La première circulaire de rentrée de Pap Ndiaye est parue. Le ministre maintient les orientations pédagogiques de JM Blanquer. Il y ajoute la feuille de route donnée par Emmanuel Macron, notamment les fameuses concertations dans les établissements avec les parents et les « partenaires ». Mais il y associe ses propres préoccupations comme la mixité sociale, ou le bien être des élèves. Finalement chaque niveau (école, collège, lycée) est concerné. Et l’Ecole de Pap Ndiaye évolue dans une continuité déconcertante.
« Une école engagée pour l’excellence, l’égalité et le bien-être »: la circulaire de rentrée de Pap Ndiaye soulève trois défis difficiles pour l’Ecole française mais qui reprennent les thèmes des discours d’E Macron. C’est que l’essentiel de la circulaire aurait pu être signé par le ministre précédent. Pap Ndiaye ne remet en cause aucune des orientations pédagogiques de JM Blanquer. Au contraire il les prolonge sans ambiguïté.
Ecole, collège, lycées
» La maîtrise des savoirs fondamentaux – la lecture, l’écriture, les mathématiques – conditionne la réussite scolaire et constitue ainsi l’objectif prioritaire de nos politiques de réduction des inégalités » affirme d’emblée la circulaire. On notera que « le respect », toujours ajouté par JM Blanquer a disparu des fondamentaux. Mais Pap Ndiaye va plus loin que JM Blanquer dans l’importance accordée aux fondamentaux définis aussi étroitement.
La maternelle devient avec Pap Ndiaye le nouveau terrain d’exercice des fondamentaux. L’évolution dessinée sous JML Blanquer, notamment grâce aux évaluations de début de CP, est nettement affirmée. » Les résultats des évaluations à l’entrée du CP montrent que les écarts de maîtrise des compétences fondamentales se fixent dès le plus jeune âge… C’est pourquoi l’année 2022-2023 doit être une année de maturation et d’un nouvel investissement pédagogique, matériel et humain autour de l’école maternelle et de la continuité entre les cycles 1 et 2″. Le ministre annonce des formations pour les enseignants de maternelle pour renforcer l’enseignement des fondamentaux en maternelle. On va plus loin que ce qui était introduit avec les nouveaux programmes.
« Le collège verra également la continuation du Plan mathématiques » annonce la circulaire mais il va également évoluer. » Cette année, les collèges expérimenteront, en lien avec les autorités académiques, de nouvelles organisations pédagogiques en classe de sixième pour mieux accompagner la transition entre l’école et le collège, donner sa pleine cohérence au cycle 3 et renforcer le niveau des élèves dans les savoirs fondamentaux, notamment en mathématiques. La priorité sera donnée aux collèges dont les résultats aux évaluations nationales révèlent des difficultés spécifiques ». JM Blanquer avait introduit un renforcement des maths et du français dans certaines 6èmes aux dépens de disciplines jugées moins utiles. Pap Ndiaye veut aller plus loin en ce sens, ce qui pose la question du collège unique.
Par contre le ministre tempère l’annonce d’E Macron des après midi orientation. » Des collèges volontaires proposeront de nouvelles activités de découverte des métiers à partir de la classe de cinquième et tout au long du cycle 4, qui pourront prendre la forme de visites d’entreprises, de mini-stages, de rencontres avec des professionnels ». La mesure ne sera pas généralisée à la rentrée.
Au lycée, le ministre confirme les 1h30 de maths facultatives en série générale. Surtout il annonce que » Des dispositions définitives seront mises en place à la rentrée 2023 dans cet objectif de renforcer la place des mathématiques au lycée général et d’y assurer un enseignement pour tous ».
En lycée professionnel, Pap Ndiaye confirme les orientations banqueriennes : les familles de métier, la co-intervention sont confirmés. Par contre il tempère pour le doublement des périodes de formation. » Les périodes de formation en milieu professionnel seront replacées au centre des dispositions pédagogiques, en redoublant d’effort pour accompagner les élèves les plus fragiles dans l’identification d’entreprises d’accueil. »
La feuille de route dictée par E Macron
Le ministre reprend deux axes fixés par E Macron : les concertations à la rentrée et l’expérimentation marseillaise. » À l’automne, des réflexions collectives associant nos partenaires seront engagées au sein des équipes, à partir du projet de leur école ou de leur établissement, afin qu’elles puissent identifier leurs atouts, leurs difficultés et leurs besoins. Chaque académie sera chargée de l’organisation générale de ces débats qui se déclineront à l’échelon local dans les écoles et établissements pour susciter, encourager et accompagner les initiatives les plus adaptées à la réussite des élèves ». Il s’agit donc de réunions pour fixer des dispositifs pédagogiques faites avec les « partenaires » c’est à dire les parents, les collectivités locales, les associations et peut-être aussi le tissu économique. Ces concertations vont mettre les écoles et les établissements sous pression, particulièrement dans les territoires où la majorité est forte.
Par contre l’expérimentation marseillaise mise en avant par E Macron, avec son budget pour chaque école et établissement, est ramenée à une taille plus modeste. » Dans la continuité de l’expérimentation marseillaise et en vue d’en généraliser progressivement la méthode, le ministère met en place un dispositif d’appui aux innovations locales pour la réussite des élèves. Ces moyens supplémentaires permettront de soutenir les projets et les ambitions des équipes pédagogiques, avec un accompagnement renforcé des académies, pour construire l’École du futur. » Aucun budget n’est annoncé. La promesse semble déjà se dégonfler.
Des orientations nouvelles
On retrouve aussi dans cette circulaire des points qui renvoient à la personnalité de Pap Ndiaye. Ainsi Pap Ndiaye veut « lutter contre les assignations sociales et territoriales ». Ce souci de la mixité sociale dans les établissements n’était pas le point fort de son prédécesseur. » Nous devons de même agir avec volontarisme au service d’une plus grande mixité scolaire. Outre l’ouverture de nouveaux internats d’excellence en cette rentrée 2022, cela passe par l’implantation de cursus d’excellence dans les établissements les moins favorisés et l’accueil d’élèves boursiers dans les établissements les plus favorisés. En cette rentrée, 43 nouvelles sections internationales ouvriront dans des collèges parmi les plus défavorisés, tandis que 94 lycées et 250 collèges parmi les plus favorisés sont engagés dans une stratégie de plus grande ouverture aux élèves boursiers. Cet effort devra être poursuivi et amplifié : dans chaque académie, des objectifs de réduction des écarts sociaux entre collèges et entre lycées seront fixés dès cette année, en tenant compte des différences de situation entre les territoires. Ces objectifs, qui seront concertés avec les équipes éducatives et les collectivités territoriales, doivent nous permettre de progresser sensiblement à la rentrée 2023 dans la mixité scolaire », dit l eministre.
On voit donc le ministre proposer deux méthodes. « Des objectifs de réduction des écarts » en accord avec les collectivités territoriales, sans qu’on sache bien comment ils pourraient être atteints. Il y a une méthode clairement exprimée : celles des filières d’élite dans les établissements. Malheureusement l’expérience francilienne, analysée lors d’un colloque en 2019, montre que cette stratégie ne fonctionne pas. Ce qui fonctionne c’est les secteurs bi collèges avec rentrée alternée. Ce qui suppose une forte collaboration des collectivités locales.
Pap Ndiaye met aussi l’accent sur la santé mentale des élèves après la pandémie. L eproblème est réel mais là aussi les moyens manquent. » Dès la rentrée, des travaux seront lancés pour conforter le rôle des personnels médico-sociaux et renforcer l’attractivité de leurs métiers », écrit-il. Sur ce point le ministère part de très bas…
Enfin Pap Ndiaye met aussi l’accent sur l’environnement et s’engage dans le renforcement de l’éducation au développement durable. » Le Conseil supérieur des programmes doit donc engager une réflexion sur l’enseignement de l’éducation au développement durable, au-delà des travaux menés en 2020, afin d’en imprégner l’ensemble des disciplines ». Là on est dans un terrain où son ministère peut vraiment agir.
Arrivé de façon surprenante au ministère, Pap Ndiaye a surement hérité de la circulaire concoctée pour son prédécesseur et des cadres qui l’ont rédigée. Le nouveau ministre en épouse la vision pédagogique. Il est moins convaincant quand il défend ses propres orientations personnelles.
François Jarraud