Le retour de Jean-Marc Huart au ministère est-ce le retour du blanquerisme rue de Grenelle ? La question enflamme les réseaux sociaux. Si JM Huart a bien été un maillon important de la politique blanquérienne, son retour ne signifie pas pour autant celui de JM Blanquer. Mais il pose d’autres questions.
Un spécialiste de la formation professionnelle
Agé de 54 ans, Jean-Marc Huart a commencé sa carrière comme professeur de SES. Nommé IPR il a été de 2002 à 2007 délégué académique à la formation professionnelle dans l’académie de Bordeaux. De 2007 à 2009 il est conseiller technique pour l’enseignement professionnel au cabinet de X. Darcos. Inspecteur général, il est sous directeur à la formation professionnelle à la Dgesco. De 2013 à 2015 il est sous directeur des politiques de formation au ministère du Travail où il participe à l’élaboration de la loi Sapin sur la formation professionnelle. Il revient à l’éducation nationale en 2015 avant d’être nommé directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) par JM Blanquer. Il restera à ce poste deux années de l’été 2017 à l’été 2019. Il est alors nommé recteur de Nancy-Metz et recteur de la région académique Grand Est. Il est élu en 2021 président de la Conférence des recteurs.
La fidélité à JM Blanquer
JM Huart a été un directeur général très actif et très fidèle à JM Blanquer. Une fidélité qui a continué quand il était recteur. Ainsi Libération a pu montrer en 2020 son rôle dans la naissance du syndicat lycéen « Avenir lycéen », une organisation inspirée par le ministère qui aurait même trouvé son nom. En novembre 2020, JM Huart s’était défendu d’avoir privilégié Avenir lycéen en affirmant qu’il entretenait comme Dgesco des relations avec toutes les organisations lycéennes et qu’il n’avait favorisé personne.
Est-ce cette fidélité qui explique la nomination de JM Huart ? Est-ce même le souci de donner des gages aux partisans de JM Blanquer suite aux attaques lancées contre Pap Ndiaye ? Des confidences arrivées au Café pédagogique le 20 mai mentionnaient déjà son installation rue de Grenelle. C’est à dire avant que les polémiques racistes prennent de l’ampleur. Et il n’est pas rare que l’Elysée intervienne dans la nomination des directeurs de cabinet. Ceux ci ont à travailler fréquemment avec le secrétaire général de l’Elysée. Ils doivent donc y avoir des liens.
Appliquer la réforme d’E Macron
La carrière de JM Huart explique sa nomination. C’est un spécialiste de l’enseignement professionnel. Il a participé à la réforme menée sous X Darcos puis aux lois qui se sont succédées sur la formation professionnelle. Il a été un rouage important des contacts entre Education nationale et organisations patronales. Or Emmanuel Macron veut réformer en profondeur l’enseignement professionnel. Non seulement il va doubler la durée des stages en entreprises, ce qui va poser problème pour le maintien des enseignements, mais c’est la philosophie même de l’enseignement professionnel qu’il veut changer. D’un enseignement scolaire donné à des élèves perçus comme de jeunes citoyens ayant droit au bagage éducatif commun et ouvrant la porte du supérieur, E Macron veut passer à un enseignement adapté aux besoins immédiats des entreprises locales. Au point que le Snuep Fsu a pu parler d’un « séparatisme des jeunesses ». E. Macron accorde à cette réforme une très grande importance et il a installé au centre du ministère un spécialiste capable de la diriger.
Une nomination inhabituelle
JM Huart connait très bien le ministère. Il est connu des services. Il pourra être un appui pour un ministre quine connait pas la « centrale » et mal le fonctionnement du système. Rappelons que là aussi c’est une situation banale. Il est rare qu’un ministre de l’éducation soit du sérail et ait l’expérience d’avoir dirigé les services centraux. La Dgesco prépare un dossier qui présente les projets en cours et permet au ministre de faire, avec son directeur de cabinet, le tour des questions. JM Huart connait très bien le ministère. Il devra être plus qu’un directeur de cabinet, un véritable appui pour P. Ndiaye. Ce qui va lui demander beaucoup d’autorité.
Mais il y a une autre surprise dans cette nomination. « C’est sans précédent qu’un recteur devienne directeur de cabinet », nous a dit Claude Lelièvre. D’abord parce que le poste de recteur est des plus confortables. Ensuite parce que diriger un cabinet demande une disponibilité totale. Les membres des cabinets « sont donc plutôt jeunes » même s’il y a des exceptions (comme C Kerrero quand JM Huart était Dgesco). JM Huart a accepté de quitter Nancy-Metz pour revenir au coeur d’un ministère épuisant. Pour combien de temps ?
François Jarraud