de remplacement. Dans le second degré, public comme privé, les femmes perçoivent en moyenne 21 % (dans le public) à 25 % (dans le privé) de primes de moins que les hommes. Cet écart est particulièrement fort parmi les professeurs agrégés et de chaire supérieure (28 % dans le public, 30 % dans le privé). En particulier, les hommes ont une plus grande propension à effectuer des heures supplémentaires, percevant en moyenne, tous corps confondus 33 % (dans le privé) à 41 % (dans le public) de rémunérations pour heures supplémentaires de plus que les femmes. Ils exercent également davantage de fonctions rémunératrices », nous dit le Bilan social.
On peut chiffrer ces inégalités salariales. Ainsi chez les professeurs des écoles, les femmes percoivent en moyenne 2310€ net par mois quand les hommes ont 2543e. Chez les certifiés et PLP, les femmes gagnent 2632€ et les hommes 2811€. Chez les professeurs de chaire supérieure et les agrégés l’écart est plus important : 3465e et 3822€ mensuels. Ces inégalités se retrouvent chez les cadres. Chez les personnels de direction, les femmes gagnent en moyenne 4099€ et les hommes 4340. Chez les inspecteurs on trouve 4274€ et 4402€.
Une culture genrée
Même les disciplines sont genrées. La part des femmes est très variable , même en dehors de l’enseignement professionnel où les écarts sont maximums. Ainsi on ne trouve que 38% de femmes chez les professeurs de philosophie, 44% en maths et 43% en physique chimie. Par contre 83% des professeurs de langues sont des femmes, 79% des professeurs de lettres, 65% des professeurs de SVT et 69% en arts plastiques. L’inégalité des genres est ancrée dans l’identité même des enseignants.
François Jarraud