Alors que le président de la République tarde à publier la composition de son nouveau gouvernement, deux faits encadrent le devenir de JM Blanquer. Lui-même publie un bilan élogieux des 5 années de son ministère. Il le fait au moment même où la hausse du SMIC amène le salaire de départ des enseignants à son point historiquement le plus bas : 1.1 fois le smic. Malgré la communication ministérielle, le maintien de JM Blanquer rue de Grenelle semble impossible. Mais deux réalités cadrent le nouveau mandat ministériel. Quel que soit le successeur de JM Blanquer, il aura à affronter une situation sociale extraordinairement dégradée. Surtout, il devra le faire tout en mettant en œuvre la même politique que JM Blanquer. La page n’est pas tournée…
Un auto bilan élogieux
« Une école qui transmet à tous les élèves les savoirs et les valeurs qui le guideront tout au long de la vie, une nouvelle gestion des ressources humaines pour développer la personnalisation, renforcer l’esprit d’équipe et améliorer le service public d’éducation ». Ainsi JM Blanquer présente-il, sur le site de son ministère, les 5 années de son mandat.
» Rehausser le niveau général et lutter contre les inégalités sociales : tels étaient les deux objectifs que nous affichions très clairement dès 2017, dans la lignée des engagements pris par le président de la République lors de son élection. Depuis, tous ces engagements ont été tenus et même dépassés », écrit-il. Il cite les dédoublements, la revalorisation des primes rep+, les réformes du lycée et du lycée professionnel. » Le principe a été de donner une assise scientifique et républicaine renforcée à ces politiques par la création d’un Conseil scientifique de l’éducation nationale et d’un Conseil des sages de la laïcité ».
Les résultats ne sont pas là
Curieusement il y a un vrai record dont le ministre ne se vante pas, c’est celui de la longévité. Mais au bout de 5 années de son ministère, les résultats ne sont pas, contrairement à ce qu’il assure, au rendez vous. Commençons par ceux des élèves. Améliorer le niveau des élèves a été proclamé par JM Blanquer comme son objectif principal. Pour l’évaluer il a créé un outil ministériel, directement dépendant de lui, qui évalue tous les élèves de CP, CE1, 6ème et , théoriquement, 2de (mais au lycée il a échoué à l’imposer). JM Blanquer a promis « 100% de réussite » en CP. Il a mis des moyens pour cela en dédoublant les classes de l’éducation prioritaire (Rep et Rep+). Ce que montrent les évaluations mêmes du ministère c’est que le niveau monte lentement. Ne nous laissons pas impressionner. Dans tous les pays qui utilisent ces évaluations, le niveau progresse ne serait ce que parce que les élèves sont mieux préparés aux tests. Par contre ce que disent les données ministérielles c’est que les objectifs ne sont pas atteints. JM Blanquer avait promis un vrai bond au début de l’école primaire grâce à plus de 10 000 postes. En fait l’évolution est faible. Pire, les résultats des élèves socialement défavorisés des classes dédoublées ne sont pas meilleurs que ceux des élèves défavorisés des classes non dédoublées. On ne saurait mieux attester de l’impasse pédagogique dans laquelle le ministre s’est mis.
Pour évaluer vraiment le niveau des jeunes Français, il faut regarder les évaluations internationales. Or, les résultats de Pisa 2018 montrent une stagnation. Quand à ceux de TIMSS (maths et sciences) ils sont très mauvais. JM Blanquer explique qu’il faudra attendre les prochains Pisa pour avoir une idée des résultats de son action. Evidemment l’impact d’une action ministérielle prend du temps. Mais pas forcément 6 ans ou plus. Rappelons nous le « Pisa Choc » en Allemagne. Après des résultats très en dessous des attentes à Pisa 2000, l’Allemagne, malgré son système très décentralisé, a fait des réformes de fond. Comme le montre Dennis Niemann dans la revue de l’AFAE n°145, la situation s’améliore en langue nationale dès 2003 (+7 points), en maths (+13 points) et en sciences (+15 points) dès 2003. Sur ces 3 années la progression est plus rapide que sur les 3 années suivantes. Malheureusement on n’observe pas cela sous JM Blanquer. Il est vrai que les états allemands n’ont pas cherché à diminuer le coût de l’éducation. Au contraire ils ont investi.
Des réformes autoritaires
Là où JM Blanquer n’a pas lésiné c’est dans la destruction des réformes antérieures. Il a largement pesé sur le 1er degré pour réorienter les méthodes pédagogiques à l’aide des évaluations et des nombreux « guides » rédigés par son ministère. Pour un bon spécialiste de ce degré, c’est justement le coté autoritaire de ses réformes qui explique les mauvais résultats. Il a rompu définitivement avec l’école imaginée par les pères fondateurs de la IIIème République en détruisant, avec obstination, les petites républiques des professeurs que constituaient les écoles pour les soumettre au principe hiérarchique avec de malheureux directeurs chargés d’une autorité qu’ils n’ont ni le statut ni les moyens d’exercer. Au collège il a détricoté la réforme précédente, supprimant par exemple la 2de langue vivantes dès la 6ème. Il a réformé les lycées en profondeur de façon tellement maladroite et autoritaire qu’ils vivent en réforme continue d’adaptation en adaptation. Dans le second degré, l’heure est à la multiplication des missions et à la création de hiérarchies intermédiaires pour mieux diviser et surveiller les enseignants.
Finalement le bilan de ces réformes se lit dans le manque d’attractivité du métier enseignant. Au 1er mai, le salaire de début d’un enseignant correspond à 1.1 fois le SMIC. Un plancher encore jamais atteint. Depuis l’arrivée de JM Blanquer le nombre de candidats aux concours de l’enseignement est en baisse. Ce déclin continue explique t-il le fait que, cette année, ce nombre n’a pas été publié ?
Un nouveau Blanquer ?
Devant un tel bilan, il semble impossible que JM Blanquer soit maintenu à son poste. Mais qui d’autre en voudrait ? Le futur ministre de l’éducation devra faire face à une situation sociale extrêmement dégradée.
Les 5 années du ministère Blanquer se traduisent par un rejet inédit de la politique ministérielle. Toutes les enquêtes le disent qu’il s’agisse du Baromètre Unsa ou des enquêtes menées par la FSU. Selon le baromètre Unsa, la confiance est morte entre le ministre et ses personnels depuis 2018. En 2021 il compte seulement 8% de soutiens chez les professeurs des écoles et 6% chez les enseignants du 2d degré. Cela touche aussi les cadres. Un inspecteur (IPR ou IEN) ou personnel de direction sur quatre seulement partage les vues de JM Blanquer. En 2017, trois inspecteurs sur quatre adhéraient aux réformes de N Vallaud Belkacem. Selon le sondage Harris pour le Snuep Fsu, 71% des PLP jugent négativement la réforme de la voie professionnelle. Selon le sondage réalisé pour le Snuipp Fsu, seulement 5% des enseignants du 1er degré soutiennent la politique ministérielle. 85% sont contre la loi Rilhac.
Après les deux années et 9 mois du ministère Allègre, il avait fallu tout le talent d’un Jack Lang pour apaiser un héritage lourd à porter. Jack Lang avait été nommé pour renouer avec les enseignants. Il avait le soutien politique pour le faire. A la différence de Jack Lang, le nouveau ministre d’E Macron devra, lui, porter la continuité d’une politique lancée par JM Blanquer. Et le président n’a pas marqué dans son discours du 17 mars une considération particulière pour les enseignants.
Certes, JM Blanquer a mis une touche très personnelle dans la gestion de son ministère. Son long règne a été marqué par son obstination et son esprit autoritaire. Il lui a donné aussi une coloration scientiste qui occultait le populisme de ses mesures.
Mais le nouveau ministre, même s’il est beaucoup plus ouvert, aura à mener la politique annoncée par E Macron. C’est-à-dire, sur le fond, la même politique que JM Blanquer. E Macron a fixé comme objectif à son second quinquennat d’aller au bout des réformes menées depuis 2017. C’est le cas notamment pour la gestion des écoles et des établissements scolaires, pour la carrière et la rémunération des enseignants. La page n’est pas tournée.
François Jarraud