« Ce qu’on a lancé (à Marseille) c’est retrouver le sel de l’école républicaine ». En visite dans une école marseillaise qui participe à l’expérimentation de « l’école du futur », Emmanuel Macron a précisé son projet pour les enseignants et l’école devant Pap Ndiaye. La revalorisation aura une part inconditionnelle et une part liée au « nouveau pacte ». Une heure et demi de maths sera proposée à la rentrée aux lycéens de première qui le souhaitent. Le président veut mettre « de la flexibilité » dans le système et « généraliser » l’expérimentation marseillaise des postes avec ses postes « à exigence particulière ». Un nouveau pas dans la déréglementation s’annonce.
Une revalorisation en partie inconditionnelle
Devant un ministre de l’éducation pratiquement muet, Emmanuel Macron a dévoilé ses intentions pour l’Education nationale pendant ce second quinquennat. Il a aussi annoncé des décisions précises et urgentes comme le retour des maths au lycée à la rentrée 2022.
« On sait qu’on aura une rentrée en tension sur ce sujet ». E Macron ne cache pas que la crise du recrutement des enseignants est bien là. Mais c’est pour mieux dévoiler ce que sera la revalorisation qu’il envisage. « L’investissement de la nation c’est 6 milliards. C’est ce qu’on est prêt à mettre en terme de formation, de rémunération. Il y aura une partie inconditionnelle et un nouveau pacte pour les enseignants.. où on proposera des taches nouvelles ». Pour lui ces taches nouvelles sont en partie déjà faites par les enseignants sans être rémunérées. « C’est ce qu’on fait déjà ici », précise t-il en faisant allusion à l’expérimentation marseillaise. « Les enseignants ont des décharges et des rémunérations ». Le nouveau pacte devrait être présenté à l’automne.
Plus de « flexibilité »
Dans l’esprit du président c’est lié à la généralisation de l’expérimentation marseillaise. « Notre ambition c’est dans les prochains mois de pouvoir généraliser cette approche », dit-il. C’est à dire la définition par chaque école et établissement d’un projet en lien avec les élus locaux, les parents et les associations. Et la possibilité pour le directeur ou le chef d’établissement de choisir son équipe. « Je n’ai pas dit que chaque directeur fasse son mercato. Ca ne marcherait pas », se reprend E Macron. « Il faut des règles nationales ». Mais c’est pour ajouter que qu’il faut que le chef d’établissement puisse s’assurer que chaque enseignant adhère au projet. Concrètement sur le terrain ca se traduit par des « postes à exigence particulière » avec un jury composé du directeur, de l’IEN et d’un enseignant qui donne un avis favorable ou pas aux candidatures qui restent classées selon le barème.
E Macron pourrait aller plus loin car il veut « donner plus de flexibilité au système ». Il évoque les nouveaux enseignants marseillais nommés à Bar-le-Duc. « Il faut donner la liberté aux gens d’aller dans les endroits où ils vivent ». Il pourrait donc aller plus loin que le compromis marseillais pour aller vers une déreglementation du mouvement. Pour E Macron cette politique « redonne du sens au métier enseignant » et « du respect pour ce métier… La république me donne des moyens pour faire mon métier dans de bonnes conditions ».
Généraliser l’expérimentation marseillaise
C’est aussi cette flexibilité qui permettrait de garantir « l’égalité des chances » par une meilleure adaptation de l’école aux conditions locales. « Partout sur le territoire on veut définir en quelque sorte des grands objectifs, mettre des moyens mais donner la possibilité à nos enseignantes, nos enseignants et l’ensemble des parties prenantes qui font l’éducation, aussi les chefs d’établissement, les parents d’élèves, les associations périscolaires avec les élus de permettre à notre école de continuer d’avancer et tenir ses promesses ». Ainsi les écoles marseillaises participant à l’expérimentation ont obtenu 40 000€ pour financer leur projet, cette somme étant partagée en des dépenses d’équipement et des rémunérations supplémentaires pour faire tourner le projet par exemple des heures supplémentaires pour des réunions. Pour E Macron, « on laisse aux enseignants la liberté d’innover et on met des moyens. On dégage du temps pour les directeurs en finançant des décharges. L’idée c’est de partir des élèves, de répondre à l’égalité des chances ».
Une option maths à la rentrée 2022 au lycée
Emmanuel Macron a aussi précisé ses intentions pour le retour des maths dans le tronc commun au cycle terminal du lycée. « Dès la rentrée prochaine nous réintroduirons la possibilité de choisir 1h30 de maths en options. Ce ne sera pas obligatoire cette première année mais toutes les familles pourront prendre cette heure et demi. Laissons la liberté aux enfants. Ensuite l’année prochaine (rentrée 2023) on pourra généraliser et rendre obligatoire après concertation ». En fait ce sera un enseignement du tronc commun facultatif intégré à « l’enseignement scientifique et mathématique ». Cet enseignement sera porté à 3h30 contre 2h aujourd’hui sans modification de son coefficient. « Tous les élèves qui le souhaitent bénéficieront dès la rentrée d’un enseignement en mathématiques en classe de 1ère », confirme le ministère.
Dans le premier degré les 30 minutes de sport quotidiennes seront généralisées, sans que le président ait détaillé leur mis en place.
Un ministre entre continuité et réforme
Et le ministre ? Pap Ndiaye accompagnait le président de la République. Mais pas ses propos. Il s’est exprimé une minute pour « souligner l’importance de cette expérimentation pour le ministère. Nous suivons attentivement ce qui se passe ici ».
C’est donc E Macron qui a parlé de ses ministres. »Il y aura des éléments de continuité », a dit E Macron. « Le socle que l’on a bati on va le consolider ». Il a rendu hommage à JM Blanquer qui « sera amené à jouer un rôle politique de premier plan ». E Macron a expliqué la nomination de Pap Ndiaye. « J’ai choisi de nommer un homme qui par son parcours dit ce à quoi je crois pour l’école de la république. Il incarne combien l’école permet de batir l’égalité des chances… Il montre par ses études son souci de l’égalité des chances et cet attachement à notre république qui doit être capable de batir son unité dans le respect de la diversité ».
Révolution culturelle ?
E Macron présente l’expérimentation marseillaise comme une « révolution culturelle » dans l’Education nationale. Le projet de l’école Menpenti, où était E Macron, consiste à créer deux laboratoires de maths en maternelle et élémentaire. Mais elle se heurte au manque de salles et seul un laboratoire était ouvert à une seule classe le jour de la visite. Quelques enseignants étaient venus protester contre leprojet. « E Macron décide de donner rien à tout le monde et beaucoup à 60 écoles », a déclaré un représentant du Snuipp Fsu. « Si on choisit de bons enseignants dans ces écoles , on en a forcément des moins bons ailleurs. C’est la fin de l’égalité », a explique Maxime Champion, représentant FO. Il a aussi confirmé ce que V Akliouat (snuipp Fsu) nous avait dit :la plupart des projets « innovants » de l’expérimentation sont simplement les projets déjà existants dans les écoles. L’école d’E Macron, avec ses projets, ses nouveaux chefs et son nouveau statut, c’est aussi un vieux projet.
François Jarraud