Trois piliers fondateursPour la didactique, c’est Bachelard, Brousseau ou Chevallard qui forment le cadre initial. Les disciplines sont mises à contribution, avec le concept de « situation didactique », c’est à dire les conditions à remplir pour confronter celui qui apprend avec ce qu’il y a à apprendre. La « transposition », c’est le passage du savoir savant en savoir à enseigner, et plus généralement les transformations à réaliser pour permettre les situations d’enseignement. Le « contrat » didactique lie les attentes de l’enseignant et des élèves, nécessairement décalées, sources de malentendus potentiels. Chaque discipline a construit progressivement sa didactique, la manière d’aborder les contenus de chacune n’étant pas forcément la même que sa voisine. Ainsi, la didactique des mathématiques ou de l’EPS sont plus anciennes que les didactiques de l’histoire ou des disciplines techniques.
En matière de psychologie, Piaget et Vigotsky sont les auteurs de référence. Le concept piagétien de schème, reformulé par Brousseau, définit une « organisation invariante de l’activité pour une classe de situations définie ». Pilotant l’activité du sujet, un schème comprend un ou plusieurs buts, des règles d’action, des « invariants opératoires » (des manières de faire) et des possibilités d’inférence. De Vygostki, la didactique professionnelle retient notamment la conceptualisation à travers les instruments, dont le langage, et le rôle central du social (de la culture) dans les apprentissages. Celui qui apprend est capable de faire dans le groupe ce qu’il pourra ensuite faire seul. De Bruner, la didactique professionnelle retient les médiations de tutelle à réaliser par l’enseignant pour apporter l’aide nécessaire.
L’ergonomie est le troisième pied fondateur de la didactique professionnelle, en fournissant les méthodes d’analyse de la situation de travail, mais aussi en insistant sur la nécessaire activité intellectuelle de celui qui travaille, pour construire les manières de faire efficaces pour réaliser ce qu’il y a à faire, et s’approprier progressivement la culture du métier avant de pouvoir « y mettre du sien ».
Pour la didactique professionnelle, le sens d’une situation de travail est donc à la fois individuel et partagé : le sens qu’y donne chaque individu est singulier, mais les individus s’entendent sur le sens à donner à une situation, une pratique ou un mot.
L’analyse du travail qu’elle a développée a débuté avec le travail industriel et s’est étendue aux activités de service et d’enseignement. Cette analyse du travail a un double rôle : elle est un préalable à la construction d’une formation ; elle est aussi, par sa dimension réflexive, un instrument d’apprentissage.
Pour comprendre comment on apprend, il faut comprendre l’activité de ceux qui apprennent, et notamment quand ils font métier, par la «conceptualisation dans l’action » qui organise les schèmes.
Les compétences en acte…
La didactique professionnelle cherche donc à concilier l’inconciliable : l’approche théorique et l’approche opératoire. Elle s’intéresse à la « compétence » du sujet : ce qu’il sait faire, ce qu’il fait de mieux en mieux, en s’y prenant d’une manière plus efficace, en choisissant la bonne procédure, en s’adaptant aux situations nouvelles…
Mais la compétence n’est pas la performance. Pour savoir ce que le sujet sait faire, on ne peut pas se contenter de regarder le résultat. Il faut observer et comprendre l’activité elle-même. Au fur et à mesure qu’un sujet en sait davantage, qu’il peut agir différemment, il réorganise ses « schèmes » d’action, ses ressources, ses « gestes », à l’instar de ce que Bachelard disait des connaissances scientifiques qui ne s’empilent pas, mais se recomposent.
En produisant, en s’adaptant, le sujet se construit lui-même. Ses apprentissages, avec les autres, le développent, l’aident à re-penser le monde, à le comprendre, à chaque fois dans de nouvelles perspectives. A chaque fois, le sujet fabrique de nouveaux « invariants opératoires », qui sont les instruments de sa compréhension, de son action dans des « savoirs-en-acte » reconnus comme pertinents par le sujet comme par le groupe professionnel.
Construire des formations pour apprendre
L’ingenierie de formation développée par la didactique professionnelle insiste donc sur le contexte social dans lequel des adultes apprennent, en situation de formation : la formation doit s’adosser à leur expérience du travail, et non l’inverse.
La formation, c’est « l’apprentissage intentionnel », au cours duquel on fait réfléchir sur le travail, on « désingularise » les situations, on analyse rétrospectivement ce qu’on a fait, par des séances de débriefing, avec la médiation d’autrui pour proposer des interprétations hypothétiques de ce qui s’est passé. En identifiant les événements fortuits, les relations de causalité, on passe du vécu au récit, du récit à l’intrigue, de l’intrigue à la généralisation éventuelle.
S’intéressant spécifiquement aux « métiers de service » et aux enseignants, la didactique professionnelle se centre encore davantage sur les effets du langage, et sur les relations qu’il entretient avec la pensée dans les situations d’enseignement-apprentissage. Mais le langage n’est pas toujours « satisfait » : il ne suffit pas que le professeur énonce pour que l’élève apprenne. Parce qu’il agit sur un humain, l’enseignant vise simultanément plusieurs buts : obtenir le calme, mettre au travail faire apprendre… Les « buts inférieurs » servent les buts plus lointains. Devenir un enseignant expérimenté, c’est devenir expert dans la capacité à ajuster le problème posé à la capacité présumée des élèves de la classe, dans leurs diversités. Cela implique de construire (et reconstruire) les savoirs professionnels qui y contribuent progressivement.
Ressources :
Le site de l’association
http://didactiqueprofessionnelle.org
Une intro sur Eduscolhttp://eduscol.education.fr/cid46598/la-conceptualisation-clef-de-v[…]Revue Française de pédagogie – INRP numéro 154http://www.inrp.fr
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