« Les objectifs de formation sont de plus en plus ambitieux dans un cadre horaire de plus en plus contraint, en particulier dans les séries S et STI2D – où les pertes horaires sont très marquées entre 1997 et 2019 pratiquement l’équivalent d’une année de formation –, ces séries ayant paradoxalement comme mission première de former des scientifiques ». Réalisé en juin 2021, le rapport très complet des inspecteurs généraux Dominique Obert et Laurent Mayet, qui sort seulement, montre un enseignement en difficulté du primaire au lycée, avec des résultats en chute. Pour autant, les solutions proposées, notamment l’enseignement intégré, sont elles à la hauteur des enjeux ?
Les mauvais résultats des élèves français
« Les résultats des élèves français aux enquêtes internationales s’appuient sur des tests passés au niveau CM1 (TIMSS 4 en 2015), à l’âge de quinze ans (PISA 2006 et 2015 – majeure culture scientifique) et en terminale scientifique (TIMSS advanced en 2015)… Les résultats des élèves français sont globalement dans la moyenne des pays de l’OCDE en culture scientifique (concernant PISA 2015 le score de la France pour les systèmes physiques est de 492, il est de 493 pour l’OCDE) ou très significativement inférieurs à la moyenne en science (à TIMSS 4 la France obtient un score de 482 en sciences physiques, il est de 522 pour l’Europe) et notamment en physique (à TIMSS advanced le score de la France est de 373, il est de 450 pour le groupe des pays médians et de 508 pour le groupe des pays les plus forts) ».
Depuis l’écriture de ce rapport, TIMSS 2019 est publié et montre des résultats détestables en sceinces au primaire où la France est en queue de classement et nettement sous la moyenne au collège. Mais déjà TIMSS advanced de 2015, cette étude portant sur les terminales, montrait une nette chute des résultats (95 points !) entre 1995 et 2015.
A ces résultats moyens s’ajoutent des traits inquiétants : « PISA, un taux important d’élèves dans les niveaux faibles et peu d’élèves dans les niveaux les plus forts. Ainsi 22 % d’élèves se situent à des niveaux inférieurs au niveau 2 considéré comme le seuil de compétence en culture scientifique ; une différence de scores entre les élèves issus de milieux très défavorisés et très favorisés, la plus grande parmi les pays d’économie comparable ».
Globalement, « les enquêtes internationales confirment les résultats des évaluations nationales et révèlent notamment la fragilité des connaissances en physique-chimie et des capacités à les mobiliser pour résoudre une tâche lors de la scolarité obligatoire, puis à nouveau un déficit de connaissances et une difficulté dans les applications qui engagent la maîtrise de langages scientifiques et notamment mathématiques en fin d’enseignement secondaire scientifique ».
La chute des horaires disciplinaires
Le rapport donne une partie des explications. « Les objectifs de formation sont de plus en plus ambitieux dans un cadre horaire de plus en plus contraint, en particulier dans les séries S et STI2D… En fin de collège le nombre d’heures dispensées a augmenté sur la période considérée – il passe de 128 heures en 1997 à 144 heures en 2018, avec un maximum de 160 heures entre 2000 et 2016. Dans la série scientifique de la voie générale, avec ou sans spécialité, ce nombre a considérablement diminué, perdant environ une centaine d’heures entre 1997 et 2018, soit l’équivalent de plus d’une année complète de physique-chimie en première S actuelle. La diminution est encore plus marquée pour les parcours technologiques de production comme la filière STI/STI2D, qui a perdu environ 160 heures d’enseignement de physique-chimie sur la même période ».
Une démarche d’investigation qui n’a pas fait ses preuves
Autre indication : la mise en place de la démarche d’investigation dans les programmes de 2009. Elle n’est pas critiquée par le rapport , bien au contraire. Mais il souligne « des objectifs de formation de plus en plus ambitieux ». Pourtant cette démarche est critiquée par Pisa 2015, ce que le rapport aurait pu mentionner. » Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies », dit le rapport.
Le manque d’enseignants
Autre difficulté signalée par le rapport , le manque d’enseignants titulaires. « Depuis plus de dix ans, le recours aux professeurs contractuels est récurrent pour la spécialité mathématiques – physique-chimie en lycée professionnel ; il a connu, depuis quatre ans, une croissance très rapide dans la spécialité physique-chimie en collège et en lycée général et technologique ». En 2009 dans le second degré on comptait moins de 400 contractuels et ils étaient descendus à presque 200 en 2012. En 2017 ils étaient 1400. Leur présence est particulièrement importante dans les académies de Versailles et Créteil. Ils réprésentent 7% des effectifs nationalement mais 14% à Versailles et 13% à Créteil. Cela malgré la baisse du niveau au capes. Ainsi en 2019, « pour la première fois depuis longtemps tous les postes n’ont pas été pourvus, puisque seuls 263 postes ont été pourvus sur un total de 385 postes mis au concours. Ce bilan est en partie imputable à l’érosion continue des résultats obtenus dans l’épreuve de mise en situation professionnelle, liée à un manque de maîtrise par les candidats des compétences expérimentales mais aussi des connaissances de base dans la discipline ».
Les inégalités filles / garçons
Un autre point noir de la discipline tient à la place des filles. L’inspection » note une moindre représentation des filles dans les parcours scientifiques, des performances des filles en physique-chimie légèrement inférieures à celles des garçons et une appétence plus faible pour les sciences attestée par les enquêtes nationales et internationales. Il est enfin relevé que les actions d’information et de sensibilisation pour développer l’appétence et lutter contre les stéréotypes en sciences peinent à faire évoluer les taux d’orientation des filles vers les sciences ».
Le rapport se penche aussi sur l’équipement pour montrer que les salles de travaux pratiques sont « conformes aux attentes » en lycée général et technologique public mais pas en lycée professionnel et au collège. Résultat : « la réalité quantitative des pratiques expérimentales observées n’est globalement pas à la hauteur des préconisations des programmes, notamment au collège et au lycée professionnel ». Les conditions de stockage des produits se sont améliorés mais on frémit en entendant qu’il y a des problèmes de sécurité pour les produits radioactifs présents dans les établissements.
Des préconisations qui ne remettent rien en cause
Les préconisations de ce rapport explique sa publication tardive. L’Inspection recommande le lancement d’un « plan science » à l’école et au collège, préconisation récupérée politiquement par le ministre en mars 2022. Le rapport ne remet pourtant rien en cause, ni sur les horaires ni sur la pédagogie recommandée.
« Au niveau du collège, la mission recommande de renforcer la dynamique du travail interdisciplinaire concernant l’enseignement de sciences et technologie en classe de sixième ; elle constate une régression significative de la pratique expérimentale au collège qui concentre, du point de vue des conditions matérielles, de nombreuses difficultés, et présente la nécessité de rédiger des repères de formation pour l’enseignement de sciences et technologie en troisième prépa-métiers. La mission propose donc de relancer un Plan sciences centré sur l’école et le collège et le suivi de sa mise en oeuvre par un chargé de mission au niveau national ». L’Inspection appelle à renforcer l’enseignement intégré en 6ème en misant sur les chefs d’établissement pour pousser cette transformation. Il appelle à « promouvoir la démarche d’interdisciplinarité ». Il n’y a donc pas de remise en cause de principes d’enseignement qui n’ont toujours pas fait leurs preuves.
François Jarraud