On ne parle plus de « nouveau pacte » pour les enseignants. La revalorisation sera pour tous les enseignants a annoncé E Macron le 20 avril lors du débat du second tour. C’est une des annonces d’une soirée électorale qui n’a consacré que 14 minutes à l’école. Assez pour que chaque candidat défende son modèle d’école : ouverture sur l’entreprise pour E Macron, discipline et exclusions définitives pour M Le Pen.
Convergence sur le lycée professionnel
Citons tout de suite le point de convergence des deux candidats à l’élection présidentielle. « Je veux mener une grande réforme du lycée professionnel », a dit E Macron. « Les stagiaires n’étaient pas payés. Je veux les payer et m’inspirer du grand succès de l’apprentissage ». « Je veux revaloriser la filière professionnelle, l’alternance, l’apprentissage », a dit M Le Pen. Pour une fois elle rend hommage à E Macron : « vous avez fait quelque chose de positif ». E Macron veut doubler la durée des stages en entreprises, rémunérer ces stages. Une mesure qui réduira d’autant les enseignements généraux et professionnels délivrés dans les lycées. Et diminuera d’autant le nombre d’enseignants.
Dédoublements en 6ème et 2de
Emmanuel Macron a avancé quelques nouveautés dans son programme éducatif. Il a annoncé vouloir « mettre des moyens pour les classes de 6ème et de 2de en permettant de les dédoubler partout où c’est nécessaire ». Aucun chiffre n’a été avancé. Mais il est clair que compte tenu des tensions dans les effectifs enseignants cette mesure ne pourrait pas être mise en oeuvre à la rentrée 2022 qu’à titre symbolique.
Macron promet une revalorisation sans contrepartie
La seconde annonce concerne la revalorisation des enseignants. Jusque là E Macron l’avait lié à des contreparties. Seraient réévalués les enseignants qui adhèreraient à un « nouveau pacte » où ils s’engageraient à effectuer de nouvelles tâches. Il avait été question de lier la paye au « mérite ». C’est en partie balayé.
« On ira au bout de la revalorisation des professeurs », a dit E Macron. « On va tous les revaloriser. Mais on revalorisera très substantiellement, jusqu’à 20%, ceux qui iront sur les méthodes les plus innovantes ». Un peu plus tard il ajoute que « la revalorisation a commencé. Je vais la poursuivre. De manière inconditionnelle la revalorisation sera d’environ 10%. Il n’y aura pas de démarrage de carrière sous 2000 €. C’est conditionné à rien ».
E Macron a donc évolué sur cette question. Il propose maintenant une double échelle de la revlorisation : 10% sans condition et 20% pour les enseignants acceptant des contreparties, ceux du « nouveau pacte ».
L’absence de contreparties lui a permis de dominer l’échange sur ce point avec M Le Pen. Celle-ci annonce 16% de revalorisation sur 5 ans. Mais dans le premier degré les enseignants devront faire 5 heures de travail supplémentaire. « Ils feraient une demi journée en plus au primaire mais ils seraient payés plus », précise t-elle.
Le Pen : l’école de l’exclusion
M Le Pen a mis en avant la sécurité à l’école. « Aujourd’hui il y a des classes entières persécutées par quelques individus qu’on laisse nuire à l’ensemble de la classe et gâcher l’avenir de certains élèves », dit-elle. « Il faut être beaucoup plus sévère… On n’ose plus prendre des exclusions définitives quitte à ouvrir des internats spécifiques pour ces enfants qui ont des problèmes de délinquance ». Elle introduit ainsi la sélection qui est au coeur de son programme éducatif puisque les élèves seraient orientés dès la 5ème. Le brevet serait un examen d’entrée en lycée, permettant d’orienter entre les filières du lycée les élèves ou de les envoyer à la vie active en fin de 3ème.
Ce mépris pour les enfants des familles populaires s’est retrouvé dans l’échange sur la ruralité. « Les dédoublements vous les avez réservé aux quartiers difficiles », reproche M Le Pen. « C’est une bonne chose de l’ouvrir à l’ensemble de la France ». E Macron répond que dédoubler les CP CE1 pour l’ensemble des classes n’est pas possible. « Regardez le nombre d’enfants par classe : c’est dans nos ruralités qu’il est le plus faible », dit E Macron. « Ce n’est pas vrai « , répond M Le Pen.
En fait les deux ont tort. Ce sont bien les classes rurales qui comptent le moins d’élèves même si depuis des années la tendance est au regroupement pour diminuer le nombre de postes en zone rurale.
M Le Pen prévoit bien des dédoublements partout mais avec des seuils plus élevés qu’E Macron. Dans le premier degré les classes seraient limitées à 20 élèves (et non pas 12). Concrètement cela aboutirait à supprimer des postes en Rep et Rep+ pour en ouvrir dans l’enseignement privé, comme nous l’avons montré. Dans le second degré le plafond serait fixé à 30 alors que la moyenne des classes est à 25 au collège public et 28 au lycée public. Ce « dédoublement » à l’envers aboutirait à dégrader les conditions d’enseignement au collège. Compte tenu de la sélection tout au long du second degré, la réforme Le Pen se traduirait par des suppressions de postes finançant la revalorisation.
En 14 minutes, les deux candidats ont finalement peu développé leur vision d’une école où ils ne comptent pas que des partisans.
François Jarraud